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Questions autour de l’hésitation des élites à donner une direction politique au « HIRAK »

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Des millions d’algériens battront le pavé pour la neuvième fois consécutive vendredi prochain dans toutes les villes et villages du pays. Ces démonstrations de force sous formes de référendums populaires plusieurs fois réitérés, ne trouvent malheureusement pas échos auprès des élites autonomes pourtant sollicitées pour représenter ce grandiose mouvement populaire et servir d’interface auprès du haut commandement militaire qui incarne l’autorité politique suprême depuis la démission d’Abdelaziz Bouteflika. Si ces élites venaient à prendre l’initiative de se réunir pour élire le noyau dirigeant qui tirera sa légitimité de ce soulèvement populaire national, nul doute que le peuple  algériens ne serait pas, comme c’est actuellement le cas, à la merci de généraux qui lui dictent sa conduite, en invoquant une prétendue légalité constitutionnelle basée sur une Constitution que l’écrasante majorité du peuple a récusée, en récupérant au moyen d’une révolte de grande ampleur, sa souveraineté sur toutes les décisions susceptibles d’impacter son présent et son avenir.

Cette hésitation des élites à se réunir pour doter ce mouvement d’une direction politique n’est pas facile à comprendre, tant les aléas subjectifs sont nombreux et difficiles à traduire en des termes concrets. On sait cependant que le vide que ces élites ont créé par leur refus de s’unir autour d’un même objectif, est très mal vécu par les manifestants qui, à la veille de chaque manifestation, doivent improviser des slogans qui, bien souvent, ne cadrent pas avec la cohérence globale qu’une direction politique éclairée aurait pu lui donner. De ce fait, les manifestants vont chaque vendredi à l’aventure, avec pour seule étoile la haine qu’il voue aux hommes politiques qui les ont si mal gouvernés depuis vingt ans.

Le « Hirak » a pourtant l’inestimable chance de disposer d’élites de grande qualité, de tous âges, de tous parcours politiques, de métiers et horizons divers. Ces femmes et hommes compétents et intègres sont, de surcroît, capables de diriger et encadrer le mouvement de manière à lui faire accomplir des pas de géant dans la conduite de la transition, l’édification d’une base démocratique et l’organisation du prochain scrutin présidentiel dans les meilleures conditions possibles. Cette direction politique pourrait, en outre, être d’une grande utilité dans la reprise en main de la gestion courante du pays en veillant notamment à ce que les services de sécurité ne dévient pas, comme on a pu le constater ces dernières semaines, de leur mission de protection. Elle serait également d’une grande utilité en matière de lutte contre les fuites de capitaux qu’elle encadrerait du mieux possibles en contrôlant les activités de la Banque d’Algérie et celles des Douanes aux frontières. Cette direction politique tirant sa légitimité du peuple, devrait aussi se polariser sur les dirigeants politiques et responsables des grandes institutions publiques étroitement liés au président déchu, afin de les évincer en actionnant la Justice à l’encore de ceux qui auraient commis de graves  malversations.

Il est évidemment difficile d’énumérer les raisons de la tiédeur de ces élites à se mettre rapidement au service de leur patrie, au moment où cette dernière en a le plus besoin. Parmi les « raisons de cette déraison » on peut citer, en nous basant sur ce que nous avons pu lire dans la presse et à l’écoute de certains experts de renoms, les causes suivantes:

Il y d’abord et avant tout un problème d’égo. Certains parmi d’autres  considèrent en effet que leur renommée ou leur super-compétence les prédestinent quasi automatique à jouer le rôle de leader incontesté. Sans doute une survivance du « zaimisme » qui avait causé tant de mal au pays. L’idée qu’une élection démocratique les récuse les effraye. Aussi préfèrent ils ne pas s’y aventurer, comptant autant que possible sur une éventuelle cooptation,

Il y a ensuite la peur d’être repéré par la police politique, toujours présente dans l’esprit des élites, notamment les plus âgées, qui en avaient déjà fait les frais. On préfère ne pas se mettre au devant de la scène, surtout quand on vit sans protection dans des cités populaires.

Il y a enfin chez les plus nombreux, l’ambition à peine voilée de se présenter au prochain scrutin présidentiel, convaincus d’avoir une chance de l’emporter. Certains caressent même le souhait que l’élection ait lieu à la courte échéance prévue par le haut commandement militaire (le 4 juillet 2019). Un candidat qui a déjà effectué la démarche de retrait du formulaire nous a même affirmé être prêt pour la campagne électorale. Ce candidat très âgé pense qu’en faisant partie d’une des structures de la transition, il sera empêché de participer au prochain scrutin et sera trop âgé dans cinq années. C’est un souci que partagent pratiquement tous les leaders politiques âgés (plus de 70 ans) qui craignent d’être trop vieux en 2024 pour prétendre gagner ce type de compétition.

Comme on le constate la question de l’encadrement du « Hirak » par une direction politique, est loin d’être réglée. Elle bute à ce jour sur des problèmes subjectifs qui sont, comme on le sait, les plus pénibles à régler. Entre temps, c’est le haut commandement militaire qui comble ce vide sidéral, avec toutes les maladresses inhérentes à ce corps constitué qui est pas formé pour faire la guerre et non pas de la politique.  Ne dit-on pas que « la politique est une affaire trop sérieuse pour la confier à des militaires! ».

Aussi est-il devenu urgent, voire vital, de doter le « Hirak » d’une direction politique, au risque de le voir dévier de sa trajectoire. La responsabilité des élites le plus respectées des algériens parmi lesquelles, on peut citer sans que la liste soit limitative, maitre Bouchachi, Zoubida Assoul, Karim Tabou, Ahmed Benbitour, Elias Rahmani, Ali Benouari et, sans doute, certains jeunes (filles et garçons) qui ont émergé du mouvement, ici et au sein de l’émigration, est engagée devant le peuple et son Histoire. C’est en tout cas un avis partagé par l’écrasante majorité des manifestants que nous avons interrogés à l’occasion des nombreuses manifestations hebdomadaires algéroises.

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