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Science et décisions d’émergence économique

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Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu lorsqu’on analyse le processus d’émergence. Pourquoi certains pays obtiennent des performances enviables, émergent et se développent peu à peu alors que beaucoup stagnent ? Pourtant ils mobilisent des ressources considérables pour booster leurs économies. Certes, il y a plusieurs pistes sérieuses pour expliquer les différences de performance entre ces groupes de nations. Nous pouvons privilégier la voie du développement humain, des progrès technologiques ou autres. Mais nous avons choisi d’utiliser une dimension d’une importance considérable : l’utilisation de la science dans le domaine de la conception des programmes économiques et la prise de décisions à tous les échelons de la société. C’est de l’enracinement des cultures scientifiques qu’il s’agit. On peut développer une culture ou les personnes qui conçoivent et décident de processus importants et exécutent font référence aux connaissances scientifiques ou à autre chose.  

Les philosophes des sciences connaissent bien les leçons que la connaissance ne cesse de nous donner. Ils les résument ainsi : La science se venge. Lorsqu’on usurpe une science (le charlatan guérisseur) on fait beaucoup de dégâts, même si l’on avait l’intention de bien faire. L’individu qui joue au médecin et pratique son charlatanisme sur lui-même peut payer de sa vie son erreur. Il a usurpé une fonction  scientifique. De même, Les hommes qui construisent des habitations dans des zones séismiques sans respecter les calculs techniques nécessaires provoquent des catastrophes humaines et matérielles lors des tremblements de terre. Nous avons connu ce cas plusieurs fois en Algérie ; notamment lors du séisme de 2003 à Boumerdes. Ce sont des charlatans de la construction. Nous pouvons multiplier à profusion les exemples où la science se venge.

Mais dans le domaine économique et social, les conséquences sont plus difficiles à percevoir. Ils peuvent être énormes mais péniblement perceptibles. La seule technique dont nous disposons est le Benchmarking ou étalonnage qui permet de faire des évaluations trop approximatives. Il s’agit de prendre deux pays qui étaient à un même niveau de développement et qui ont choisi des politiques de développement différentes. L’écart de performance peut-être grossièrement attribué aux politiques économiques, aux décisions managériales et à toute une panoplie de choix.

Au milieu des années soixante, la Corée du Sud était à peu près au même  niveau de développement que notre pays. Nous avions quasiment le même PIB aux environs de 3 à 4 milliards de dollars. La Corée du Sud choisit d’emblée de créer une économie de marché fondée sur  le savoir et le capital humain, la Recherche et Développement et un management rationnel à tous les niveaux. La stratégie de développement a surtout été orientée vers l’exportation, ce qui l’obligea à confronter ses pratiques managériales très tôt à celles des pays développés. Nous avons choisi un tout autre parcours. A l’arrivée, en 2014 nous avions un PIB de 210 Milliards de dollars et la Corée du sud un PIB de plus de 1300 Milliards. Nous avons investi beaucoup plus en termes de pourcentage par rapport au PIB que ce pays. Cette comparaison est très injuste envers la Corée car ce pays ne dispose pas des gigantesques ressources naturelles dont nous jouissions. A titre d’exemple, les hydrocarbures ont prodigué à l’Algérie plus de 30 fois l’aide américaine à la Corée. Cette dernière a financé son développement par l’endettement extérieur et quelques surplus agricoles.

Ceci signifie que chaque année nous avons un manque à gagner d’au moins 1000 milliards de dollars. Sans compter les milliers de milliards de dollars de perte des années précédentes ! La science se venge, et de quelle manière ! Nul ne peut imaginer ce chiffre. Le citoyen qui prenait le paracétamol était loin de se douter qu’il contribuait à sa propre ruine (automédication). Les milliers de décisions prises à des échelons différents contribuèrent, directement ou indirectement, à étouffer l’économie productive et à enraciner l’économie de distribution de la rente. Nous errions au-delà de l’imaginable.

Le Rôle du Politique et du Scientifique

La vaste majorité des pays qui ont raté leur développement et leur transition ont quelque chose en commun : Leur sociologie politique en est le principal responsable. En général, Différents clans s’affrontent pour s’accaparer et garder le pouvoir. Les équilibres politiques éphémères qui se créent le sont au détriment de la logique du développement. L’Algérie n’échappe pas à cette règle. La politique a pollué l’économie au-delà des limites du raisonnable depuis l’indépendance. Même si on excluait la décennie des années quatre-vingt-dix, période fortement perturbée par l’insécurité, le verdict demeure identique. La sociologie politique de notre pays a provoqué notre débâcle économique.

Le débat est souvent passionné dans ce domaine. On essaye de pointer du doigt une personne, un groupe, une décennie ou une décision précise. Mais nous avons un problème systémique qui a happé des hommes et des femmes et pris en otage tout un pays. L’histoire explique pourquoi nous avons choisi l’option socialiste. Mais lorsque nous avons voulu réaliser le passage à l’économie de marché, le système se grippa davantage. On a voulu faire fonctionner une économie de marché avec une sociologie politique d’un état « socialiste ». Lorsque la sociologie politique d’un pays est incompatible avec le développement, les décisions politiques polluent l’économie et grippent la machine. Le système fait du sur place. Il est aspiré vers le bas par la spirale du sous-développement. Beaucoup de pays africains en sont victimes.

   Il est intéressant d’analyser les processus de séparation des rôles du politique et du scientifique. Dans les pays émergents, le politique n’abdique pas sa mission. Les décisions politiques fournissent la vision (en 1992, le politique en Malaisie a fixé le cap : « Malaisie pays développé en 2020 »). Il fixe les objectifs stratégiques à long terme. Il définit également les politiques cruciales du pays ; par exemple l’égalité d’opportunité, l’équilibre régional, les transferts sociaux et le reste. Mais la planification technique revient aux opérationnels scientifiques. Le politique ne pollue pas les décisions techniques. Par exemple, les critères d’accès et les nominations de managers de banques ou de grosses entreprises publiques obéissent à des critères techniques et non une cooptation politique. Les rôles sont clairement établis. Il y a une claire séparation des rôles. Les pays émergents ont beaucoup investi dans la recherche et développement. En fin de compte c’est l’utilisation de la science dans tous les domaines qui entrain de les sauver. Dés lors que l’on marginalise la science et les scientifiques le sous développement peut s’éterniser.

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