Il a écrit parmi les plus belles pages de l’aviation, est devenu l’avion des présidents américains et du tourisme de masse, mais le Boeing 747 s’apprête à tirer sa révérence aux Etats-Unis, près de 50 ans après son premier vol.
« Le 747 a donné des ailes au monde. Il a rétréci le monde », résume auprès de l’AFP Michael Lombardi, historien de l’avionneur Boeing dont cet appareil est un des symboles.
« On pouvait soudain aller de Londres à Singapour. Le monde devenait accessible en moins de 24h », ajoute Michel Merluzeau, spécialiste de l’aviation.
Le 19 décembre, Delta Air Lines va retirer de sa flotte de transport de passagers le 747 après un dernier vol commercial Séoul-Detroit. A cette date, aucune compagnie aérienne américaine ne disposera plus de 747 destiné au transport de passagers. Lufthansa, British Airways et Korean Air Lines continueront, elles, à proposer au grand public de voyager en 747.
Pour ses adieux, Delta offre également des vols, dont un le 20 décembre, à plusieurs de ses employés et clients fidèles, pour lesquels des billets se sont arrachés au cours d’une vente aux enchères sur internet, traduisant la nostalgie de milliers de passionnés pour cet appareil déjà dans les plus grands musées aéronautiques, avant même sa mise à la retraite.
« C’est la fin d’une ère », estime Bob van der Linden, du département Air et Espace du Smithsonian Museum de Washington. « C’est un appareil qui a rendu le voyage en avion accessible au grand public ».
« Il est grand, très confortable, il y a un escalier. Le hublot est éloigné de vous; on a de la place; on peut se mettre à l’aise », ajoute M. van der Linden, dont l’un des derniers voyages à bord d’un 747 remonte à 2010.
Surnommé « reine des ciels » ou « Jumbo Jet », le 747 est un avion aisément reconnaissable par sa « bosse » à l’avant du fuselage.
Pouvant transporter plus de 600 passagers selon les versions, il dispose de quatre réacteurs et d’un double-pont, le pont supérieur servant de première classe.
Conçu pour répondre à l’essor du transport aérien et décongestionner les aéroports, il a ouvert la voie à un autre géant du ciel, l’Airbus A380, lancé en 2005 mais boudé jusqu’à présent par les compagnies aériennes américaines.
C’est Juan Trippe, le patron de la compagnie aérienne Pan Am, aujourd’hui disparue, qui a approché au début des années 1960 son ami Bill Allen, alors patron de Boeing.
« La première idée était de prendre deux fuselages comme ceux du 707 (le plus gros avion de ligne de l’époque) et de les superposer mais les ingénieurs de Boeing se sont rendus compte que ça ne pourrait pas marcher car il aurait été difficile d’évacuer les passagers du pont supérieur en cas d’urgence », raconte Michael Lombardi. L’idée d’un gros porteur avec deux couloirs, qui deviendra par la suite le modèle des futurs avions long-courrier, surgira par la suite.
Séduite, la Pan Am s’engage à acheter l’avion, mais Boeing est engagé sur plusieurs fronts: le 707, le 737 et le supersonique SST, dont le groupe a obtenu le contrat mais qui ne verra jamais le jour. Boeing travaille aussi sur la fusée Saturn du programme spatial Apollo.
Conséquence: Boeing, qui doit trouver un site de production pour le 747, coupe temporairement les fonds au programme.
Le premier vol a lieu en février 1969, mais les commandes tardent. « Le 747 est apparu alors comme une erreur », se souvient Michael Lombardi.
Elles affluent ensuite et le 747 restera le plus gros avion de transport de passagers jusqu’à l’arrivée de l’A380.
Un peu plus de 1.500 appareils ont été livrés à ce jour et environ 500 sont encore en service, selon Flightglobal Ascend. Mais ces chiffres vont chuter car son entretien est coûteux.
Boeing a choisi de ne pas le remplacer par un appareil de même taille ou plus gros. Le 777, lancé en 1995, est plus petit (550 places maximum) et économe en carburant grâce à ses deux moteurs. Il est également plus facile à remplir, garantie de rentabilité pour les compagnies.
« Franchement, nous ne voyons pas de demande pour les gros porteurs », a déclaré en juin Randy Tinseth, responsable marketing chez Boeing.
Boeing va continuer toutefois à fabriquer des 747 pour le cargo, les opérations militaires et le président des Etats-Unis. Donald Trump et ses successeurs voleront encore un moment dans le célèbre Air Force One, qui se base sur le 747-8 et dont deux exemplaires viennent d’être commandés par l’armée de l’air américaine.
Afp