Le premier ministre Ahmed Ouyahia s’est vanté, lors de l’ouverture du conclave de l’université du Forum des Chefs d’Entreprises qui s’est tenu du 18 au 20 du mois en cours au palais des expositions, et devant un parterre de chefs d’entreprises, des mérites de la politique des 18 gouvernements qui se sont succédés à la tête de l’exécutif en 18 ans, en annonçant que «depuis 2000 à 2017, l’Etat a engagé 36 000 milliards de Dinars soit 320 milliards de Dollars en investissements publics». Mais, pour quels résultats ?
Si Ouyahia dit que «ce montant colossal a permis la livraison d’un nombre important de projets d’équipements pour satisfaire les besoins de la population dans tous les volets du développement humain, qu’il s’agisse de l’enseignement, de la santé ou du logement».
Il se trouve qu’en 2017, des milliers de citoyens souffrent encore de manque de logements. Des milliers de citoyens prennent leur mal en patience dans les salles des urgences des hôpitaux, et même, les écoles sont en surcharge des classes, des milliers d’écoliers, n’accèdent pas à leur établissements scolaires à cause de l’absence de transport dans les campagnes et les villages éloignés et n’ont même pas droit à un repas convenable dans les cantines scolaires en manque flagrant de budget. Ajoutant à cela, depuis 2000 à ce jour, aucun secteur économique public n’a été développé. Aujourd’hui, industrie, agriculture, tourisme, transport…etc sont dans le rouge.
Résultat d’une politique économique en manque de vision et de stratégie à long terme, de corruption et de dépenses non rationnelles, qui fait qu’aujourd’hui, le pays se trouve dans une situation économique alarmante, qui a poussé une fois de plus, le gouvernement à prendre des mesures urgentes et mettant en œuvre des mesures anti-crise dans la précipitation, à savoir le recours au financement non conventionnel (la planche à billets) pour alimenter le trésor public et financer les projets prioritaires, ce qui, aux yeux des experts ferait sombrer l’économie dans une crise, de laquelle, il ne se remettrait pas pendant des années.
Lire aussi: Planche à billets : Un nouveau coup dur pour l’économie
En effet, pour les experts, le financement non conventionnel engendrerait une hyper inflation et le déclin de la monnaie nationale. Toutefois, avant même que l’impression des billets par la banque d’Algérie, dont le feu vert a été donné cette semaine, les indicateurs sont déjà dans le rouge. Le Dinar a perdu de la valeur tant au change officiel qu’au parallèle, 1 Euro=130 DA et 205 DA, 1 Dollar US= 115 DA et 171 DA. La mercuriale des produits alimentaires connait une courbe ascendante depuis plusieurs semaines, tomate à 180 DA, pomme de terre à 80 DA. Une industrie automobile qui normalement aurait permis au citoyen d’avoir accès à un véhicule à un prix abordable, mais, dont le résultat est le contraire, un véhicule importé coûte moins cher qu’un véhicule fabriqué localement. Hausse de la facture des importations des produits alimentaires, face à un secteur agricole qui peine à émerger malgré son grand potentiel.
Un secteur du tourisme, qui n’arrive pas à décoller du fait d’un manque d’intérêt donné pour ce secteur depuis de longues années, ce qui pousse les citoyens algériens à se rendre chez les pays voisins pour passer leurs vacances, au lieu de dépenser leur argent chez eux et participer au développement du pays. Le secteur de l’industrie et des mines, dans lequel les politiques gouvernementales ont investi des sommes colossales pour un résultat quasi-nul. Une situation exacerbée et accentuée par le clientélisme, la corruption, le mépris des compétences nationales et le favoritisme au profit des étrangers.
Lire aussi: Le secteur est en stagnation : Le gouvernement peu enclin à exploiter les ressources minières
Ce sont ces échecs, aux yeux des observateurs, dont aurait dû parler Ouyahia. L’Etat des décennies durant, n’a fait que partager la rente pétrolière sans le moindre investissement fructueux, ce qui a conduit à l’échec total de sa politique. Cependant, en l’absence d’un vrai débat national, ouvert à tout le monde, avec la concertation, la sortie de crise n’est pas pour demain. Si l’Etat ne se délie pas de son hégémonie sur tout, avec une décentralisation de toutes les décisions, et surtout avec la crise aigüe actuelle causée par la chute des prix du pétrole depuis 2014, la crise va perdurer dans le temps.