Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s’est exprimé, samedi soir, lors d’une entrevue avec des médias algériens, sur sa visite en France, annoncée à plusieurs reprises puis reportée.
« Je n’irai pas à Canossa« , a répondu le président Tebboune en réponses aux journalistes qui l’ont interrogé sur le maintien ou l’annulation de la visite en France, notamment après le retrait de l’ambassadeur de l’Algérie à Paris fin juillet dernier, à la suite du soutien de la France au plan marocain pour le Sahara occidental occupé. Pour rappel, la dernière programmation de la visite du président Tebboune en France était pour fin septembre début octobre en cours.
En réponse à une question concernant le travail de la commission mixte chargée des dossiers liés à la mémoire, qui comprend des historiens algériens et français, le chef de l’Etat a déclaré qu’elle « a joué son rôle au début, mais les déclarations politiques faites par une minorité française nourrissant de la haine envers l’Algérie ont affecté son travail ».
Il a poursuivi en disant : « Nous voulons la vérité historique et nous demandons la reconnaissance des massacres commis par le colonialisme français », ajoutant dans le même contexte : « Nous n’accepterons pas les mensonges qui sont tissés autour de l’Algérie ».
« L’Algérie a été choisie pour le vrai grand remplacement, qui est de chasser la population locale pour ramener la population européenne et combattre l’islam pour christianiser l’Algérie et en faire une terre européenne… On ne peut effacer l’histoire», lance-t-il, rappelant que «l’Algérie était un Etat avant l’invasion française en 1830 », a-t-il indiqué.
Et d’ajouter : « La résistance a duré 70 ans, avec des millions de morts. Des tribus et des villages ont été rasés. Il y a eu un génocide. On demande la vérité historique. Nous demandons une reconnaissance des crimes coloniaux. J’ai convenu avec le président Macron de refonder les relations. L’Algérie n’était pas un protectorat. Il ne faut pas falsifier l’histoire ».
Le président Tebboune a également indiqué qu’il avait parlé avec son homologue français, Emmanuel Macron, de « l’ouverture d’une nouvelle page », rappelant que « la célèbre citation du défunt président Houari Boumédiène : +Nous tournons la page mais ne la déchirons pas+ reste valable ».
L’accord de 1968
Le chef de l’Etat a été également questionné sur l’accord de 1968 que la France veut reviser ou annuler. « Cet accord de 1968 est un épouvantail », a répondu le président Tebboune. « L’accord de 1968 est venu pour restreindre les Accords d’Evian qui ont institué la libre circulation des personnes entre les deux pays. Les Européens sont partis, la France a exprimé ensuite son désir de stopper le flux migratoire, nous avons dit d’accord. Il y a eu une révision en 1985, puis en 1995 et en 2001. Son contenu a été vidé. Il est devenu un slogan politique qui est fait pour réunir leurs extrêmes », a-t-il déclaré.
« C’est une coquille vide. C’est un slogan politique qui est fait pour réunir leurs extrêmes. C’est l’étendard derrière lequel marche l’armée des extrêmistes », a-t-il déclaré. « Ils sont en train de raconter des histoires au peuple français. Les accords de 1968 n’influent en rien ni sur la qualité de l’immigration ni sur la sécurité de la France. Je suis affirmatif. Et 65% des français n’ont rien à avoir avec ça. C’est une minorité haineuse qui cultive la haine et qui veut salir l’Algérie, mais il n’arriveront pas », a-t-il ajouté.
« Cette minorité raciste oublie une chose, c’est 60% de la communauté nationale en France ont la double nationalité », a-t-il dit, dénonçant « les mensonges fabriqués pour semer la haine dans les cœurs des autres Français envers l’Algérie ». Il a également rappelé que l’Algérie « recherche toujours la coexistence pacifique avec tous, mais pas au prix de sa dignité et de son histoire ».
Pour le président Tebboune « les choses sérieuses » sont que les français viennent nettoyer les sites où ils ont effectué des essais nucléaires dans le sud algérien où des gens meurent encore à cause de ses essais.
« Si vous voulez aborder les sujets sérieux, venez nettoyer les sites où vous avez effectué des expériences nucléaires. Il y a encore des gens qui meurent et d’autres sont impactés. Vous êtes devenus une puissance nucléaire et nous, nous avons eu les maladies. Venez nettoyer Oued Namous, où vous avez développé vos armes chimiques. Jusqu’à présent nos moutons, nos chameaux meurent après avoir mangé de l’herbe contaminée. C’est cela la vraie question. Elle ne réside pas dans un faux débat sur l’accord de 1968 », a-t-il dit, soulignant qu’il n’y a pas de nouveau concernant le dossier des essais nucléaires français en Algérie.
Sahara occidental
D’autre part, le président Tebboune a souligné que la reconnaissance par la France de ce qu’on appelle « le plan d’autonomie » comme base unique pour résoudre le conflit du Sahara occidental dans le cadre de « la souveraineté marocaine supposée » va à l’encontre du respect du droit international et du Conseil de sécurité des Nations unies dont la France est l’un des membres permanents.
À cet égard, il a estimé que « l’annonce publique de l’approbation de +l’autonomie+ alors que la question du Sahara occidental est encore devant le Comité de décolonisation du Conseil de sécurité, dont la France est un membre, reflète une politique de deux poids deux mesures ».
Le président Tebboune a déclaré que le soutien de la France au Makhzen pour s’emparer du Sahara occidental « n’est pas nouveau, et même l’idée du soi-disant +plan d’autonomie+ est française et pas marocaine ».
Il a, par ailleurs, fait observer que la décision du retrait de l’ambassadeur d’Algérie à Paris n’a aucune relation avec la visite qui était programmée en France, réaffirmant que l’Algérie « n’ira pas à Canossa ».