Malgré la hausse des prix du pétrole, l’économie algérienne continue de se dégrader de jour en jour. Certes, la Banque d’Algérie a annoncé une baisse de la balance des paiements au 1er trimestre 2018 de plus de 2 milliards de dollars, mais tous les indicateurs économiques sont dans le rouge. Pour décrypter la situation actuelle du pays, l’expert financier et directeur général du cabinet RMG Consulting, M. Souhil Meddah, est revenu sur l’état économique du pays.
Pour M. Meddah, la balance des paiements est d’abord en relation avec la balance commerciale qui enregistre les transactions bilatérales entre pays. La balance des paiements reprend plusieurs chapitres qui sont repris dans la balance commerciale, mais aussi dans quelques transactions qui concernent la capitalisation des sociétés, les IDE, les recettes en hydrocarbures et hors hydrocarbures les dépenses en importations, en services et en transferts de dividendes.
Notre interlocuteur explique que la balance des paiements renseigne sur les engagements financiers émis à l’extérieur et les ressources admis à l’intérieur. Elle renseigne également sur les encaissements et les décaissements. Une balance des paiements revoit, dans notre cas, à trois éléments :
Le premier concerne la fluctuation du prix du baril de pétrole qui nous renseigne sur les rentrées en devises, mais également sur le marché gazier, l’indexation et l’évolution des prix. La progression enregistrée depuis le début 2017 reflète un cumul positif des rentrées, deuxièmement nous avons des engagements en importations qui sont incompressibles, par exemple les importations en équipements et le poste alimentation qui représente 17% par rapport aux importations. Et enfin, nous avons la réserve de changes étroitement liée à la balance des paiements.
En effet, « une balance des paiements négative signifie une baisse des réserves de change. Malgré la hausse du baril, la balance des paiements restera négative, jusqu’à ce que le prix du baril atteigne entre 87 et 100 dollars le baril, ce qui nous permettra d’avoir une balance des paiements en équilibre ».
M. Meddah estime que « cette baisse est due à l’évolution du prix du baril qui n’a pas encore atteint le niveau souhaité. On n’a pas importé moins, on a juste différé l’importation. On a impliqué certains effets du marché intérieur, comme la rareté de certaines marchandises et la déstabilisation du marché de certains produits, comme celui des véhicules ».
Notre interlocuteur ne pense pas que cette baisse de la balance des paiements soit le fruit d’une politique de limitation des importations qui, elle-même, n’est pas un facteur économiquement viable. C’est un facteur mercantiliste qui est limité dans le temps. Il attribue cette baisse aux fluctuations des prix du brut, qui ont permis d’avoir plus de recettes.
Evoquant les réserves de changes, M. Meddah explique que c’est à ce niveau qu’intervient la balance des paiements qui permet de comparer les ressources en devises par rapport aux dépenses, « dès que les ressources ne progressent pas au même rythme que les dépenses et les réserves, nous aurons toujours des diminutions des réserves, mais à moindre écart, tant que le baril augmente », a-t-il précisé.
Interrogé sur le financement non conventionnel, M. Meddah a rappelé que « le recours à l’endettent interne était beaucoup plus une nécessité forcée qu’un choix. Le Fonds de Régulation des Recettes (FRR) qui constituait la soupape pour les ressources, n’est plus d’actualité depuis février 2017, ce qui nous revoit aussi à l’incapacité de la fiscalité ordinaire à accompagner les besoins en ressources », ajoutant « il fallait aussi aider le Fonds national d’Investissement (FNI) et la Caisse nationale des Retraites (CNR) ».
M. Meddah estime que les réformes structurelles devraient porter sur le contrôle de la sphère microéconomique. « Le recours à la planche à billet à un effet limité dans le temps, même le Trésor public ne peut pas indéfiniment jouer le rôle du pourvoyeur de fonds pour l’économie nationale, nous devons créer des débouchés et d’autres marchés à travers des opérateurs ».
S’agissant du risque inflationniste, notre expert a rappelé que le risque existe mais il interviendra de manière graduelle, précisant au passage que le terme de création monétaire existe depuis toujours, toutes les banques primaires font de la création monétaire.
Pour rappel, la Banque d’Algérie a créé 3.585 milliards de dinars au 30 avril 2018 dans le cadre du financement non conventionnel, communément appelé la « planche à billets », selon les chiffres sur la situation mensuelle de la Banque d’Algérie publiés au journal officiel du 13 juin 2018.
Les 3.585 milliards de dinars, équivalant à 30,36 milliards de dollars, ont été créés par la Banque d’Algérie sous forme de titres émis ou garantis par l’Etat au titre de l’article 45 bis de l’ordonnance n°03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit.