Une soixantaine de manifestants arrêtés lors des dernières marches contre le système, se trouvent actuellement en détention, a fait savoir l’avocat Me Ahmed Sai.
« Certains confrères ont dénombré 60 manifestants placés en détention, principalement à Alger. A priori, les autres wilayas ne seraient pas concernées. Les prévenus ont des avocats qui se chargent de leur affaire devant le tribunal. Nous avons pris la décision de nous constituer en tant qu’Union pour défendre ceux qui sollicitent », a confié Me Sai dans un entretien accordé au journal El Watan publié ce mardi 9 juillet 2019.
Pour sa part, Me Ouicha Bekhti a confirmé la soixantaine de manifestants en détention, dont les arrestation, a-t-elle rappelé, ont commencé le 21 juin dernier lors du 18e vendredi des marches contre le système. Des interpellations qui sont intervenues après le discours du chef de l’Armée Ahmed Gaïd Salah qui avait mis en garde ceux qui hisseraient des drapeaux autres que l’emblème national.
« C’est vrai, une soixantaine de manifestants sont en prison à Alger. Mais il faut savoir que certains viennent d’autres wilayas, comme Tizi Ouzou, Béjaïa ou Tamanrasset, etc. Ils représentent donc le territoire national. Ailleurs, les manifestants sont interpellés mais pas poursuivis. Nous n’avons pas de réponse à cette situation », a-t-elle précisé.
« En tout cas, ailleurs il y a eu des interpellations seulement. Il n’y pas eu de poursuites et encore moins d’incarcération. Le 21 juin, il y a eu l’arrestation d’un groupe de 16 manifestants, déférés devant le tribunal le 23 juin, puis placés en détention pour avoir porté le drapeau amazigh. Vendredi 30 juin, il y en a eu d’autres, à peu près 16, également placés sous mandat de dépôt deux jours après pour les mêmes motifs. Il y a eu de tout. Un vendeur de drapeaux, chômeur de son état qui fait vivre sa famille. Sur son étal, il y avait tous les drapeaux et il ne savait même pas pourquoi il a été arrêté. Il y avait aussi un Palestinien sorti marcher avec ses amis, et un autre jeune manifestant qui était très affecté au point d’en pleurer pour le fait d’être accusé d’avoir porté atteinte à l’unité nationale… », a-t-elle détaillé.
« Il n’y a aucune disposition qui interdit le port d’un drapeau autre que l’emblème national »
Selon Me Ouicha Bekhti du collectif de défense des manifestants arrêtés lors des marches, « il n’y a aucune disposition qui interdit le port d’un drapeau autre que l’emblème national. »
« Les arrestations ont commencé après les déclarations du vice-ministre de la Défense. Le discours de ce dernier n’est pas un texte de loi. Bon nombre des manifestants arrêtés ne portaient pas le drapeau amazigh », a-t-elle fait savoir, ajoutant que « les policiers les ont trouvés dans leurs sacs après interpellation et fouille. Un des manifestants était dans un bus, lorsque les policiers sont montés à bord et trouvé, après la fouille de son sac à dos, le drapeau amazigh avec l’emblème national. Il a été placé en détention à El Harrach. »
« Un autre manifestant, de Béjaïa, a été interpellé, fouillé avant que le drapeau ne soit trouvé dans son sac. Il a été incarcéré », a encore précisé l’avocate.
« Depuis quelque temps, nous assistons à des atteintes répétées aux droits et libertés d’expression, de manifester pacifiquement et de circuler »
« En fait, c’est le conseil de l’UNBA qui a convoqué cette assemblée générale extraordinaire des conseils de tous les barreaux en raison du développement de la situation du pays. Depuis quelque temps, nous assistons à des atteintes répétées aux droits et libertés d’expression, de manifester pacifiquement et de circuler », a répondu Me Sai a une question sur ce qui a motivé a tenue d’une assemblée générale extraordinaire des conseils des barreaux d’Algérie, le 6 juillet à Béjaïa, alors que la contestation populaire dure depuis plus de quatre mois.
« Le nombre des détenus d’opinion et de manifestants en prison ne fait qu’augmenter. Cela constitue une dérive qui nous interpelle en tant qu’avocats. Le conseil de l’UNBA a estimé qu’il était important de réunir tous les barreaux, de faire entendre notre voix et d’agir. L’assemblée générale a dénoncé toutes les atteintes aux droits constatées ces derniers jours », a-t-il ajouté.
Les avocats prévoient de boycotter jeudi prochain toutes les juridictions du pays. « En signe de protestation, nous avons pris la décision de boycotter, jeudi prochain, les juridictions judiciaires à travers tout le pays. Durant la même journée, des marches de protestation seront organisées au niveau régional, à Alger, Oran et Constantine », a indiqué l’avocat.