Abdallah Khennoufi est le fondateur de Laboref, un laboratoire d’études, de recherches et de formulation spécialisé dans la fabrication d’arômes depuis 1978. Dans cet entretien, il revient sur l’impact de la décision du ministère du Commerce levant la suspension d’importation de certains intrants nécessaires à la production de plusieurs produits alimentaires. Il aborde également le devenir de cette activité.
Est-ce que la décision du ministère du Commerce ne pénalise pas les fabricants d’arômes locaux ?
Elle ne nous pénalise pas car on a pris l’habitude d’être pénalisés (nous fabricants d’arômes) du moment que tout le importait déjà (bien avant les deux dernières décisions du gouvernement). C’est l’attitude de certains fabricants qui nous pénalise beaucoup plus que la décision du ministère. Quand certains déclarent qu’il n’y a pas d’arômes de qualité en Algérie alors qu’ils ne nous ont jamais contactés, ni testés nos produits, c’est pénalisant. On est en train de faire une mauvaise réputation à un produit de fabrication locale.
Selon vos dires, vous pouvez satisfaire la demande en termes de qualité…
Notre devise c’est la qualité d’abord (la devise de Laboref). Nous ne voulons pas être très grands, nous voulons avoir une meilleure qualité. Nous travaillons avec des clients depuis presque 40 ans, et ils sont toujours satisfaits de cette qualité. Parmi eux figurent de grandes marques de la boisson algérienne sans les citer.
Et en volume ?
Les capacités de production ne posent pas de problèmes, c’est la programmation. S’il y’a un engagement des clients (par exemple les producteurs de boissons), nous pouvons à notre niveau satisfaire.
C’est quoi cette programmation ?
D’abord il faut commander et réunir les ingrédients. Cette opération demande un certain de temps car il y’a des produits qui sont soumis à une règlementation. Une fois obtenus, ces produits ont un délai de péremption. D’ailleurs, heureusement pour nous que nous avons pu arrêter certaines commandes parce que nous sommes partis du principe que l’importation était fermée pour de bon.
Comme votre domaine relève de la chimie, est-ce que vous n’êtes pas touchés sévèrement par les mesures bureaucratiques ?
C’est certain, nous passons une bonne partie de notre temps à courir du ministère de l’Energie aux différents services de sécurité. Mais, nous sommes habitués.
Ce n’est pas trop ?
Je comprends très bien pour les précurseurs de drogues. Pour le reste des produits sensibles, il y’a une confusion en Algérie entre les produits volatiles avec ce qui est dangereux, inflammable… Ils (les autorités) mettent tout dans le même paquet.
On parle d’une feuille de route entre l’Agence des producteurs algériens de boissons et le Consortium algérien des fabricants d’arômes pour intégrer un maximum d’arômes locaux dans les boissons. Qu’en est-il ?
Pour moi c’est une question de bonne volonté de part et d’autre. Pour intégrer des choses, il faut être deux. Toutefois, il y’a un groupe de fabricants qui veut importer coûte que coûte. Car, les produits qu’ils importent sont productibles en Algérie. Pour cela, je mets au défi (ces producteurs). Je peux leur fabriquer des échantillons de leurs boissons gratuitement, et on demande à un panel de dégustateurs de rendre un jugement.
Est-ce que les produits que vous fabriquez sont exportables ?
Nous avons déjà exporté en Libye et en Syrie avant. Nous avons également exporté des huiles essentielles en Espagne et en France. Nous avions un atelier près de la frontière avec la Tunisie où nous distillions des plantes aromatiques.
Pourquoi vous avez arrêté ?
C’est un autre poème (rire). Avant, la Direction générale des forêts nous donnait des concessions. Nous avions commencé à exporter de une à quatre tonnes d’huiles essentielles. D’un seul coup, il nous a été demandé de faire un appel d’offres parce que c’est la règlementation. Au niveau des conservations des forêts, nous avions l’impression que nous les embêtions plus qu’autre chose.
Nous étions les seuls candidats. Ils ont fait deux appels d’offres infructueux, et nous avons commencé à discuter à partir du troisième. Seulement, la nature n’attend pas. Le romarin ou l’armoise sèchent et deviennent épineux. La période idéale est d’avril à juin alors qu’ils ne nous donnent pas de réponse avant le mois d’août. Nous avons donc abandonné.