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Venezuela : l’économie ultra-dépendante au pétrole s’effondre avec la chute des cours

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Julio Ribas attend depuis un mois que le gouvernement vénézuélien lui vende 300 dollars pour acheter des médicaments à l’étranger. Pendant ce temps, la monnaie locale, le bolivar, ne cesse de perdre de la valeur, compliquant chaque jour un peu plus la vie des habitants.

Dans ce pays dont l’économie ultra-dépendante au pétrole s’est effondrée avec la chute des cours, le gouvernement socialiste applique depuis 2003 un strict contrôle des devises et des changes, distribuant au compte-goutte les dollars. Le billet vert est pourtant indispensable pour les entreprises, qui importent presque tout pour produire, et pour les particuliers, confrontés à une pénurie de produits de première nécessité, dont les médicaments, qui les oblige à se fournir à l’étranger. « J’ai fait la demande il y a un mois, pour 300 dollars, afin que ma fille les reçoive au Panama. Elle travaille là-bas et j’ai besoin qu’elle m’achète un médicament pour la tension », raconte à l’AFP Julio Ribas, commerçant de 55 ans.

Depuis qu’il a déposé sa requête, le dollar a grimpé de 38%. Au bureau de change chargé de traiter son dossier, l’employé, Manuel Guevara, ne lui donne guère d’espoir: selon lui, il faudra encore attendre au moins deux mois. Car au Venezuela, le dollar se fait de plus en plus rare. L’Etat, qui obtient 96% de ses devises de la manne pétrolière, a bien du mal à en fournir maintenant que le baril de brut est au plus bas.

Après avoir appliqué, au fil des années, divers systèmes de contrôle des changes, le gouvernement du président Nicolas Maduro a instauré en février deux catégories. Dans la première, réservée à l’importation de matières premières industrielles, de certains médicaments et aliments, un taux préférentiel de 10 bolivars par dollar est appliqué. L’Etat y fait transiter 92% des devises qu’il possède. La seconde catégorie est le Dicom ou taux de change complémentaire, fixé à 202,94 bolivars par dollar puis laissé flottant pour, selon le gouvernement, apporter de l’oxygène à une économie quasiment à l’arrêt. La semaine dernière, il cotisait déjà à plus de 500 bolivars par dollar, reflet d’un effondrement de 60% de la monnaie locale.

Pour obtenir la devise dans ces conditions, il faut passer par des bureaux de change, mais à peine 8% des dollars du pays y transitent et la procédure pour les acquérir est interminable.

Derrière son comptoir, Manuel Guevara, 35 ans, explique qu’il faut s’enregistrer par internet puis attendre « jusqu’à un an » avant d’obtenir l’argent. Le bureau de change vend 300 dollars par jour maximum. En laissant flotter le taux du Dicom, le gouvernement veut le rapprocher de celui du marché noir, autour de 1.000 bolivars le dollar.

Mais en opérant une aussi brutale dévaluation, il augmente les coûts d’importation pour les entreprises, qui les répercutent sur leurs tarifs.

C’est « une période d’ajustement » inflationniste, a reconnu le ministre de l’Industrie Miguel Pérez Abad, pour « s’adapter à la réalité économique du pays ». Le Venezuela affiche déjà la pire inflation au monde, 180,9% en 2015. Le chiffre grimpera à 700% cette année selon le Fonds monétaire international (FMI). Pour les économistes, la faute en revient à la politique du gouvernement consistant à d’appliquer un taux officiel qui surévalue artificiellement le bolivar face au dollar.

Le pays est plongé dans « une spirale inflation-dépréciation depuis plus de trois ans », note Mark Weisbrot, codirecteur du Centre pour l’économie et les études politiques (CEPR) à Washington: le taux de change au marché noir grimpe, renchérissant les importations des entreprises n’arrivant pas à obtenir des dollars par la voie officielle.

Celles-ci augmentent alors leurs prix, poussant les habitants à convertir leurs économies en dollars (comme valeur-refuge), ce qui dope à nouveau le taux au marché noir.

Pour l’économiste Luis Vicente Leon, cette « dévaluation sévère » permettra de rompre ce cercle vicieux.

Se rapprocher du taux du marché noir « est bénéfique pour le jeu du marché », renchérit Anabella Abadi, économiste de la société de consultants ODH. Mais « le mécanisme, comme les précédents, est très opaque », générant la méfiance.

Et, comme observe un agent de change sous couvert d’anonymat, « que le dollar coûte un ou cent bolivars, cela n’a pas d’importance car au final il est introuvable ».

AFP

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