Lors d’une nouvelle nuit de troubles à travers la Tunisie, alimentés par une grogne sociale persistante et de récentes mesures d’austérité.
Des manifestations pacifiques sporadiques ont débuté la semaine dernière dans le pays contre la hausse des prix et un budget d’austérité entré en vigueur le 1er janvier, prévoyant des augmentations d’impôts.
La contestation a dégénéré en émeutes dans la nuit de lundi à mardi, notamment à Tunis et à Tebourba, à l’ouest de la capitale, où des heurts ont éclaté après la mort d’un homme durant une manifestation.
Dans la nuit de mardi à mercredi, 49 policiers ont été blessés, 206 personnes arrêtées, et des fourrières ont été attaquées, a indiqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur Khlifa Chibani qui a accusé les casseurs d’avoir été payés par des meneurs politiques. « Il y a des actes de pillage et de vol, mais aussi un message politique de la part d’un pan de la population qui n’a plus rien à perdre et qui se sent ignoré » sept ans après une révolution qui réclamait travail et dignité, estime le politologue Selim Kharrat.
Il souligne que nombre de bâtiments publics, symboles de l’Etat, ont été pris pour cibles, tandis que le gouvernement « qui n’a aucune marge financière, a pour le moment pris position assez fermement contre les protestataires ».
Un supermarché de la banlieue sud de Tunis a été pillé mardi soir par des jeunes qui ont volé argent et marchandises, selon Mohamed Baccouche, directeur adjoint d’exploitation de Carrefour.
L’armée a été déployée autour de banques, Postes et autres bâtiments gouvernementaux sensibles dans les principales villes du pays, a indiqué le ministère de la Défense à l’AFP.
A Sidi Bouzid, ville défavorisée du centre du pays d’où était partie en décembre 2010 la contestation sociale marquant le début des Printemps arabes, des jeunes ont coupé des routes, jeté des pierres et la police a répliqué à coups de gaz lacrymogènes une bonne partie de la nuit, a indiqué un correspondant de l’AFP.
Des incidents ont également eu lieu à Kasserine (centre), Gafsa (sud), Jedaida (nord) et dans plusieurs quartiers populaires de Tunis, ont constaté des correspondants de l’AFP, mais le calme était revenu mercredi matin dans l’ensemble du pays.
A Tebourba, à 30 km à l’ouest de Tunis, des heurts ont éclaté mardi après que des jeunes sont descendus par centaines dans les rues après l’enterrement d’un homme décédé lors de heurts la nuit précédente. Les manifestants accusent la police de l’avoir tué, ce que dément le ministère de l’Intérieur.
Après plusieurs années de marasme économique et d’embauches massives dans la fonction publique, la Tunisie est confrontée à d’importantes difficultés financières. L’inflation a dépassé les 6 % fin 2017 tandis que dette et déficit commercial atteignent des niveaux inquiétants.
Tunis a obtenu en 2016 une nouvelle ligne de crédits du Fonds monétaire international (FMI), d’un montant de 2,4 milliards d’euros sur quatre ans, en échange d’un programme visant à réduire les déficits.
Mardi soir, un député d’opposition, Adnane Hajji, a justifié les violences, lançant devant l’Assemblée: « si le gouverneur vole, évidemment que le peuple va voler ». En réaction, le parti islamiste Ennahda, membre de la coalition au pouvoir, a « mis en garde » ceux qui « fournissent une couverture politique justifiant les actes de violence et de vandalisme ». Le puissant syndicat UGTT, a condamné « la violence et le pillage », appelant à « protester de manière pacifique. »
Le mois de janvier est traditionnellement marqué par une mobilisation sociale depuis la révolution de 2011. Le contexte est particulièrement tendu cette année à l’approche des premières élections municipales de l’après révolution prévues en mai.
Afp