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Les pétroliers accélèrent leurs investissements dans les énergies renouvelables

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Depuis plusieurs années, on assiste à une diversification, discrète mais soutenue, des activités des géants pétroliers qui peu à peu insèrent les énergies renouvelables dans leur portefeuille d’investissements. Si cette tendance a rencontré plus ou moins de succès selon les acteurs et les timings, il est incontestable que ce mouvement croissant est parti pour perdurer et que peu sont ceux qui veulent rester en marge. Décryptage d’un virage certes lent, mais prometteur.

Total premier de la classe et acquéreur sans égal

Le leader de ce mouvement d’intégration des énergies renouvelables par les grandes entreprises pétrolières est le géant français Total. C’est en 2011 qu’il a accéléré son implication dans le domaine des énergies renouvelables, bien qu’il doit présent dans le secteur depuis une trentaine d’années à travers sa filiale Total Solar, spécialisée dans le développement des centrales solaires. La compagnie acquiert donc pour 1,6 milliard $ le fabricant américain de panneaux solaires SunPower, quatrième plus importante cotation boursière dans le secteur mondial de l’énergie. Une acquisition qui n’est que la première d’une longue liste de prises de participation pour le géant pétrolier dont la politique est de « faire confiance à ceux qui ont réussi ». C’est ainsi qu’en 2016, l’énergéticien français ajoute le fabricant de batteries industrielles Saft à ses actifs, une opération à 1 milliard $.

Total injecte également plus de 292 millions $ dans Eren Renewable Energy (EREN RE) contre 23% de participation dans l’entreprise. L’objectif final étant de prendre au bout de cinq ans d’investissements, le contrôle total de la compagnie qui développe aussi bien des centrales solaires, des barrages électriques que des parcs éoliens. L’ensemble de l’opération devrait avoir un coût compris entre 1,2 et 2,4 milliards $.

Le leader de ce mouvement d’intégration des énergies renouvelables par les grandes entreprises pétrolières est le géant français Total. La même année, il entre aussi au capital d’United Wind, une compagnie américaine spécialisée dans le développement des mini-centrales éoliennes pour les petites entreprises et les particuliers américains.
Si le cout de l’opération n’a pas été rendu public, cette dernière vient en surenchère à l’offre faite par le géant britannique Statoil qui a également investit une trentaine de millions $ dans la même entreprise au cours du même tour de table. 2016 sera l’année des acquisitions pour la compagnie qui, menée par Patrick Pouyanné, ajoute à son portefeuille d’entreprises présentes dans la transition énergétique, le fournisseur belge d’électricité Lampiris. Cout de l’opération, 180 millions d’euros (plus de 221 millions $). En 2017, le pétrolier français a également acquis GreenFlex, un spécialiste français de l’accompagnement de la transition énergétique des entreprises. La compagnie a parallèlement lancé depuis 2012, l’initiative Awango by Total qui propose des solutions d’énergie solaires aux populations à faible revenu vivant sans électricité. Cette branche intervient principalement en Afrique et en Asie.

L’objectif affiché par Total est d’être un acteur important de la transition énergétique dont la progression est inexorable. Elle ambitionne d’avoir un portefeuille de centrales d’énergies renouvelables de 5 GW d’ici à 2022, tout en se repositionnant sur toute la chaine des énergies renouvelables depuis la fabrication des matériaux (SunPower) jusqu’à la production d’électrique (EREN RE) en passant par les solutions de stockage d’énergie.

Total qui affirme avoir intégré l’enjeu climat dans sa stratégie, mènera une politique de croissance soutenue dans les solutions bas carbone. Elle espère d’ailleurs que ces solutions qui représentent actuellement 1% de son chiffre d’affaires, verront leur part dans ce chiffre passer à 15% d’ici les 15 prochaines années et 20% d’ici à 2030. Pour le moment le géant français, grâce à ses acquisitions, détient déjà 2% des capacités solaires mondiales installées, une part qu’il compte bien augmenter au fil des prochaines années.

Les échaudés et prudents pétroliers britanniques

Outre leurs nationalités, la Royal Dutch Petroleum plus connue sous le nom de Shell et la British Petroleum Company (BP), ont en commun un faux départ avec les énergies renouvelables. Les deux ont en effet entamé il y a plusieurs années des investissements dans les énergies renouvelables, avant de rebrousser chemin. Si, poussés par le nouveau paradigme du secteur énergétique mondial, ils se retrouvent contraints de réinvestir encore dans ce secteur, ce sera cette fois ci, de manière prudente et diversifiée.

