Mr KERIOUI Yacine, General Manager de la Maison MAIC (Maison algéro-ivoirienne de commerce), 1er comptoir commercial algérien à l’étranger, explique, dans cette interview qu’il nous a accordé, que l’Algérie gagnerait à se tourner vers l’Afrique pour des partenariats gagnant-gagnant. Avec ses partenaires, il ambitionne d’ouvrir d’ici 2020, 15 comptoirs commerciaux dans l’espace CEDEAO. Notre interlocuteur estime par ailleurs qu’il faut lever les blocages à l’export. La plus grande contrainte, selon lui, est la réglementation contradictoire et obsolète de la banque d’Algérie, s’agissant du rapatriement d’argent qui met en difficulté l’opérateur algérien.
Algérie-éco : Peut-on connaitre votre parcours ?
Je tiens tout d’abord à féliciter votre journal pour l’intérêt qu’il porte à l’Afrique vu que c’est l’un des très rares journaux qui s’y intéresse en dépit du fait que nous soyons tout d’abord africains et malgré les énormes débouchées qui s’offrent à l’Algérie et aux sociétés algériennes dans ce continent. Pour revenir à votre question, je suis originaire de Sétif où j’ai suivi mes études à l’université Ferhat Abbes. J’ai commencé à pratiquer le commerce international fin 2013 et actuellement, je suis le General Manager du 1er comptoir commercial algérien à l’étranger plus précisément en Côte d’ivoire lequel a été créé le 22 octobre 2015 par notre société algérienne (AFEEE) Algerian For Events&ExportEr’rowed dans laquelle, je suis co-gérant. Le comptoir se nomme la Maison algéro-ivoirienne de commerce et regroupe en son sein 36 sociétés de différentes tailles. Les sociétés algériennes représentées dans ce comptoir sont issues des 3 secteurs économiques, à savoir l’agriculture, l’industrie et les services.
Justement, parlez-nous de la Maison algéro-ivoirienne de commerce, en quoi consistent ses activités et comment est-elle née ?
La Maison algéro-ivoirienne de commerce, MAIC est tout d’abord un comptoir commercial exclusivement algérien. Nous distribuons des produits agro-alimentaires, dans le BTP, l’électroménager, les cosmétiques…etc., avec un rapport plus qu’intéressant qualité/prix. Son lancement a été effectif suite à la signature d’une convention avec la fédération nationale des commerçant ivoiriens laquelle dispose d’un réseau de plus de 300 000 commerçants.Notre premier objectif est de placer les produits de biens des sociétés membres dans le quotidien et les étagères de nos amis ivoiriens et de gagner des parts de marchés croissantes et non pas de vendre seulement. La MAIC est le distributeur exclusif des produits de nos sociétés membres. Notre objectif est d’assoir un échange fructueux et de gagner des marchés grâce aux différents partenariats que nous contractons. Je vous citerai à titre d’exemple, des paraphes que nous avons signés avec le Ministère de l’Industrie de la Côte d’ivoire ou des structures privées comme le géant du BTP TECHNOPOLE SA. La convention de partenariat que nous avons signée avec le Centre de démonstration et de promotion de technologies (CDT) a pour objet de définir les conditions et les modalités pratiques d’exécution d’activités dans les domaines de mise à disposition pour la démonstration et promotion de technologies et équipements dans les secteurs agricoles et agro-industriels, sensibilisation et formation à l’auto-emploi, la mise à la disposition de machines industrielles dans le BTP etc. Nous souhaitons que ce partenariat apporte une impulsion nouvelle au dynamisme de la coopération entre l’Algérie et la Côte d’Ivoire et afro-africaine en général. Il faut préciser également que les produits ivoiriens ne sont pas en reste, vu que notre entité crée des mises en relations d’affaires pour les produits du terroir ivoiriens tels que le café, le cacao, l’huile de palme et le beurre de karité.
Quels sont les produits algériens que vous exportez en Côte d’Ivoire ?
Les produits qu’on a déjà commencé à commercialiser sont les bougies, les boissons, les biscuits, les engins BTP (bétonnière, mini centrale à béton). Nous envisageons d’atteindre 2600 tonnes de produits par mois.Le produit algérien commence à trouver sa place sur le marché ivoirien avec sa qualité et son prix concurrentiel.Nous comptons également sur l’accord de partenariat que nous avons signé avec une structure du ministère de l’Industrie afin de développer la filière mécanique et électronique. Avec cet accord, je peux vous dire que nous pouvons augmenter la quantité de nos marchandises en électronique. Ce que je peux affirmer aussi, est que le marché ivoirien offre un potentiel énorme de consommation propice au placement et positionnement de beaucoup de produits. En outre, les opérations d’exportation sont effectuées dans des conditions adéquates. Le transit time aujourd’hui est estimé à 25 jours. Ainsi, les commandes sont réalisées à temps et nous avons des accords via la Fédération nationale des Commerçants de Côte-d’Ivoire (Fenacci) et avec les douanes ivoiriennes pour la commercialisation et le dédouanement. Je peux rassurer également les exportateurs qu’il n’y a aucun problème de transfert des dividendes puisque les sociétés exportatrices rapatrient leur argent dans un délai maximal de 90 jours. Sur le chapitre de la logistique, actuellement, nous sollicitons les armateurs étrangers mais nous souhaitons trouver un appui de la CNAN pour diminuer les coûts du transit time à travers des lignes maritimes avec la Côte d’Ivoire. Je pense fermement que nos pays africains doivent travailler ensemble pour faire émerger leurs économies. En ce qui me concerne, j’en reste persuadé et d’ailleurs les faits parlent d’eux-mêmes et je le dis sans ambages, l’Afrique de l’Ouest dans la zone CFA est largement plus profitable à l’Algérie que l’UE.
