Depuis son arrivée à la tête de l’ANC en décembre, Cyril Ramaphosa cherche à pousser vers la sortie Jacob Zuma, mis en cause dans de nombreuses affaires de corruption, afin d’éviter une catastrophe aux élections générales de 2019.
L’ancien homme d’affaires a d’abord choisi la manière douce et négocié directement avec le président. Mais ces tractations ont échoué, et devant la frustration de l’opposition, de l’opinion publique et de membres de son parti, il est passé à l’offensive en convoquant lundi l’organe le plus puissant du parti.
Au terme de discussions-marathon, le Comité national exécutif (NEC) de l’ANC a « rappelé » mardi avant l’aube le président, a annoncé le secrétaire général du parti, Ace Magashule. « Nous ne lui avons donné aucune date butoir » mais « je sais que le président va répondre demain« , a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse à Johannesburg.
Le chef de l’Etat, muet depuis plusieurs jours, n’a pas encore communiqué officiellement sa position. En théorie, c’est donc la fin pour Jacob Zuma. Mais le président, réputé retors, n’a aucune obligation constitutionnelle de se soumettre à la décision du NEC.
S’il refuse d’obtempérer, l’ANC n’aura pas d’autre choix – à moins de se renier – que de lui forcer la main et déposer une motion de défiance au Parlement.
Les discussions du NEC se sont éternisées, laissant planer un temps le doute sur leur issue. En plein milieu de la nuit, la réunion a été interrompue le temps pour Cyril Ramaphosa d’aller à la résidence officielle du président pour lui proposer, une dernière fois, une sortie digne: la démission.
Inflexible, Jacob Zuma a encore joué les prolongations. « Il racontait n’importe quoi, il voulait rester au pouvoir jusqu’en août« , a raconté à l’AFP un membre du NEC. « On s’est dit qu’il voulait encore trois mois pour piller » le pays, a-t-il ajouté sous couvert de l’anonymat.
Le président « était très arrogant« , a expliqué un autre membre du NEC cité par l’hebdomadaire Mail & Guardian.
Cyril Ramaphosa lui a dit « de démissionner dans les 48 heures, sinon l’ANC déposerait une motion de défiance d’ici jeudi« , a ajouté ce responsable du parti.
L’ANC, tout puissant en l’absence de scrutin présidentiel au suffrage universel direct, n’a donc eu d’autre choix que d’exiger de Jacob Zuma qu’il quitte le pouvoir.
L’opposition, qui réclame depuis des années le départ du président n’a pas crié victoire mardi. « Zuma peut tout bonnement ignorer » l’ordre de l’ANC, a relevé l’Alliance démocratique (DA), qui a appelé à voter le 22 février en faveur d’une motion de défiance.
Pour la Cosatu, alliée de la coalition gouvernementale, l’ANC, qui a été « humiliée » par Jacob Zuma, devrait aller plus loin et faire tomber le président au Parlement. « Le temps est venu pour l’ANC de mettre fin à ce théâtre politique pathétique« , a estimé la centrale syndicale.
En rappelant M. Zuma, l’ANC « a de toute façon signé l’arrêt de mort » du président, a relevé Ben Payton, analyste au cabinet Maplecroft. « Il n’a pas d’échappatoire possible. Au final, peu importe s’il démissionne ou pas » puisque s’il refuse de le faire, « il est certain de perdre une motion de défiance« . »Il y a unanimité à l’ANC, donc les jeux sont faits« , a aussi estimé le membre du NEC interrogé par l’AFP.
Le parti est « décidé à mettre un point final à la crise avant la présentation du budget » le 21 février, a pour sa part affirmé l’analyste politique Dirk Kotze.
Jacob Zuma est éclaboussé par une série de scandales qui ternissent l’image de son parti, au pouvoir depuis la fin de l’apartheid en 1994.
Il a été reconnu coupable de violation de la Constitution, il est menacé d’inculpation dans une vieille affaire de pots-de-vins et son nom est intimement associé à celui de la sulfureuse famille d’hommes d’affaires Gupta, au coeur d’autres dossiers de détournements de fonds ou de trafic d’influence. « Nous sommes déterminés à restaurer l’intégrité des institutions publiques« , a insisté mardi Ace Magashule.
Si Jacob Zuma démissionne, il sera remplacé par le vice-président Cyril Ramaphosa, a confirmé l’ANC. Dans le cas d’un vote de défiance, la présidente du Parlement assurerait l’intérim jusqu’à l’élection par les députés de Cyril Ramaphosa, dans un délai de trente jours.
Afp