Malik Hadj-Hamou, est P-DG de l’entreprise Afric-Câbles, spécialisée dans la pièce de rechange d’automobile, principalement tout ce qui a trait aux câbles de commande à distance, évoque dans cet entretien plusieurs aspects qui touchent la filière en Algérie.
Algerie-Eco: Depuis la création de l’entreprise d’Afric-Câbles à ce jour, quel bilan dressez-vous aujourd’hui ?
Malik Hadj-Hamou : Depuis la création de l’entreprise en 1988, elle est la principale société dans l’industrie des câbles de commande à distance en Algérie (câbles de frein, d’embrayage, d’accélérateur et tirettes). Au départ, il n’y avait pas beaucoup de sociétés algériennes qui fabriquent la pièce de rechange localement, la demande nationale a été importante pour l’entreprise.
A partir de la décennie noire et avec les problèmes de la sécurité, pratiquement tous les industriels algériens ont arrêté leurs usines ainsi que d’autres ont diminué énormément leurs activités, nous faisons partie de la deuxième catégorie. Après les années 90 il y avait l’ouverture du marché local à l’importation, malheureusement, cette ouverture s’est faite dans des conditions mal calculées, le produit local a été carrément écarté du protectionnisme de l’état.
L’entreprise qui est dirigée par les frères Malik et Billel Hadj-Hamou, n’a pas baissé les bras face à cette situation, nous avons investi pour changer nos équipements pour introduire de nouvelles technologies et ainsi développer la gamme de nos produits. Actuellement, il existe 400 modèles de câbles fabriqués par l’usine.
Nous avons fait une opération d’exportation en 2015 vers la Tunisie, mais malheureusement les dispositions de l’export qui ne sont pas favorables, nous ont obligé à arrêter l’export pour le moment.
Quelle est la position du marché algérien par rapport aux marchés voisins ?
Le climat des affaires tunisien et marocain sont nettement mieux que le nôtre, sachant que le marché algérien est l’un des plus importants en Afrique. Malheureusement ce n’est pas les entreprises algériennes qui profitent de ces transactions. Tous les gouvernements qui sont passés n’ont pas pris en considération ce déséquilibre.
Le Maroc a lancé des usines de fabrication pas seulement l’assemblage de véhicules, ils ont un tissu industriel important, mais les entreprises étrangères sont propriétaires de leurs sociétés à 100%, pas comme l’Algérie qui a instauré la règle 51/49% qui concerne la souveraineté de l’état, il fallait que le gouvernement négocie plus car il propose des marchés importants.
La Tunisie n’a pas des usines d’assemblage mais ils ont des sous-traitants importants dans le domaine d’automobile, ils ont créé des décisions propres à eux, sachant qu’ils n’ont pas les moyens énergétiques comme l’Algérie.
Quels sont les principaux obstacles auxquels fait face l’industrie de pièces de rechanges locale ?
Dès l’ouverture du marché à l’importation, 99% de la pièce de rechange en Algérie a été importée. Au départ, il y avait une importation de bonne qualité principalement venue de l’Europe, mais au fil du temps et avec la concurrence entre les importateurs algériens, il y a eu la filière asiatique qui est apparue.
À partir de là, la qualité a baissé ainsi que les prix, donc la réputation du marché algérien a pris une mauvaise tournure. Plusieurs analystes économiques disent que les pays qui exportent vers l’Algérie, nous envoient le deuxième, voire le troisième choix.
Le climat des affaires en Algérie n’est pas favorable pour les investisseurs locaux, car il existe plusieurs obstacles. Tous les ministres de l’industrie, du commerce et des finances qui sont passés aux différents gouvernements depuis les années 90, n’ont pas réussi à trouver des solutions définitives pour régler les problèmes des industriels algériens.
Parmi ces obstacles, il y a le problème du foncier, il est clair que ce n’est pas facile d’avoir un terrain au dinar symbolique. Il n’y a pas de fluidité pour avoir un crédit bancaire vue les conditions difficiles. Les lois adoptées pour encourager le climat des affaires sont sur le papier mais au niveau concret, c’est totalement différent, si un opérateur veut investir en Algérie, il va rencontrer des difficultés, on veut que le gouvernement quand il prend une décision ou une loi doit l’appliquer sur le terrain.
Une autre question à résoudre, c’est le taux d’intégration dans le cahier des charges qui est totalement flou, par exemple lorsqu’il est mentionné un taux d’intégration de 15%, c’est-à-dire que 15% du coût du véhicule soit payé en dinars ( les salaires, transport, électricité…..) tout ça se chiffre mensuellement et se fait payer localement, donc le constructeur les compte dans ce taux. Par contre l’intégration doit concerner uniquement les pièces de rechange et les accessoires qui seront achetés localement.
L’Algérie a connu une naissance de l’industrie automobile, qu’est-ce que va apporter au secteur de la pièce de rechange dans le pays ?
Suite à la décision gouvernementale qui oblige les concessionnaires d’automobiles à faire des usines d’assemblage ou de fabrication dans le pays, ces opérateurs ont commencé à courir pour investir dans le domaine. Mais malheureusement le cahier des charges ignore les intérêts des sous-traitants algériens.
Les concessionnaires ont commencé à faire l’assemblage mais toute est importé. Je signale qu’on a rapproché de Renault pour avoir une collaboration afin de fournir l’usine de nos produits, mais les conditions imposées font que c’est très difficile d’être leur fournisseur. Parmi ces conditions, l’opérateur doit être un fournisseur dans le monde de la marque, ainsi qu’il doit avoir des certifications internationales et d’autres personnalisées par Renault.
A partir de là, l’entreprise a été auditée par des experts de Renault, donc nos produits techniquement sont valables, mais l’entreprise française a fait seulement de l’homologation du produit. On nous a conseillé de trouver un partenaire étranger. Maintenant avec le nouveau gouvernement, on sent une réel dynamique de rompre avec l’ancienne politique imposée par l’ex-ministre de l’industrie qui a fait avantager beaucoup plus les entreprises étrangères au détriment des entreprises algériennes.
Avec le nouveau cahier des charges qui sortira incessamment ; j’espère que l’état défendra les intérêts des entreprises algériennes privées ou nationales.
Quelles sont vos propositions pour soutenir et encourager la production nationale des pièces de rechanges d’automobile ?
L’état peut mettre en place des conditions favorables et intégrer des sous-traitants locaux, il faut que les constructeurs présents en Algérie ou en partenariat avec des entreprises algériennes travaille avec les sous-traitants locaux. Le pays est dans une position de force de négociation car il est le deuxième dans l’automobile après l’Afrique du sud dans le continent.
Il y a des associations professionnelles qui essayent à fait entendre la voix de ces opérateurs locaux du domaine, si le gouvernement prend en considération les propositions, on pourra développer l’économie algérienne et facilité le climat des affaires.