Depuis le début de la décennie, face aux exigences du réchauffement climatique, l’industrie mondiale se tourne vers des énergies plus propres et moins coûteuses comme le gaz naturel. La Russie, les Etats-Unis, certains pays du Moyen-Orient et d’Asie vont très vite se lancer dans cette aventure pour non seulement profiter de son accessibilité mais aussi essayer de définir les nouvelles frontières de la géostratégie énergétique mondiale. Si l’Afrique est la région stratégiquement la moins importante sur ce marché, elle monopolise l’attention de l’industrie en raison de ses projets innovants qui sont potentiellement de véritables Game Changer pour les économies des pays producteurs.
Deux pôles de développement sont au cœur des innovations de l’industrie en Afrique : les projets Tortue FNLG et Mozambique LNG.
Tortue FLNG : Situé à cheval entre le Sénégal et la Mauritanie, le projet Tortue FLNG s’appuiera sur des réserves gazières brutes de 40 Tcf , ce qui représente 8% de toutes les réserves gazières du continent africain.
La production initiale est prévue à 2,5 Mtpa à partir de 2022 ou 2023. Plusieurs autres unités modulables seront installées plus tard par Kosmos Energy et BP pour porter la production à 10 Mtpa, ce qui est une première mondiale dans le développement des unités flottantes de liquéfaction. 10 Mtpa, ça représente la consommation de la Chine
La technologie de liquéfaction qui sera employée sur place sera inspirée d’une innovation expérimentée pour la première fois au Cameroun par le Français Perenco. Elle consiste à modifier un méthanier en une unité flottante de liquéfaction. Une technique moins coûteuse et efficace qui d’ailleurs est envisagée sur de nouveaux projets de liquéfaction en mer ans les autres régions du monde comme en Asie.
BP et Kosmos annoncent d’ailleurs que le développement de leur usine modulaire sera la plus rapide de l’histoire de l’industrie du GNL avec un processus simplifié. En clair, la production du gaz en eaux profondes sera transférée dans un FPSO, en eaux moins profondes, au large de la Mauritanie et du Sénégal. Le FPSO effectuera alors le traitement initial et le gaz sera ensuite exporté vers un hub FLNG proche du littoral, protégé par un brise-lames. Généralement le processus est lourd et plus complexe. Il demande différents types d’unités de transformation. Actuellement, Tortue FLNG connait des travaux d’ingénierie (Phase 2 et 3) exécutés par l’Américain KBR. L’un des facteurs les plus innovants dans ce projet est lié aux considérations en rapport avec les changements climatiques.
Ces deux pays veulent, en effet, réduire leurs émissions de CO2 de 22 %. Par conséquent, les partenaires engagés dans les travaux travaillent sur des turbines à gaz ordinaires ou des turbines à cycle combiné en onshore, ce qui donnera une réduction de 17% du CO2 normalement rejeté. D’autres options suggèrent que les turbines fonctionnent à partir du solaire. Si cette option est prise en compte, cela serait une première dans le monde du GNL.
Mozambique LNG : Si les projets de liquéfaction en mer ont la cote, les firmes d’ingénierie sont unanimes pour dire que les usines de liquéfaction à grande échelle ne peuvent être situées qu’en onshore. L’évolution de la situation au Mozambique le confirme. Tandis qu’Eni travaille sur son projet flottant au Mozambique (3,3 Mtpa) dénommé Rovuma LNG, Anadarko s’active dans le lancement de son usine Mozambique LNG qui aura une capacité de 12,88 Mtpa avec deux trains de liquéfaction. Elle est prévue pour être l’une des plus puissantes du monde avec les toutes dernières technologies de production, assure la firme américaine. Ce gigantesque projet est avec Tortue FLNG, l’un des plus importants du monde car il permettra de desservir les plus gros consommateurs de GNL dont l’Asie et l’Europe à partir de 2024.
Avec une valeur de la décision finale d’investissements qui est de 20 milliards de dollars, ce projet sera la plus lourde réalisation de l’industrie en Afrique subsaharienne, tant dans le pétrole que dans le gaz. Selon le FMI, le pays deviendra un eldorado gazier et les recettes publiques exploseront pour porter la croissance économique à 24% par an, entre 2021 et 2025.
D’après des prévisions de la Standard Bank, la production du site devrait attirer entre 27 et 32 milliards de dollars d’investissements, ajoutant entre 15 et 18 milliards de dollars par an au produit intérieur brut du Mozambique. Cela devrait catapulter le Mozambique dans le top 5 des principaux exportateurs de GNL du monde. Le pays pourrait même disputer la 4e place du classement avec le Nigéria à partir de 2024.
Ecofin