Le Conseil de la concurrence rencontre de « sérieux problèmes » dans l’exécution de sa mission de régulation et propose, ainsi, l’amendement de l’ordonnance régissant la concurrence, avoue son président, M. Amara Zitouni.
« Malgré la réactivation du Conseil en 2013, après 10 ans d’hibernation, nous rencontrons des problèmes assez sérieux. Des incohérences du texte législatif régissant la concurrence ont induit un chevauchement dans les prérogatives de régulation et une dispersion des services chargés de relever et de sanctionner les infractions aux règles de la concurrence », a déploré M. Zitouni lors d’une journée d’études sur le rôle de cette institution dans la régulation du marché.
M. Zitouni, ainsi que des économistes et opérateurs économiques, présents à cette rencontre, ont proposé de modifier l’ordonnance 03-03 de juillet 2003 relative à la concurrence pour « corriger ces incohérences ».
Il a rappelé que ce Conseil avait été placé, depuis sa création en 1995 jusqu’à 2003, auprès du Président de la République puis du Chef du gouvernement « pour lui donner l’autorité morale nécessaire à l’accomplissement de ses missions » avant d’être placé, en 2008, auprès du ministre du Commerce.
Ce changement, selon lui, a vidé le Conseil de sa substance et s’est répercuté négativement sur le statut juridique de l’institution, sur son rôle et ses missions.
Alors qu’il est sensé d’être le « gendarme des marchés », il n’arrive pas à trouver sa place dans l’édifice institutionnel du pays, a-t-il estimé.
En plus, la loi en vigueur « va à l’encontre de la tendance observée à l’échelle mondiale consistant à ériger le Conseil de la concurrence en autorité unique pour traiter les infractions liées à la concurrence de bout en bout: de la détection à l’enquête et à l’instruction avant d’aboutir à la sanction », a-t-il ajouté.
Une éventuelle révision de l’ordonnance de 2003 devrait permettre la mise en oeuvre les dispositions de l’article 43 de la Constitution amendée laquelle a consacré les principes de l’interdiction du monopole et de la concurrence déloyale et a conforté les droits du consommateur et la non discrimination entre les entreprises pour l’aide de l’Etat, a-t-il préconisé.
Selon lui, une centaine de décisions a été prise par le Conseil depuis sa création, qui ont porté sur des sanctions pécuniaires, des injonctions et des rejets de demandes d’intervention.
Intervenant lors de cette rencontre, l’économiste Mohamed Cherif Belmihoub a estimé que le marché algérien connaissait des situations de monopole et de quasi-monopole et que le fait d’avoir de nombreux intervenants sur le marché n’était pas synonyme d’un marché concurrentiel.
Dans ce sens, il a plaidé pour un rôle accru de l’Etat régalien et même pour l’oligopole dans certains secteurs: « Une régulation efficace des marchés par l’Etat est plus que jamais indispensable car dans certains secteurs tels les télécoms, la recherche et développement, la pharmacie et l’énergie, l’oligopole peut s’avérer plus efficace que la concurrence ».
De son côté, l’économiste et vice-président du CNES, Mustapha Mekidèche, a jugé que « l’ouverture brutale » du commerce extérieur à la fin des années 1990 « explique le fait qu’on continue, à ce jour, à accepter difficilement les actions de régulation ».
Il a fortement critiqué l’inefficacité de la régulation commerciale en Algérie en citant notamment à l’expansion continue de la sphère informelle.
« De quel marché et de quelle régulation parle-t-on si l’on n’arrive même pas à imposer la facture dans les transactions commerciales? », s’est-il interrogé avant de renchérir: « Dans un pays comme l’Ethiopie, même une caisse dans une cafétéria est reliée au système intranet de l’administration fiscale ».
Mais avec le resserrement budgétaire qui va durer, a-t-il avancé, la conjoncture semble désormais favorable pour l’activation des organes de surveillance et de régulation car »on ne pouvait pas avoir un marché transparent avec l’existence de niches de rente ».
De son avis, le Conseil de la concurrence ainsi que les autorités de régulation sectorielles doivent être des organes entièrement indépendants et non pas une prolongation des ministères, « sinon ils ne serviront à rien ».
En Algérie, cinq pratiques sont identifiées par l’ordonnance comme des pratiques restrictives à la concurrence.
Il s’agit des ententes et des actions concertées lorsqu’elles visent à empêcher ou à restreindre la concurrence (répartition des parts de marchés ou des sources d’approvisionnement, fixation des prix et des margesà.), de l’abus d’une position dominante ou monopolistique, de l’exclusivité dans l’exercice d’une activité et de l’exploitation abusive par une entreprise de l’état de dépendance dans lequel se trouve un client ou un fournisseur (refus de vente, vente conditionnéeà.).
Le recours à des prix abusivement bas par rapport aux coûts de production ou de commercialisation dès lors que cela peut empêcher une autre entreprise à accéder à un marché est également considéré comme une pratique nuisant à la concurrence.
Le Conseil de la concurrence est chargé, rappelle-t-on, d’une mission de contrôle des concentrations économiques et il statue sur les cas portant atteinte à la concurrence, notamment lorsque l’opération commerciale vise plus de 40% des ventes ou d’achat sur le marché.
Il assure aussi la mission de sanction pécuniaire (allant jusqu’à 12% du chiffre d’affaires de l’entreprise) vis-à-vis des pratiques restrictives à la concurrence et tranche les litiges en la matière.
Il est également chargé d’une mission consultative qui lui permet de donner son avis sur toutes les questions et les législations liées à la concurrence et peut même proposer au gouvernement un nouveau texte sur la concurrence.
Source APS