Forum des Chefs d’Entreprises a organisé ce samedi 3O juin 2018 à l’hôtel El Aurassi une fort intéressante rencontre consacrée à l’épineuse question de la logistique dont la désorganisation et les insuffisances multiformes coûteraient, bon an, mal an, entre 5 et 6 milliards de dollars au pays. De hauts responsables du ministère des travaux publics et du transport ainsi que de nombreux experts, ont mis en évidence un secteur sinistré, notamment pour ce qui est de la logistique maritime et ferroviaire que l’Etat tente revigorer à coups de gros budgets investis dans les infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires et acquisition de navires et de trains marchands.
L’effort financier de l’Etat qui a déjà englouti plus d’une année de recettes pétrolières (50 milliards de dollars) dans la réalisation et l’acquisition d’équipements de base est, à l’évidence, gigantesque. La diversification de la production n’a malheureusement pas suivi, si bien que ces infrastructures réalisées à grands frais servent beaucoup plus aux importations qu’aux exportations de produits algériens. Un économiste nous faisait remarquer, à juste titre, que « si la finalité de nos routes et de nos ports et même de nos bateaux était de servir uniquement aux importations, il aurait été plus logique de demander aux pays exportateurs (Chine, France, Turquie, Espagne, USA etc.) de les financer eux même puisqu’ils servent, d’abord et avant tout, leurs intérêts. » Il est vrai que sur nos autoroutes flambants neufs circulent surtout des semi remorques portant des containers bourrés de produits étrangers. Les camions transportant des marchandises produites localement sont plutôt rares.
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Dans les ports la situation est encore plus déplorable. La trentaine d’infrastructures que compte le pays sont toutes versées aux importations dont le transport est à 99% réservé aux armateurs étrangers. Il faut en effet savoir que la vielle compagnie nationale de navigation (CNAN) qui continue, aujourd’hui encore, à naviguer à contre courant de l’histoire en tant que monopole, ne dispose que de 23 navires marchands dont, seulement une douzaine, est autorisée à naviguer dans les eaux territoriales internationales les autres vieux rafiots ne pouvant faire que du cabotage. L’imposition intempestive de ce monopole a longtemps empêché le privé algérien d’acquérir des navires susceptibles de renforcer la flotte nationale. Ce n’est qu’en 2015 que l’ouverture s’est effectuée à la faveur d’un décret dont la mise en application tarde malheureusement à se concrétiser. Une dizaine d’investisseurs algériens aurait effectués des démarches auprès du ministère des travaux publics et du transport pour bénéficier d’une autorisation d’acquisition de navires mais, comme à son habitude, l’administration est là pour freiner les ardeurs. Trois années après la promulgation du décret, aucun investisseur algérien n’a, de ce fait, acquis, à ce jour, un navire marchand !!!
Cette rencontre organisée par le FCE fut également l’occasion de poser la question fondamentale des plates formes logistiques qui font la grandeur des pays industrialisés mais totalement absentes en Algérie. Ces plates formes faites pour servir de bases logistiques à des zones industrielles, des clusters et autres territoires à vocations économiques, constituent des prolongements naturels pour les zones de production et de services. On y trouvera tout ce que les industries concernées requièrent comme approvisionnements, transport et autre constituants de la logistique. La constitution de ces plates formes demande du temps et toute une panoplie d’initiatives entrepreneuriales autonomes. Une simple décision administrative ne suffit pas à leur donner vie, quand bien même, elle serait prise au plus haut sommet de l’Etat.
L’Algérie aurait pu disposer de ce type de plates formes si elle avait mis en œuvre des zones franches. Prévues par les réformes de 1988 ces dernières ont malheureusement été abandonnées en 2003 dés lors que le pays a adhéré à la zone de libre échange euro-méditerranéenne. L’Algérien est de ce fait le seul pays au monde qui ne dispose pas de zones franches et des plates formes logistiques qui, généralement, les prolongent quasi naturellement.