Les marchés pétroliers naviguent dans un climat d’incertitudes, entre les sanctions américaines, la menace d’une guerre commerciale et les décisions de l’OPEP+ sur la production de brut.
Dans ce contexte, nombreux sont les analystes qui révisent leurs prévisions à moyen et long terme, scrutant chaque signe de volatilité pour comprendre comment l’offre et la demande pourraient évoluer dans les mois à venir.
Guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine
Le recul des prix du pétrole s’est accéléré après l’instauration par Washington d’un nouveau droit de douane de 10 % sur toutes les importations chinoises, rapidement suivi d’une riposte de Pékin.
La Chine a ainsi imposé un droit de douane de 10 % sur le brut américain et de 15 % sur le gaz naturel liquéfié.
Les observateurs craignent qu’une escalade commerciale ne freine la demande mondiale de pétrole, faisant pression sur les cours.
Les analystes de BMI ont d’ailleurs souligné « la perspective d’une véritable guerre commerciale » comme un facteur clé pouvant affaiblir la demande de brut.
Des perturbations prolongées des échanges internationaux, notamment en Amérique du Nord, pourraient freiner la croissance et, par ricochet, la consommation de pétrole.
Sanctions américaines contre l’Iran
Les États-Unis ont annoncé jeudi de nouvelles sanctions visant plusieurs personnes et navires accusés de transporter du pétrole brut iranien à l’étranger. Si cette décision a un peu limité la pression baissière sur les prix, les acteurs du marché attendent de voir l’impact réel de ces mesures.
« Les prix du pétrole ont retrouvé une certaine stabilité ce matin après une séance volatile la nuit dernière, les traders réagissant à l’annonce des sanctions américaines sur les exportations de brut iranien vers la Chine », a déclaré à Reuters Yeap Jun Rong, analyste chez IG.
Toutefois, il note également que « les gains pétroliers (d’aujourd’hui) sont limités, reflétant les préoccupations persistantes sur les vents contraires de l’offre et de la demande, y compris le potentiel d’augmentation de la production de l’OPEP+ et des États-Unis, ainsi que les risques tarifaires pesant sur la demande mondiale de pétrole ».
Lorsque l’administration Trump avait déjà renforcé les sanctions contre Téhéran en 2018, le baril de Brent avait dépassé les 80 dollars. Le marché garde en mémoire cet épisode et s’interroge à nouveau sur l’éventualité de sanctions secondaires, qui pénaliseraient directement les pays ou entreprises continuant d’acheter du brut iranien.
Offre, demande et décisions de l’OPEP+
Au-delà des tensions géopolitiques et commerciales, la dynamique de l’offre et de la demande continue de faire la pluie et le beau temps sur les marchés. Si l’OPEP+ décidait d’augmenter sa production, ou si le ralentissement économique lié aux conflits commerciaux freine réellement la demande, les prix du baril pourraient rester contenus entre 70 et 85 dollars.
Les analyses convergent sur le rôle crucial de l’OPEP+ et des États-Unis : une hausse de la production de l’un ou de l’autre pourrait rapidement peser sur les cours. En revanche, des barrières commerciales ou des sanctions plus strictes contre les principaux exportateurs, comme l’Iran ou la Russie, pourraient facilement pousser le Brent au-delà de 80 dollars.
Prévisions des analystes pour 2025
Malgré l’incertitude, ING a revu cette semaine ses prévisions générales pour les prix du pétrole en 2025. La banque estime désormais que « les risques d’approvisionnement auxquels le marché est confronté en raison des sanctions signifient que le plancher pour les prix du pétrole est probablement un peu plus élevé que ce que nous avions prévu au début de cette année ».
Selon une enquête du Wall Street Journal intégrant les projections de Goldman Sachs, JPMorgan et Morgan Stanley, le Brent devrait en moyenne s’établir à 73,01 dollars le baril en 2025, tandis que le WTI atteindrait 68,96 dollars. Ces estimations sont plus élevées que les prévisions initiales, mais demeurent en dessous du seuil de 80 dollars.
Goldman Sachs, pour sa part, juge que la volonté de l’administration Trump de favoriser l’indépendance énergétique des États-Unis pourrait, à terme, contenir la hausse des prix. Néanmoins, ses analystes estiment que « les risques liés à la politique américaine renforcent notre opinion selon laquelle les risques pour notre fourchette de 70 à 85 dollars pour le Brent sont biaisés à la hausse à court terme, mais à la baisse à moyen terme en raison de la capacité de réserve élevée et parce que les tarifs douaniers généraux pourraient nuire à la demande ».
La banque anticipe également que les décideurs politiques feront en sorte d’éviter que le Brent ne dépasse 85 dollars, car ce niveau pourrait porter le prix de l’essence aux États-Unis au-dessus de 3,50 dollars le gallon, un seuil politiquement sensible. Toutefois, si le pétrole canadien ou mexicain se renchérit à cause des tarifs, « les raffineurs seront contraints de chercher ailleurs », risquant de resserrer à nouveau le marché et de faire grimper le prix des carburants.
Prévisions des prix à court terme
Le sondage du Wall Street Journal apporte également des estimations sur la trajectoire des cours en 2025 :
- Premier trimestre : 75,33 dollars pour le Brent et 71,22 dollars pour le WTI.
- Deuxième trimestre : 74,02 dollars pour le Brent et 70 dollars pour le WTI.
- Troisième trimestre : 73,10 dollars pour le Brent et 68,91 dollars pour le WTI.
Selon Goldman Sachs, cette tendance s’inscrit dans un scénario où l’offre reste globalement maîtrisée grâce aux efforts de l’OPEP+ et à la politique américaine visant à éviter un envol des prix, tandis que les menaces de guerre commerciale pourraient peser sur la demande.
Pris en étau entre la hausse possible de l’offre (OPEP+, États-Unis) et les tensions commerciales qui menacent la demande, les marchés pétroliers naviguent en eaux troubles. Les sanctions américaines à l’encontre de l’Iran, conjuguées aux représailles de la Chine contre les importations de brut américain, alimentent la volatilité des cours.
Pour l’instant, la plupart des analystes s’attendent à ce que le baril oscille entre 70 et 85 dollars, tout en soulignant que le moindre durcissement des sanctions ou l’aggravation des guerres commerciales pourraient, à court terme, faire de nouveau flamber les prix.