La saison touristique a encore apporté son lot de bonnes nouvelles en termes d’emploi en Espagne, où le chômage a retrouvé au deuxième trimestre son niveau de début 2009 à 17,2%, même si précarité et bas salaires restent de mise.
« A la fin de l’année, nous serons en-dessous de 17% », avait promis dès dimanche le ministre de l’Economie Luis de Guindos, dont le gouvernement conservateur répète régulièrement être en mesure de créer un demi-million de postes de travail cette année dans la quatrième économie de la zone euro.
La franche baisse par rapport au premier trimestre, où le taux de chômage était de 18,7%, s’explique principalement par la reprise des embauches dans le tourisme à la faveur du printemps, un schéma qui se répète chaque année en Espagne.
Le phénomène est accentué par une fréquentation touristique qui bat des records depuis quatre ans (75 millions de touristes en 2016), et a profité récemment du report sur l’Espagne de touristes fuyant les attentats en Turquie et en Egypte, ainsi que dans les grandes capitales européennes comme Londres et Paris.
Même si la baisse du chômage a généralement tendance à ralentir durant l’hiver, le recul est très clair depuis le pic de près de 27% atteint début 2013. Fin juin, l’Espagne comptait 3,9 millions de chômeurs contre 4,25 millions fin mars.
Mais les emplois créés sont principalement saisonniers: le nombre de contrats temporaires signés pendant le trimestre est presque trois fois supérieur au nombre de contrats à durée indéterminée, selon les chiffres publiés jeudi par l’Institut national de la statistique (INE).
Au total, 26,8% des contrats de travail en Espagne sont temporaires, un chiffre en hausse alors que le pays détenait déjà en 2016 le record de la zone euro dans ce domaine.
« Pourquoi les contrats temporaires sont-ils attractifs? Parce que les indemnités de licenciement sont toujours supérieures pour les contrats permanents », a rappelé récemment la chef de la mission du Fonds monétaire international (FMI) pour l’Espagne, appelant le pays à lutter contre ce problème.
La Banque d’Espagne a aussi récemment souligné le problème de l’augmentation de l’emploi à temps partiel subi, qui semble selon elle en passe de devenir chronique.
Autre point noir: le niveau des salaires.
« Dans ce pays, le PIB croît au-dessus des 3% tandis que les salaires des contrats signés au 1er trimestre n’ont augmenté que de 1,27%, rendant la distribution de la richesse toujours plus inégalitaire », a dénoncé mercredi le secrétaire général du syndicat CCOO, Unai Sordo.
« Pour le moment, la reprise se voit dans les statistiques alors que de nombreuses personnes vivent toujours dans la précarité », ajoute-t-il dans un communiqué.
Le salaire horaire moyen en Espagne est de 9,8 euros (14,8 en France), ce qui place le pays au 16e rang en Europe, selon Eurostat.
Concrètement, « un salarié espagnol moyen doit travailler 19 mois pour gagner le même revenu qu’un salarié allemand en un an », calcule Adecco. « Il va falloir que se produise une normalisation » sur ce point, a reconnu M. De Guindos.
Mais la marge de manœuvre est serrée pour « maintenir la compétitivité de l’économie », qui a permis de faire grimper en flèche les exportations ces dernières années, a averti le FMI.
Le salaire minimum a bien été augmenté de 8% en début d’année à 825 euros mensuels sur douze mois. Mais 22% de la population espagnole se trouve « en risque de pauvreté », rappelait récemment l’INE.
Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans reste l’un des plus élevés en Europe, même s’il recule à 39,5% ce trimestre.
Pour la Commission européenne et le FMI, l’Espagne doit de toute urgence améliorer son système éducatif pour mieux préparer les étudiants aux besoins des employeurs.
Les deux institutions se montrent aussi très critiques sur les très nombreux programmes d’aide au retour à l’emploi, coûteux et peu efficaces, alors que 54% des chômeurs le sont depuis plus d’un an, soit 2,1 millions de personnes.
Afp