Dans cet entretien, l’expert financier, MEl Besseghi réagit aux dernières déclarations du ministre des finances sur l’emprunt externe dont le ministre a révélé qu’il n’est pas exclu l’année prochaine. Pour M El Besseghi, il s’agit d’une déclaration surprenante de la part du premier argentier du pays du moment que l’emprunt externe, banni il y a trois mois, est réintroduit comme alternative et remis sur les tablettes. Sur la révision du système des subventions, M El Besseghi dira qu’il s’agit d’un dossier éminemment recommandé par les institutions financières internationales
Algérie-Eco : le ministre des finances a déclaré dernièrement que le gouvernement ne s’attendait pas à avoir besoin d’emprunter de l’argent cette année, bien que l’emprunt ne puisse pas être exclu l’année prochaine. Quel commentaire faites-vous dans ce sens?
MEl Besseghi : Il s’agit d’une déclaration surprenante de la part du premier argentier du pays. En effet, après avoir soutenu dans le programme de l’actuel gouvernement que l’emprunt externe était la plus mauvaise voie à suivre, que l’emprunt interne était la solution idoine et après avoir défendu mordicus le recours au financement non conventionnel pour faire face à la crise financière qui frappe de plein fouet le pays, voilà que l’emprunt externe, banni il y a trois mois, est réintroduit comme alternative et remis sur les tablettes.
Il est évident que les évolutions dans la stratégie financière du pays sont corrélées aux changements observées sur la scène internationale et aux conditions économiques réelles. Ceci est également vrai, sachant que certaines données fondamentales susceptibles d’influer sur la stratégie (évolution des cours du brut, des devises, des taux d’intérêts, etc…) sont difficiles à pronostiquer, mais un changement de cap aussi brutal est un indice frappant d’une faible capacité d’anticipation et de vision prospective partagée pour mieux maitriser l’avenir.
Nous ne sommes pas à la première incohérence dans les déclarations officielles à travers lesquelles on déclare une chose et juste après son exact contraire, ce qui ne contribue pas à rassurer les investisseurs de tout bord.
Le gouvernement envisage de réformer son système de subventions en vue d’éliminer le déficit du budget de l’Etat d’ici trois ou quatre ans. Est-ce une bonne décision à votre avis?
Il s’agit d’un dossier éminemment recommandé par les institutions financières internationales, mais aussi par les différentes parties prenantes en Algérie. Objectif, rendre les subventions et les aides sociales mieux ciblées et profitant aux catégories les plus vulnérables. Très délicat comme dossier, hyper sensible compte tenu de son impact, mais hautement nécessaire lorsque l’on sait que les transferts sociaux en progression régulière avoisinent les 1760 milliards de dinars pour 2018, soit le quart du budget annuel de l’Etat et représente 30 % de la PIB.
Il ne me semble pas qu’un autre pays dans le monde consent autant de moyens pour soutenir les couches sociales les plus défavorisées.
En effet, la question qui se pose avec acuité est celle de savoir pourquoi ces subventions ne profitent pas aux catégories sociales qui ont en ont le plus besoin et pourquoi cet énorme sacrifice ne produit pas les effets escomptés?
Le dossier est en cours de traitement et les résultats doivent faire aboutir à des changements qui doivent être opérés progressivement sur une longue période afin de lisser les effets néfastes ou pervers sur la population.
Les carburants seront les premiers produits qui seront encore visés l’année prochaine Quel impact sur la situation sociale, et sur le prix des produits alimentaires?
Pour les carburants, la politique de retrait du soutien a déjà commencé depuis au moins trois années et ce à l’occasion de chaque loi de finances. Rappelons que le prix réel des carburants est en moyenne de 105 dinars alors qu’il serait de 78 dinars pour le gas-oil.
Il est clair que les produits énergétiques captent une bonne partie des subventions de l’Etat qui pour une part passe chez les pays voisins à travers la contrebande aux frontières.
En procédant à ce ciblage, le gouvernement espère réduire drastiquement la facture et par la même le déficit budgétaire. Il est donc tout à fait légitime de procéder à un réajustement progressif en mesurant l’impact induit sur les autres produits et en particulier les produits alimentaires pour éviter de dangereux dérapages.