Le récent rebond des prix de pétrole sera un « test critique » pour les pays de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient (Mena), appelés à faire preuve de prudence pour ne pas renouer avec des dépenses improductives, a estimé l’économiste en chef de la Banque Mondiale pour la région Mena, Rabah Arezki.
« En général, la hausse des cours est défavorable aux pays importateurs et favorable aux pays producteurs, néanmoins, le récent rebond des prix sera un test critique pour les premiers comme pour les seconds », relève ce responsable dans une contribution publiée sur le site Project Syndicate.
Arezki explique que depuis que les prix de pétrole ont amorcé leur repli en 2014, les pays du Mena se sont employés à libérer les consommateurs et les entreprises de leur dépendance à l’égard de l’énergie subventionnée et à diversifier en parallèle leurs économies.
Or, avec l’augmentation des prix de pétrole, « ces pays risquent de renouer avec des dépenses improductives et d’enclencher une spirale de la dette », prévient l’ancien chef du service matières premières du département des études du FMI.
« Un retour aux vieilles habitudes est particulièrement risqué car rien ne garantit que les cours du pétrole continueront de monter, ni même qu’ils se stabiliseront au niveau actuel », prévient-il.
« Certes, la croissance vigoureuse de la demande mondiale, le rétablissement des sanctions des Etats-Unis contre l’Iran et la baisse de la production au Venezuela et en Angola vont exercer une pression haussière sur les prix ».
Cependant, « la réactivité des producteurs d’huile de schiste américains aux variations du marché devrait toutefois avoir un effet modérateur notable sur les prix mondiaux, autrement dit, ceux-ci ne devraient pas revenir au niveau à trois chiffres atteint en 2014 », prévoit ce chercheur non résident à la Brooking institution.
Faire preuve de prudence
En outre, si le redressement des cours amorcé en 2015 s’est considérablement accéléré à la fin de 2016 lorsque les membres de l’OPEP, la Russie et quelques autres producteurs ont convenu de diminuer la production, rien ne dit que cette politique sera maintenue.
L’économiste en chef explique que « face à la hausse des prix, les membres de l’Opep, en particulier, ne jugeront pas indispensable de respecter les restrictions et augmenteront leur production, ce qui entraînera une baisse des cours « .
« Tout cela signifie que les perspectives concernant les prix du pétrole à court terme sont, au mieux, incertaines », soutient M. Arezki.
Les gouvernements des pays du Mena, qui ont profité de la chute des prix pour réduire des subventions énergétiques budgétivores estimées en 2011 à 240 milliards de dollars, « devront donc faire preuve de prudence », précise-t-il.
« L’abandon de réformes cruciales et difficiles pourrait avoir à long terme des conséquences considérablement supérieures aux avantages qu’il présente à court terme », souligne cet expert.
Pour les pays importateurs de pétrole de la région, le renchérissement des cours mondiaux de pétrole va entraîner une hausse des prix intérieurs, à moins que les autorités n’aient recours aux subventions pour atténuer ses répercussions sur les consommateurs.
Cette démarche, si elle peut parer à un fléchissement de la demande à court terme, augmenterait également le le montant de la dette publique et diminuerait d’autant les ressources disponibles pour investir dans le développement du secteur privé et la transformation plus générale de l’économie, selon cet expert pétrolier.
Les gouvernements des pays du Mena devraient donc plutôt poursuivre en priorité les réformes destinées à améliorer l’efficience de l’investissement public, et notamment éliminer complètement les subventions énergétiques, recommande l’économiste.
Il s’agit aussi de consolider les systèmes de protection sociale, de manière à protéger les plus démunis, et d’investir dans des réformes structurelles pour accompagner le renouveau d’un secteur privé plus compétitif et établir des réglementations judicieuses qui mobilisent l’investissement privé.