Dans cet entretien, l’expert en énergie, MHasni s’exprime sur différents sujets d’actualité concernant le développement des énergies renouvelables. Selon lui, l’Algérie ne pourra jamais concrétiser les objectifs affichés à l’échéance 2030, au rythme actuel et avec la démarche actuelle. Il faudra par contre transférer l’électricité produite au Sud par des réseaux en courant continu sur des grandes distances, estime-t-il.
Algérie-Eco : Le secteur agricole est favorable à l’utilisation des énergies renouvelables, puisque c’est une activité qui demande de l’espace. Les immenses espaces agricoles en Algérie, notamment dans le Sud du pays sont en passe de devenir la nouvelle destination de beaucoup d’opérateurs économiques qui voient dans l’agriculture un créneau d’avenir. Quel commentaire faites-vous à ce sujet?
MHasni : Il est évident que le premier secteur à développer afin de sortir de la dépendance des hydrocarbures est certainement l’agriculture. La sécurité alimentaire en est la finalité. Cependant le développement agricole au Sud ne peut s’envisager d’une façon artisanale. C’est plus une agriculture industrielle moderne utilisant des drones, l’arrosage au goute à goute. L’eau dessalée en utilisant du solaire thermique. L’eau de mer serait transférer à partir de la méditerranée jusqu’au grand Sud.
La compagnie italienne d’hydrocarbures (ENI) a lancé, à travers sa société environnementale Syndial, sa première usine pilote de transformation des déchets municipaux en bio-huile, a-t-elle indiqué sur son site web. Qu’en pensez-vous?
Je suis étonné que l’on produise des biocarburants avec des déchets. C’est généralement à partir du maïs ou des végétaux produisant de l’huile. Cependant avec des déchets municipaux, on peut produire des bio-gaz. La rentabilité n’est pas évidente au moment où le gaz est à moins de 3 $/MMBTU.
Certains experts estiment que si l’Algérie arrive à réaliser ce programme, dont 64% sont prévus en photovoltaïque, pas moins de 38 milliards de mètres cubes de gaz pourront être économisés chaque année. Est-ce que vous partagez cet avis?
Le programme actuel avec 13 000 MW en photovoltaïque permet d’économiser environ 7 milliards de M3 de gaz par an. Par contre le chiffre de 30 milliards de M3 de gaz par an peut être atteint avec un renforcement du programme de 13 000 MW en photovoltaïque avec 24 000 MW de solaire thermique, le tout hybridé avec du gaz torché.
Une chose est sûre : le fossé séparant prévisions et réalisations dans la production des énergies renouvelables est abyssal. Seuls 400 mégawatts d’électricité ont été produits. Devant cet état de fait le directeur du Centre des énergies renouvelables (CDER) revendique le « renforcement de l’intersectorialité » et « l’orientation vers des projets d’envergure ». Qu’en pensez-vous?
Je partage totalement la revendication du Directeur du CDER.
On ne pourra jamais concrétiser les objectifs affichés à l’échéance 2030, au rythme actuel et avec la démarche actuelle. Il faut aussi éviter d’opposer le les grandes centrales aux petits projets décentralisés. Il faut, en fait, les deux. Cependant, la spécificité de l’Algérie fait que la consommation actuelle va rester pour longtemps, la plus importante au Nord. L’augmentation démographique va encore renforcer cela. Ce qui fait que plus de 90% de la consommation restera sur la bande côtière.
Il faudra par contre transférer l’électricité produite au Sud par des réseaux en courant continu sur des grandes distances. L’économie d’échelle concerne beaucoup plus le solaire thermique. Ce n’est pas le cas du photovoltaïque. C’est pour cela que le solaire thermique combiné en partie avec du photovoltaïque devient le plus compétitif à grande échelle. En conséquence, notre pays disposant seul d’un potentiel de solaire thermique important ne peut pas faire l’économie d’une telle approche seule en mesure d’assurer sa transition énergétique. Les petites centrales en photovoltaïques devraient continuer à se développer hors réseau.