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La difficulté de reformer une économie bureaucratique et rentière

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A l’approche d’échéances électorales importantes (référendum, présidentielles et législatives notamment), il est de tradition que l’économie algérienne soit perturbée par de paralysants statu quo politiques et le retour de réflexes populistes en totale contradiction avec les objectifs de performances visés par les réformes.

La volonté de restructurer en profondeur l’économie se relâche pour laisser place à un attentisme qui porte un très lourd préjudice aux entreprises et, notamment, celles du secteur public subitement privées d’instructions qu’elles étaient habituées à recevoir régulièrement de leurs tutelles mises en veilleuses lors de ces périodes d’incertitude politique.

Ce patron d’une importante entreprise nationale de BTP qui se plaint d’attendre depuis plusieurs mois le feu vert de son ministère pour promouvoir un investissement vital pour son entreprise en est un parfait exemple. La législation en vigueur (Code de Commerce) habilitait pourtant ce PDG et son conseil d’administration à prendre ce type de décision avant qu’une  décision gouvernementale ne mette son entreprise sous la tutelle d’un ministère qui lui dicte désormais ses actes de gestion.

Le processus de transition au système de marché se retrouve ainsi vérrouillé au gré des élections et des changements d’équipes gouvernementales qui n’ont vraiment pas manqué depuis l’ouverture de 1988. Pas moins de 5 chefs d’État, 14 chefs de gouvernement et un nombre considérables de ministres se sont en effet succédé à la tête du pays tout au long de cette période, chacun de ces hauts responsables ayant imprimé sa touche personnelle au processus de reforme économique.

Les rumeurs de changements au sommet du pouvoir, comme celles que nous vivons depuis la détérioration de l’état de santé du président de la république produisent, à l’évidence, les mêmes effets perturbateurs sur le cours des réformes. L’économie algérienne donne de ce fait une image détestable d’une économie sujette à une panne générale et en perte de vitesse au moment toutes les nations semblent progresser. Un constat que redoutent tout particulièrement les investisseurs  qui ne se bousculent pas au portillon d’un pays qui dispose pourtant d’indéniables avantages comparatifs et  compétitifs.

Au gré des événements politiques majeurs, les gouvernements qui ont présidé aux destinées du pays, ont à plusieurs reprises ordonné des statu quo leur permettant d’éviter les turbulences sociales et les graves crises qui auraient pu les emporter. La constitution de confortables rentes au gré des hausses des prix du pétrole permet aux gouvernants de supporter les frais de ces statu quo. L’argent du pétrole permet en effet d’acheter la paix sociale et de retarder l’application des réformes qui auraient pu permettre de sortir le pays de sa dépendance pétrolière, et les autorités politiques ne s’en privent pas lorsque les recettes d’hydrocarbures le permettent.

Mais si les équipes politiques ont ainsi pu s’en tirer, l’économie en a, par contre, beaucoup pâti en ratant notamment  le challenge de l’émergence. L’Algérie est, de ce fait,  en retard sur tout ce qui constitue la force des pays développés ou émergents: son système bancaire est resté archaïque, les technologies de l’information et de la communication très peu développées, le secteur de l’éducation et de la formation  sinistré, l’industrie et l’agriculture en phase avancée de désertification.

Si le passage d’une économie administrée à un système de marché a été l’objectif central de pratiquement tous les gouvernants qui se sont succédé à la tête de l’État depuis la fin des années 80, aucun d’entre eux n’a par contre pris le soin de préciser quel modèle de société et quel mode gouvernance économique il souhaitait asseoir sur une durée suffisamment longue pour garantir une certaine stabilité économique au pays.

Les rares discours affirmant ouvertement leur volonté d’édifier sur les décombres de l’économie socialiste un système de marché moderne et ouvert sur le monde, s’estompaient  dès que surgit une difficulté politique ou sociale majeure.

Dès qu’ils se rendant à l’évidence que l’instauration d’un système économique libéral est, à bien des égards, incompatible avec le mode de gouvernance rentier et bureaucratique imposé au pays par un vieux mais toujours  présent personnel politique, les réformes susceptibles d’apporter d’heureux changements à notre économie sont alors vite abandonnées.

L’administration publique a conservé ses vieux réflexes bureaucratiques faisant de l’Algérie un incubateur qui détruit beaucoup plus qu’il n’aide à éclore les initiatives entrepreneuriales. Pour qu’il y ait en Algérie un authentique système de marché doté des outils basiques qui lui font, aujourd’hui encore défaut, il aurait fallu que règne dans notre pays un tout aussi authentique système démocratique que nos gouvernants ne sont à l’évidence pas du tout prêt à instaurer.

De ce fait, le processus de transition qui aurait du faire l’essentiel de son chemin à l’échéance 2005, comme l’avait inscrit dans son programme le défunt président Mohamed Boudiaf, n’en est malheureusement, aujourd’hui encore, qu’à ses débuts, les réformes préconisées ayant été pour diverses raisons stoppées ou, pire encore, perverties tout au long de ces quinze dernières années.

Le réflexe des injonctions politico-administratives à l’adresse des entreprises, notamment publiques, ayant repris de plus belle ces toutes dernières années, il est bien évident que le rythme impulsé aux réformes de transition sera, non seulement, lent, mais aussi et surtout, chaotique. Sans cap économique clair, les directives émanant des divers cercles du pouvoir ne peuvent en effet être qu’incohérentes, contradictoires et bien souvent à contresens de la transition initialement visée.

L’amer constat que l’on est aujourd’hui malheureusement forcé de faire est que, non seulement, les réformes essentielles susceptibles d’ancrer définitivement l’économie de marché dans notre pays n’ont pas été entreprises mais que de nombreuses initiatives prises dans prétendument dans cet esprit ont, au contraire provoqué un retour à certains archaïsmes des années 70.

En ont résultés tous ces désagréments dont se plaignent à juste raison pratiquement toutes les forces vives de la société algérienne lassées comme on peut le comprendre d’attendre la fin de cette interminable transition dont elles n’ont au bout du compte rien tiré de positif, leurs contraintes et leurs troubles s’étant, bien au contraire, exacerbés du fait de l’accumulation de dysfonctionnements hérités de l’ancien système dont la société ne s’est pas totalement débarrassés, auxquels sont venus s’ajouter les problèmes inhérents au système libéral en construction dont une large frange de la population algérienne ne perçoit que les aspects négatifs.

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