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Trente ans après sa mort, Khomeiny reste source d’inspiration en Iran

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Trente ans après sa mort, l’ayatollah Khomeiny, père de la République islamique d’Iran, reste une référence de premier plan dans son pays, où son héritage théologico-politique continue d’irriguer les institutions qu’il a contribué à créer. Omniprésent dans l’espace public, des administrations aux halls d’hôtels en passant par les stades de foot et les hôpitaux, le portrait de l’homme au regard pénétrant qui fit tomber la monarchie en 1979 figure aussi sur la plupart des billets de banque.

La Constitution iranienne voit en « son éminence le grand ayatollah imam Khomeiny » rien moins que « la haute source d’imitation ». « Son principal legs, est le fort attachement à l’indépendance, la souveraineté et la résistance à l’hégémonie étrangère qui continue d’habiter les Iraniens », dit à l’AFP Mohammad Marandi, directeur du département d’études américaines à l’Université de Téhéran.

Né en 1902, Rouhollah Khomeiny est mort le 3 juin 1989, affaibli par un cancer, plus de dix ans après le triomphe de la Révolution islamique qui chassa le dernier chah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, allié clef des Etats-Unis au Moyen-Orient, et alors que le pays sortait, exsangue, de la guerre Iran-Irak (1980-1988), déclenchée par Bagdad. Sa pensée s’est développée autour de la défense de l’islam et des déshérités, et du rejet de la modernité occidentale et de l’impérialisme.

L’imam Khomeiny a en particulier développé le principe du « Vélayat-é faqih » (« gouvernement du juriste musulman »), consacrant le pouvoir d’un ouléma choisi pour sa piété et son jugement pour diriger à la fois l’État et la communauté des croyants. Ce principe est la pierre d’angle du système politique iranien qui s’accommode d’institutions élues, une construction censée conférer à la République islamique une légitimité à la fois divine et populaire.

Insistant sur le fait que le Vélayat-é faqih avait été théorisé « dans la jurisprudence chiite depuis plusieurs siècles », M. Marandi juge que la nouveauté de Khomeiny a été sa capacité à « renverser une dictature soutenue par l’Occident » et « à mettre la théorie en pratique ».

Le renversement de l’ancien régime a été obtenu grâce à une alliance de forces hétéroclites mêlant clergé chiite, partisans de l’ayatollah Khomeiny, nationalistes laïques, forces de gauche et marxistes.

Mais l’imam Khomeiny s’est ensuite montré intransigeant lorsqu’il s’est agi de défendre la Révolution islamique face à ces autres forces et aux monarchistes.

« Si nous avions brisé les plumes de la presse corrompue, fermé toutes les publications conspiratrices et pourries, traduit en justice leurs responsables, interdit les partis politiques corrompus, et dressé des potences sur les grandes places […] nous ne connaîtrions pas les difficultés actuelles », déclarait-il le 17 août 1979 dans un discours appelant à ne montrer aucune pitié face aux « ennemis » de la Révolution.

« Pour moi, Khomeiny, c’est le pragmatisme pour arriver au pouvoir et le conserver, et un comportement impitoyable contre tous les ennemis de la Révolution islamique, qu’il soient de l’ancien régime ou de la gauche et de l’ultra-gauche », dit à l’AFP François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran. « Il était pour le Vélayat-é faqih […] et il accepte des institutions élues », pendant la guerre Iran-Irak, « il voulait aller jusqu’au bout contre Saddam Hussein et finit par accepter une paix blanche, sans vainqueur ni vaincu », ajoute M. Nicoullaud pour preuve de ce « pragmatisme ».

Pour Clément Therme, chercheur sur l’Iran à l’Institut international des études stratégiques (IISS), « le charisme de l’ayatollah [Khomeiny] se perpétue dans le débat politique » actuel. « Toutes les élites politiques de la République islamique se réclament de son héritage politique ; ses paroles deviennent, dans le débat politique, des arguments pour mettre en difficulté ses adversaires », dit-il à l’AFP.

Le chercheur observe des « interprétations divergentes » de la « pensée khomeiniste qui nourrissent l’affrontement entre les [groupes] qui se partagent le pouvoir », avec d’un côté « les réformateurs insistant sur la légitimité populaire ou élective des institutions », et de l’autre « les conservateurs [qui insistent] sur la légitimité divine ».

A propos de « l’image de Khomeiny dans la population » iranienne, M. Nicoullaud note que tous « sont impressionnés par la force qui se dégage du personnage ». C’est évidemment une grande figure historique, comme Staline, Mao ou Pierre le Grand » (tsar qui régna sur la Russie au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles), ajoute-t-il, en faisant référence à trois hommes ayant radicalement transformé leur pays.

Pour M. Marandi, Khomeiny « a véritablement changé la société iranienne, un pays qui était asservi aux besoins et aux intérêts d’entités étrangères, pour donner la priorité aux besoins, à la dignité, aux croyances, à la culture et aux intérêts de la population locale ».

Afp

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