L’OCDE a tiré mercredi la sonnette d’alarme en appelant les Etats à activer d’urgence le levier de la politique budgétaire pour éviter le piège d’une « croissance molle » qui menace une économie mondiale atone. « Il y a urgence », a alerté la chef économiste de l’OCDE, Catherine Mann, dans les perspectives économiques de l’institution publiée à l’occasion de la réunion annuelle des ministres des Finances des pays membres.
Pour l’OCDE, les perspectives restent sombres. Elle a maintenu à un « faible » 3% ses prévisions pour l’économie mondiale cette année, qu’elle avait amputées de 0,3 point en début d’année. Et pour 2017, elle se risque à peine à prédire plus qu’un très léger rebond à 3,3%.
Cette « croissance molle » inquiète l’institution internationale, basée à Paris, qui constate que l’économie mondiale n’est toujours pas sortie de la crise huit ans après.
D’autant plus que la croissance « s’est essoufflée » dans la plupart des économies émergentes, le moteur de l’économie mondiale ces dernières années, et que les pays avancées n’ont pas pris le relais, affichant un « modeste » redressement. « Plus l’économie restera piégée dans une croissance molle, plus il sera difficile de briser les effets de rétroaction négatifs, de revivifier les forces du marché et de stimuler les économies pour les inscrire dans une dynamique de croissance forte », a assuré Mme Mann.
Le ralentissement chinois contribue largement à cette croissance « molle » de l’économie mondiale. L’OCDE table pour cette année sur 6,5% de croissance pour le géant asiatique, nettement moins que l’an dernier (6,9%), et table sur un nouveau recul l’an prochain à 6,2%.
Le risque « d’un brusque repli à court terme de la croissance a quelque peu diminué » en Chine, a admis l’organisation. Mais elle s’est empressée de souligner que les récents choix des autorités chinoises pour soutenir l’économie « vont probablement ralentir le processus de rééquilibrage et exacerber les risques financiers, ajoutant aux difficultés à plus long terme ».
Parmi les pays émergents, le Brésil plonge encore plus dans la récession, avec un PIB qui devrait dégringoler de 4,3%, alors que l’organisation tablait déjà sur une chute de 4% en février. L’an prochain, le géant sud-américain restera en récession, à -1,7%.
Il n’y a que l’Inde qui poursuit sa croissance à un rythme élevé parmi les grands pays émergents, à 7,5%. Pour les Etats-Unis, l’OCDE fait passer la prévision de croissance sous la barre des 2% cette année, à 1,8% contre 2% en février, mais elle s’attend à un rebond en 2017 à 2,2%. En Europe, elle révise toutefois à la hausse les prévisions pour la France de 1,2% à 1,4%. Pour l’an prochain, l’organisation internationale s’attend toutefois à une croissance en France quasi stable (1,5%). Idem pour l’Allemagne qui devrait passer de 1,6% cette année à 1,7% en 2017.
Face à la menace de la stagnation, l’OCDE incite les Etats à prendre des initiatives pour doper la croissance et à ne plus attendre uniquement la solution de la part des banques centrales, dont le levier a été « trop longtemps exclusif » et dont les instruments « sont trop sollicités ». « En l’absence de mesures étoffées, cohérentes et collectives, la croissance restera décevante et atone », a prévenu Mme Mann. « Le niveau durablement faible de la croissance a (…) entraîné les pays dans le piège d’une croissance molle », a expliqué l’économiste, plaidant pour que l’action publique prenne désormais le relais
Mme Mann a ainsi appelé les Etats à mettre « plus largement à contribution » la politique budgétaire en procédant à des « dépenses de qualité » susceptibles de dynamiser la croissance, d’autant plus qu’ils peuvent se financer à des taux d’intérêts très bas sur les marchés.
L’économiste a appelé à cibler des infrastructures matérielles, par exemple dans le domaine du numérique, de l’énergie ou du transport, mais aussi « l’éducation préscolaire ou innovation ».
Elle a toutefois affirmé qu’il « est impossible de s’engager sur une telle trajectoire sans adopter des politiques structurelles propres à stimuler la concurrence, l’innovation et le dynamisme des marchés, à développer les compétences et la mobilité sur le marché du travail, et à conforter la stabilité et le fonctionnement des marchés financiers ».
AFP