A peine trois mois nous séparent de la date de dépôt des candidatures pour le scrutin présidentiel d’avril 2019 et rien de concret ne semble, pour l’instant, augurer d’une issue autre que celle qui avait prévalue pour les quatre mandats précédents. Une issue qui ne présage évidemment de rien de bon sur la manière de gouverner le pays et, tout particulièrement, son économie. Une économie qui risque de ne plus jamais se remettre d’un statu quo supplémentaire de cinq ans. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la visibilité économique sera de toute évidence brouillée encore plus et les réformes susceptibles d’y remédier, impossibles à réaliser dans ce contexte de consensus artificiel sur lequel le pouvoir compte asseoir sa politique économique. Pour se maintenir au pouvoir durant le prochain quinquennat, il faudra que le président mal élu évite, coûte que coûte, toutes réformes qui risquent d’irriter les forces sociales et susciter des mouvements de protestations qui risquent de dégénérer en remise en cause frontale de ce chef de l’Etat élu, pour toutes les raisons que l’on connaît, dans des conditions contestables. Le calme souhaité étant essentiellement une affaire de rentes à répartir à différents échelons de la société, on peut dire que le pouvoir en place sera bien forcé de dépenser sans compter, autant que les recettes d’hydrocarbures couplées à celles de la planche billets le lui permettront. Même si les recettes risquent de se faire plus rare dans les cinq prochaines années, l’argent du pétrole et celui de la planche à billets qui imprimera pas moins de 1000 milliards de dinars durant les années 2018 et 2019, permettra de garantir le maintien des transferts sociaux à des niveaux élevés et même offrir des hausses de salaires substantielles aux fonctionnaires, comme c’est déjà le cas pour les enseignants auxquels des augmentations ciblées allant de 15 à 30% ont dores et déjà été promises
L’argent des hommes d’affaires viendra sans doute à contribution pour conforter cette politique de redistribution qui permet de rester au pouvoir par ce pernicieux moyen de fidélisation des clientèles. L’apport des oligarques promet même d’être plus important que pour le quatrième mandat, du fait que leurs rangs sont appelés à s’élargir, ne serait ce, que par crainte de perdre les privilèges que procure la proximité du pouvoir.
Le ton du statu quo économique est du reste déjà donné par la loi de finances pour l’année 2018 et, sans doute encore plus, par celle de l’année prochaine. Toutes deux ne contiennent en effet aucune décision, aussi indispensables soient elles, de nature à provoquer les courroux de la population. Toutes celles qu’Ouyahia avait tenté d’introduire furent gommées à grands renforts médiatiques, par le président Bouteflika en personne. Les réformes économiques seront de ce fait reléguées aux calendes grecques au grand dam des entrepreneurs qui réclament un meilleur climat des affaires, plus d’équité et une réelle liberté d’entreprendre. Autant de légitimes réclamations qui ne seront malheureusement jamais satisfaites, du fait que le pouvoir ne peut abandonner la posture d’Etat providence qui a toujours été la sienne, sans risque d’être contestés par tous ceux (travailleurs, patrons et pratiquement toutes les couches de la société algériennes) qui en tirent allégrement profits. C’est en effet, et cela a toujours été ainsi en Algérie, à l’Etat providence qu’échoit l’obligation de faire tourner l’économie et satisfaire la demande sociale au seul moyen de son budget, quand bien même, il serait fortement déficitaire, comme c’est le cas depuis 2012. Le financement par le marché (emprunts sur divers marchés financiers, argent des opérateurs privés etc.) n’a jamais été envisagé et ne sera sans doute durant le prochain quinquennat, ce qui réduira encore plus la puissance financière du pays, contraignant l’Etat à endosser aux contribuables l’entière charge de financer l’économie.
Les meilleures pistes de collecte (privatisations des entreprises publiques) ou de compression de dépenses (réduction des transferts sociaux et du train de vie de l’Etat) seront superbement ignorées de peur de susciter des mécontentements qui risquent de troubler la quiétude du pouvoir. Quand ce dernier prend des décisions de nature à remettre l’économie sur rails, ces dernières manquent généralement de transparence, sans compter qu’elles peuvent être, comme cela arrive trop souvent, être remises en cause après avoir fait perdre du temps et de l’argent à ceux qui avaient été obligés de les appliquer. Cette politique d’incertitude et d’instabilité juridique a toutes les chances de se perpétuer durant le cinquième si, comme il est fortement à craindre, rien de nouveau n’est apporté au mode de gouvernance de cette équipe reconduite pour un nouveau mandat.
A l’évidence, ce mortel statu quo qui a déjà fait perdre un temps précieux à notre économie, persistera cinq années encore à la faveur de ce mandat de trop, à moins d’un retournement spectaculaire de conjoncture qui obligerait le pouvoir en place à gérer autrement les affaires publiques. S’il venait, comme on le redoute, à perdurer, ce mortel statu quo nuira gravement à notre société, en général, et à notre économie, en particulier. Une économie qui ne cessera de reculer comparativement à celles des autres Etats qui n’ont pas commis le crime de prendre en otage les entreprises et les hommes d’affaires. Ces calculs politiciens malsains qui ne manqueront pas de resurgir tout au long du prochain quinquennat, réduiront encore davantage la visibilité économique du pays, au point de susciter la méfiance des hommes d’affaires algériens et étrangers. Les investissements ne manqueront pas d’être bridés par cette ambiance d’incertitude qui s’exacerbe déjà à l’approche du prochain scrutin présidentiel d’avril 2019 et qui le sera sans doute encore plus, durant l’exercice du prochain quinquennat, officiellement inscrit sous le signe de la « stabilité et de la continuité ».
Le statu quo dont souffrent les opérateurs économiques est d’autant plus lourd à porter qu’il prend sa source dans un système de gouvernance ultra présidentiel. Les grandes décisions relevant exclusivement de l’autorité du président Bouteflika, rien de sérieux ne pourra se faire sans lui. Son état de santé qui se compliquera sans doute davantage sous l’effet de l’âge, il sera à l’évidence, difficile d’avancer à grands pas dans les réformes, quand même, un premier ministre compétent viendrait au secours de ce président qui ne dispose pas de la santé physique requise.