Les échanges entre l’Algérie et la Côte d’Ivoire sont-ils soutenus?
Les échanges sont très timides, grâce au comptoir nous pourront évoluer à moyen terme à plus de 100 millions USD / An. Il faut aller vers une intensification de ces échanges. Cela nécessite plus de volontarisme et plus de sensibilisation sur la nécessité d’aller vers une politique solidaire. Toutes les contraintes doivent être levées.
Le défi aujourd’hui pour l’Afrique, sachant que c’est un continent à forte croissance, est la production or dans ce domaine, réside encore beaucoup de défaillances, comment peut-on, selon vous, relever ce défi ?
L’Afrique est un continent extraordinaire, paradoxalement, il n’est un eldorado que pour les européens, nord-américains et asiatiques. Le sol africain regorge de ressources naturelles, l’agriculture est le secteur d’excellence, le secteur de l’industrie tâtonne mais dans le tertiaire le nombre de start-up et l’innovation sont impressionnants. Il faut créer une synergie entre les producteurs africains et des passerelles entre les entreprises pour développer des partenariats profitables à tous. L’Afrique peut faire un bond qualitatif et assurer sa croissance, c’est indéniable. C’est un continent jeune et plein de promesses. Il faut agir dans ce sens.
Les africains en général regardent toujours vers l’Europe or cela n’a pas vraiment réussi à booster leurs économies, faut-il instaurer des mécanismes pour de vrais partenariats SUD-SUD surtout que les potentialités ne manquent pas ?
Mr. Khiati qui est mon associé au sein de l’AFEEE, a inventé le concept des multi-africaines, la MAIC est tout d’abord l’une d’entre elles, aussi je tiens à vous remercier pour cette excellente question car beaucoup estiment qu’il est temps pour l’Afrique d’être autonome, nous y travaillons durement, nous organiserons d’ailleurs un événement majeure au mois de janvier 2016, AFRO EMERGENCE le 1er salon algéro-ivoirien de services, de sous-traitance et d’échanges commerciaux.
Quelles sont les contraintes que vous rencontrez ?
La plus grande contrainte est la réglementation contradictoire de la banque d’Algérie. La réglementation pénale du rapatriement d’argent bloque l’opérateur algérien, tandis que les importateurs de chips, cure-dents et produits dérisoires dépensent des millions de dollars sans aucune éthique, la banque punit l’exportateur pour un jour de retard de rapatriement. L’opérateur économique peut même se retrouver en prison et voir ses comptes bloqués, alors que les banques secondaires n’en font qu’à leurs têtes et n’encouragent que l’import/import car ayant des succursales dans le pays destinataire de la commande .Cette réglementation est obsolète, l’opérateur donc exige des paiements par lettre de crédit, ce que très peu de clients apprécient, les chiffres en témoignent et l’opérateur peine à exporter. Cette réglementation est dépassée et bloque moralement et psychologiquement l’opérateur économique. Elle a causé à l’Etat algérien des pertes et un manque à gagner estimé à des milliards de dollars sans oublier un retard important pour nos opérateurs face à leurs concurrents qui nous ridiculisent dans le négoce. Il faut que la réglementation soit en adéquation avec notre politique visant à encourager les exportations hors hydrocarbures.
Que faut-il faire à votre avis pour renforcer les échanges entre les pays africains ?
Multiplier les forums, les échanges sur la technologie, avoir des médias souverains et panafricains et surtout il faut retrousser les manches et travailler. L’implication d’ambassadeurs est nécessaire. Certain sont très actifs tels que son excellence Abdelaziz Bouguetaia, ambassadeur d’Algérie en Côte d’ivoire ainsi que celui du Cameroun, sans pouvoir tous les citer et des mécanismes tels que l’Algex à sa tête Mr Chiti Chafik, le DG qui a effectué un travail laborieux pour relancer le 28 mai en cours, le salon Algérie Export, qui était absent depuis 3 ans . Il ne faut jamais perdre de vue, que l’Algérie est une locomotive de l’Afrique. Notre pays doit assumer son rôle d’être un leader africain.
Peut-on connaitre vos projets ?
Nous ambitionnons d’ouvrir d’ici 2020, 15 comptoirs commerciaux dans l’espace CEDEAO et d’organiser Afro émergence, chaque année entre l’Algérie est un pays africain sous forme de rotation afin de faire connaitre la destination Algérie. Et encore une fois bravo à votre journal.
Ininterview réalisée par Fatma Haouari