L’expert financier Mourad El Besseghi commente dans cet entretien pour Algérie-Eco les dernières prévisions plutôt confortantes de la Banque Mondiale sur la croissance économique en Algérie.
Algérie-Eco : La banque mondiale vient de revoir ses prévisions concernant la croissance économique de l’Algérie. La croissance du PIB de l’Algérie qui devrait s’établir à 3,6% en 2018, contre 2,6% prévu dans sa dernière édition de juin 2017. Pourquoi cette hausse à votre avis?
Mourad El Besseghi : En effet, dans son dernier rapport publié, la Banque Mondiale avait indiqué au sujet des perspectives économiques mondiales, que le taux de croissance du Produit Intérieur Brut réel de l’Algérie devrait s’établir à 3,6% en 2018, alors qu’elle prévoyait 2,6% en juin 2017. Le taux affiché par la BM est relativement proche de celui retenu dans le cadrage macroéconomique de la loi de finances 2018 qui a été fixé à 4%.
Ce changement de position est justifié selon l’institution de Bretton Woods, par le niveau des dépenses d’investissements prévue dans la loi de finances pour 2018 qui est de plus 4.000 milliards de dinars enregistrant une hausse de 74% par rapport à celui de 2017.
Ainsi la BM fonde son regain d’optimisme par l’accroissement sensible du budget d’équipement aussi bien sur les opérations d’investissements que ceux liées aux opérations en capital qui sont par essence, un moyen de renforcer la dynamique économique.
Ceci n’est pas nouveau puisque la croissance du PIB en Algérie a toujours été tirée vers le haut par les programmes financés par la dépense publique en particulier ceux liés aux infrastructures de base, logements, agriculture et hydraulique. Outre le choix de ce modèle ambitieux, il est privilégié de façon franche la préférence nationale pour les entreprises de réalisation ainsi que par la commande qui sera lancée aux entreprises locales. En investissant dans les infrastructures de base et en privilégiant l’outil national de réalisation, l’impact sur la création de l’emploi repartira avec un effet levier d’entrainement systématique et certain sur la consommation.
La BM justifie également sa position en raison de l’adoption par l’Algérie d’une « politique budgétaire plus expansionniste » que prévue, est à coup sûr, un vigoureux moyen pour assurer une relance à court terme. Autrement dit ou différemment décryptée, la politique menée par le gouvernement qui tente de doper l’économie, notamment par des ressources financières non conventionnelles, est salvatrice. Rappelons que le problème du financement a été réglé temporairement par le biais de l’endettement interne, sans recourir à l’endettement externe comme cela a été recommandé aussi bien par la BM que par le FMI.
L’économie s’en trouve soulagée grâce à un redressement du marché financier et monétaire qui est littéralement en panne et qui risque de rompre le cycle économique dans son ensemble. L’injection de 1800 milliards de liquidités grâce à la planche à billet est selon la BM une solution court-termiste, dans le sens ou elle créée une « bouffé d’oxygène » revitalisante momentanément, mais elle reste limitée dans le temps et ne peut être renouvelée plusieurs fois, au risque de subir le phénomène de l’overdose. Les symptômes du mal demeureront et seront toujours là, lorsque les effets du dopage se seraient dissipés.
Dans tous les cas, cela constitue un très beau cadeau de début d’année pour l’actuel gouvernement, en renforçant sa position et confortant ses prévisions pour 2018, surtout si cela est couplé avec la sensible remontée des cours du brut connue actuellement.
La banque mondiale justifie cette hausse par un rebond qui sera notamment soutenu par les nouvelles mesures budgétaires du gouvernement concernant le financement de l’investissement. Pensez-vous que cela va s’inscrire dans la durée?
Très pertinente question. La Banque Mondiale a revu également sa copie sur la croissance du PIB réel de l’Algérie pour l’année 2019 qui devrait s’établir à 2,5%, contre 1% annoncé en juin dernier. Il en sera de même pour 2020 puisque ce même agrégat macroéconomique se situera, selon elle, à 1,6%.
La Banque Mondiale a aussi revu à la hausse ses chiffres concernant le taux de croissance économique de l’Algérie pour l’année 2017 qui vient de s’écouler. Alors que la Banque Mondiale avançait en juin dernier un taux de croissance du PIB réel de l’Algérie à 0,4%, le dernier rapport de janvier estime ce taux de croissance à 2.2%.
Et pour couronner le tout, la BM estime que l’Algérie tiendra une cadence élevée et fera mieux en 2018 que la majorité des pays de la région Mena, y compris les gros pays exportateurs de pétrole.
On se souvient qu’au printemps dernier, les prévisions du FMI et de la Banque Mondiale pour l’Algérie en 2017 et 2018 avaient été jugées très « inquiétantes » par beaucoup d’observateurs. Quel commentaire faites-vous dans ce sens ?
Par analogie, on serait enclin à penser que la réaction du FMI serait identique et ne va trop tarder pour se faire connaitre, tout au plus, avant la fin du mois de janvier, en attendant son audit dans le cadre des accords de coopération institutionnels d’avril prochain.
La question qui se pose est de savoir si cette proximité et cette convergence découle des échanges et des visites officielles des autorités algériennes et des institutions financières internationales ou d’un réel rebond de l’économie. Tant mieux pour nous, si le ressort de la croissance est là pour donner du tonus à l’économie.
Mais au vu des déficits publics récurrents, du recours structurel au financement non conventionnel, de la suppression des licences et des dérapages attendus sur les produits destinés à l’outil de production nationale comme intrants, de la manière dont est gérée la monnaie nationale, etc. ne serions-nous pas assez éloignés de cette illusoire convergence ?L’année 2018 est une année charnière, celle de toutes les opportunités et de tous les dangers. Le plus important est de mettre en place les jalons d’une réforme structurelle appropriée permettant de relancer durablement notre économie.