C’est en 2001 que Shell fait sa première entrée dans le monde des énergies renouvelables, avec la formation, avec Siemens et E.ON Energies AG, d’une joint-venture consacrée à la construction de centrales solaires photovoltaïques. En 2002, la compagnie qui détenait jusque-là 33% de la coentreprise, rachète les parts de ses deux associés, devant ainsi la seule propriétaire de la compagnie solaire. Elle devint ainsi le quatrième plus grand énergéticien solaire au monde avec pour ambition d’investir entre 500 millions et 1 milliard de dollars en cinq ans dans le solaire et dans l’éolien. Jusqu’en 2006, la compagnie a investi environ 1,25 milliards $ dans les renouvelables et s’est constituée un portefeuille de centrales d’environ 550 MW, principalement constitué de centrales éoliennes. Mais elle a annoncé en 2009, après avoir arrêté un an plus tôt ses investissements dans le solaire et cédé 50% de ses parts dans sa société de fabrication de panneaux solaires Avancis, le ralentissement de ses activités dans les énergies renouvelables en attendant que celles-ci deviennent plus rentables. « Nous n’envisageons plus de faire des investissements supplémentaires dans ces secteurs. Ils (le solaire et l’éolien ndlr) peinent encore à être compétitifs face aux autres actifs que nous avons dans notre portefeuille.» a justifié à l’époque Linda Cook, la responsable du département gaz et énergie. Le groupe a préféré pendant ses années de retraite se focaliser seulement sur le biocarburant. « Nous n’envisageons plus de faire des investissements supplémentaires dans ces secteurs. Ils peinent encore à être compétitifs face aux autres actifs que nous avons dans notre portefeuille. »

Ce n’est qu’en octobre 2017 que, poussée par les tendances du marché, la Royal Dutch Shell s’est remise en selle en investissant un montant non divulgué dans le Sunseap Group, une compagnie d’énergie solaire basée à Singapour. L’entreprise décide également d’investir entre 1 et 2 milliards $ dans le renouvelables chaque année jusqu’en 2020. Elle a d’ailleurs débuté l’année 2018 en injectant 217 millions $ dans l’énergéticien solaire américain Silicon Ranch Corp. qui gère des centrales d’une capacité globale de 880 MW.

Les premiers pas de British Petroleum dans le domaine du renouvelable se font en 1989 avec la création, avec l’indien Tata, de la Tata BP Solar, une entreprise de fabrication de panneaux solaire et de conception d’installations solaires. En 2002 cependant, la compagnie annonce un repositionnement qui la fera abandonner ce secteur d’activité pour le faire se tourner vers d’autres qui offrent selon elle de meilleures probabilités de succès. Elle cède donc à Tata ses 51% d’actifs dans la compagnie solaire. Le pétrolier a également entre temps investi dans l’énergie éolienne où elle possède aux Etats-Unis 16 centrales éoliennes d’une capacité totale de 2,6 GW et 100 MW en Inde. Elle annonce cependant son retrait de ce secteur d’abord en 2009 en Inde, puis en 2013 aux USA, pour se repositionner sur les hydrocarbures. Ses activités dans le secteur du biocarburant, elles, se poursuivront. BP annonce cependant son retrait de ce secteur d’abord en 2009 en Inde, puis en 2013 aux USA, pour se repositionner sur les hydrocarbures. Cependant, en octobre 2017, la compagnie annonce son retour aux affaires dans le renouvelable. « Nous ferons des investissements plus modestes, mais également plus intelligents dans un panel étendu de technologies et de business modèles. Au lieu de nous lancer dans toute une série de business bas carbone comme dans le passé, nous allons plutôt intégrer le bas carbone dans ce que nous faisons.» a annoncé à ce propos, Bob Dudley, le directeur exécutif de la compagnie. En décembre 2017, BP injecte donc 200 millions $ dans la compagnie solaire britannique Lightsource dont elle acquiert 43% des parts.

Des milliards de dollars d’investissements dans les prochaines années

Saudi Aramco, le numéro 1 de la production pétrolière mondiale ambitionne d’injecter 5 milliards $ dans les technologies d’énergies renouvelables. Cet investissement qui fait partie de son programme de diversification des activités lui permettra de se constituer un portefeuille de 10 GW de centrales solaires, éoliennes et nucléaires d’ici à 2023.

Saudi Aramco, ENI, Statoil… toutes les grandes compagnies prévoient des milliards de dollars d’investissements.

L’Italien ENI a annoncé en 2017 par le biais de son directeur exécutif Claudio Descalzi, qu’il investirait 1 milliard $ sur trois années dans des projets d’énergies renouvelables ainsi que dans la recherche dans le secteur. La compagnie ambitionne, entre autres, de se constituer un portefeuille d’au moins 420 MW de centrales d’énergies renouvelables d’ici à 2022. Elle a en outre révélé que ces projets seraient mis en œuvre en Italie au Pakistan et en Egypte.

