La surabondance d’hydrocarbures dans un contexte de croissance économique mondiale plutôt mole a reconduit à une baisse structurelle de la courbe des prix du baril des hydrocarbures.
On pourrait ajouter à cette cause, la volonté des États Unis d’Amérique, premier exportateur mondial d’hydrocarbures, et de son allier saoudien qui préside au destin de l’Opep, d’asphyxier économiquement l’Iran, devenu leur ennemi commun.
Les rebonds périodiques des prix ne sauraient occulter cette baisse tendancielle des cours qui a fait perdre au baril de pétrole plus de la moitié de son prix en moins de dix années.
La légère remontée des cours constatée au cours de la première semaine de juin 2019 fait partie de ces convulsions conjoncturelles que la géopolitique ou des problèmes de productions passagers peuvent engendrer épisodiquement. Le Brent mer du nord est en effet subitement tombé en moins d’un mois, d’un peu plus, de 78 à 61 dollars le baril. La légère remontée (63 dollars) qu’il a enregistrée ne doit son origine qu’aux incertitudes que génère l’approche de la prochaine réunion de l’Opep (début juillet 2019) qui pourrait reconduire ou réduire les quotas des pays membres du Cartel. L’approche d’une telle conférence entourée d’incertitudes sciemment distillées est, en effet, propice à toutes sortes de rumeurs alarmistes. On évoque déjà une possible réduction de la production américaine, du fait d’un retard dans le forage de nouveaux puits, la menace de la Russie de ne pas soutenir la décision de l’Opep au cas où elle reconduira les quotas actuels et la crainte d’une guerre déclarée contre l’Iran. Il est important de souligner l’impact majeur de la Russie, qui n’est pas membre de l’Opep, mais dont l’influence sur les cours n’est du tout négligeable quand il soutient les décisions du Cartel quand elles consistent à réguler les quotas de production en vue de maintenir les prix à un niveau acceptable. De sa décision de prendre à la conférence l’Opep de juillet pour soutenir la décision au minimum la reconduction des quotas antérieurs dépendra en grande partie la remontée ou au contraire l’effondrement des cours du pétrole. Le ministre des finances russe Anton Silouanov a été on ne peut plus clair en déclarant qu’en cas d’absence d’accord « les prix pourraient chuter sous les 40 dollars voire même 30 dollars ». La raison est que les déterminants de nature géopolitiques ne sauraient en aucune manière, nier l’évidence d’une disponibilité de pétrole et de gaz au niveau mondial, jamais atteinte auparavant. Et c’est cette disponibilité exceptionnelle qui plombera les prix du brut à des niveaux de plus en plus bas. On n’a en effet jamais extrait autant d’hydrocarbures qu’en cette période marquée par une abondante offre des pays de l’Opep avec à leur tête l’Arabie Saoudite, l’extraction tous azimuts de pétrole et de gaz de schistes aux USA, au Canada et en Australie et, bien entendu, les nouveaux gisements d’hydrocarbures découverts à travers le monde.
Seule une très forte croissance de l’économie mondiale aurait pu absorber autant de pétrole et de gaz disponible. Elle n’a malheureusement pas eu lieu et, au regard des pronostics du Fond Monétaire International, il y a malheureusement peu de chance pour qu’elle reprenne significativement au cours des cinq prochaines années. Cette surabondance d’énergie pourrait même s’aggraver si, comme on le redoute, le gouvernement américain arrive à convaincre les pays producteurs du Golfe opposés à l’Iran d’augmenter leurs productions pour affaiblir financièrement ce dernier.
Mais si, effectivement, les USA et l’Arabie Saoudite dont le prix de revient du baril de pétrole n’excède guère 30 dollars, n’ont pas grand-chose à craindre en cas de chute des prix des hydrocarbures, cette dernière peut causer de très graves problèmes économiques et sociaux au pays qui produisent à des coûts plus élevés et l’Algérie en fait partie. A moins de 80 dollars le baril de pétrole se sont en effet tous ses indicateurs de gestion qui en sont gravement perturbés. Cette situation qui dure depuis au minimum 4 années a rendu exsangue la situation financière de ce pays dont l’économie repose quasi exclusivement sur les recettes d’hydrocarbures.
Une situation qui risque malheureusement de s’inscrire dans la durée tant l’offre mondiale de pétrole et de gaz naturel n’est plus ce qu’elle était il y a à peine quelques années. Les grandes découvertes d’hydrocarbures effectuées dans de nombreux pays d’Afrique (Angola Zimbabwe, Nigéria etc.), d’Asie (Pays du golfe, Iran, Irak etc.) et d’Australie notamment, ont mis sur le marché d’énormes quantités d’hydrocarbures auxquelles se sont ajoutées celles qui proviennent des milliers de puits non conventionnels en exploitation à travers le monde et notamment en Amérique du Nord (USA, Canada, Mexique etc.). Les réductions de quotas de production que l’Opep impose épisodiquement aux pays membre ne sont jamais parvenues à régler définitivement ce problème structurel de surabondance de l’offre qui engorge, aussi bien, les marchés classiques que le marché dérégulé « Spot ».
Si la légère reprise des cours constatée cette dernière semaine a redonné espoir d’une possible remontée progressive et durable des cours, la baisse substantielle enregistrée durant tout le mois de mai, est malheureusement celle qu’il faudra prendre en considération sur le long terme car elle cadre parfaitement avec le déterminisme de l’offre et de la demande, cette dernière étant à l’évidence incapable de résorber, à elle seule, la production largement excédentaire d’hydrocarbures à l’échelle mondiale. C’est précisément ce trop plein d’énergies fossiles qui est à l’origine et continuera certainement longtemps à l’être, qui met les pays producteurs en perpétuels risque d’effondrement des prix. En comptant sur les effets de conjonctures pour réparer quelque peu les dégâts occasionnées par les effondrements structurels des cours, tous les pays pétroliers qui n’ont pas pris l’initiative de diversifier leurs sources de revenus (Algérie, Venezuela etc.) se trouvent aujourd’hui dans des difficultés économiques inextricables, à l’origine de graves tensions politiques qui pourraient, à terme, nuire à leur cohésion sociale. Continuer à lier l’avenir de l’Algérie à sa seule rente pétrolière serait, à l’évidence, suicidaire pour un pays qui regorge de ressources minières autres que les hydrocarbures. Le paradigme de développement en vogue depuis l’indépendance du pays, doit donc impérativement changer au profit de ressources plus valorisantes comme les ressources humaines, les nouvelles technologies, les énergies renouvelables, le tourisme, l’agriculture bio, pour ne citer que ces quelques vecteurs de croissance, dont l’Algérie regorge.