1 milliard $ par an. C’est le montant que l’américain Exxon Mobil a décidé de dédier à ses recherches dans le domaine des renouvelables. Le pétrolier a aussi révélé avoir injecté dans cette activité 8 milliards $ depuis 2000 dans le sous-secteur des biocarburants.

Le Norvégien Statoil a, quant à lui, annoncé en 2016 vouloir investir 200 millions $ dans les énergies renouvelables d’ici 2022 à travers un fonds qu’il a mis en place. La compagnie a en outre acquis 40% d’une centrale solaire de 162 MW que construisait Scatec Solar au Brésil. Elle a également fait part de son intérêt pour le projet Empire Wind, en développement dans l’Etat de New York et dont la capacité pourrait s’élever à 1 GW. Une option actuellement en étude par l’entreprise en charge du projet.

Le profit, le nerf de la diversification

L’insertion par les géants pétroliers des énergies renouvelables à leur portefeuille d’activité est sous-tendue par des raisons plus économiques qu’environnementales. Le futur prédit par les experts pour le secteur électrique en général, et des énergies renouvelables en particulier, est en effet trop prometteur pour être raisonnablement ignoré. La proportion des énergies renouvelables dans les nouvelles installations pourrait monter jusqu’à 70% en Europe.

La demande mondiale en électrique augmentera en effet de 30% d’ici 2030 selon le experts. A cette même période, la part des énergies renouvelables dans les nouvelles capacités installées devrait passer des 23% actuels à 50% en 2030. Un chiffre qui atteindra 60% à l’horizon 2040. Cette proportion des énergies renouvelables dans les nouvelles installations, pourrait monter jusqu’à 70% en Europe selon la même étude publiée en 2016 par Bloomberg New Energy Finance. La part des énergies renouvelables dans les nouvelles capacités installées devrait passer des 23% actuels à 50% en 2030. Un chiffre qui atteindra 60% à l’horizon 2040. De plus, selon le World Energy Outlook qui effectue les projections énergétiques sur la période 2016-2040, les 2/3 des investissements mondiaux en ce qui concerne l’installation de nouvelles centrales électriques seront orientés vers les énergies renouvelables à l’horizon 2040.

L’Agence international de l’énergie a également annoncé que la capacité installée des énergies renouvelables connaitrait une hausse de 43% en 2022 par rapport au niveau enregistré en 2017. Un marché en forte croissance dont les géants pétroliers ne veulent à priori pas se retrouver exclus. En outre, la compétitivité des énergies renouvelables face au fossile, est de plus en plus reconnue dans de nombreux pays. « Ces résultats sont d’autant plus remarquables qu’ils ont été obtenus dans un contexte marqué par les cours historiquement bas des carburants fossiles et la persistance des subventions gouvernementales désavantageuses pour les énergies vertes. Pour chaque dollar dépensé en vue de promouvoir les énergies renouvelables, ce sont près de quatre dollars qui l’ont été pour maintenir notre dépendance aux carburants fossiles », a déclaré Christine Lins, la secrétaire exécutive de la Renewable Energy Policy Network for the 21st Century. « Pour chaque dollar dépensé en vue de promouvoir les énergies renouvelables, ce sont près de quatre dollars qui l’ont été pour maintenir notre dépendance aux carburants fossiles. »

Cette avancée importante des énergies renouvelables sur l’échiquier énergétique mondiale est portée par une baisse continue et importante des technologies de leur mise en place. En effet, entre 2010 et 2017, le coût moyen de production d’électricité à partir de l’énergie solaire a diminué de 73%, atteignant 10 cents de dollar le kilowattheure. Quant à celui de l’énergie éolienne, il a diminué de 23% pour atteindre 6 cents de dollars le kilowattheure. Des tendances qui sont prévues pour continuer puisque, de manière globale, toutes les formes d’énergies renouvelables devraient être plus rentables que les fossiles d’ici à 2020. En effet, le coût moyen de cession du kilowattheure d’énergie produit à partir du renouvelable variera entre 3 et 10 cents de dollar contre 5 à 17 cents de dollar pour les combustibles fossiles. Le coût de l’énergie photovoltaïque, par exemple, diminuera encore de 50% par rapport au niveau actuel selon les experts, pour atteindre une valeur moyenne de 3 cents de dollar le kilowattheure. Un prix qui est déjà pratiqué dans plusieurs pays à fort potentiel solaire. « Cette nouvelle dynamique témoigne d’un important changement du paradigme énergétique. Ces baisses de coût au niveau de toutes les technologies sont sans précédent et montrent à quel point les énergies renouvelables bouleversent le système énergétique global. Faire une transition vers ces nouvelles technologies de production énergétique, ne relève plus simplement de la responsabilité environnementale, mais représente la meilleure option économique » résume et conclu donc, fort à propos, Adnan Amin, le directeur général de l’Agence internationale des énergies renouvelables.

Ecofin

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