Avec 30 % des réserves mondiales de minéraux critiques, l’Afrique reste encore à la traine en matière de transformation de ces minéraux. Pour changer la donne, la stratégie de certains pays du continent passe par l’interdiction d’exporter le lithium, le graphite ou encore le cobalt à l’état brut.
Selon un rapport de Tralac publié en juin 2024, l’Afrique a attiré 2,8 % des investissements directs étrangers (IDE) alloués dans le monde à la transformation des minéraux critiques sur la période 2019-2023. Cela représente une somme de 1,83 milliard de dollars.
Cette part est relativement faible par rapport au potentiel minier du continent qui héberge 30 % des réserves mondiales de minéraux critiques, comme le cuivre, le lithium et le cobalt. Sur la même période (2019-2023), l’Afrique a d’ailleurs attiré 35,6 % des IDE mondiaux destinés à l’extraction des minéraux critiques.
Intitulé « Are Critical Minerals Export Bans an Effective Tool for Achieving Diversification in Africa? », le document examine dans quelle mesure attirer davantage d’investissements dans la transformation locale. Un nombre croissant de pays africains a recours à l’interdiction d’exportation des minéraux critiques non transformés. En décembre 2022, le Zimbabwe a annoncé l’interdiction d’exporter le lithium non transformé avant d’être rejoint en juin 2023 par la Namibie, qui a inclus le lithium, le manganèse, le cobalt ou encore le graphite dans sa liste des minéraux frappés d’interdiction d’exportation à l’état brut. Le Ghana a aussi interdit en 2023 l’exportation du minerai de lithium, alors qu’il se prépare à ouvrir sa première mine.
« Le raisonnement économique est le suivant : en interdisant les exportations et en augmentant l’offre de minerais bruts sur le marché intérieur, le prix local des minerais diminuera. Cela réduit les revenus du secteur minier, mais augmente la compétitivité de la transformation nationale par rapport à l’exportation des minéraux et à leur transformation à l’étranger », avance le rapport, pour expliquer ces mesures d’interdiction.
Des contraintes à surmonter
Il est difficile d’évaluer l’efficacité des mesures adoptées par le Zimbabwe, la Namibie et le Ghana, en raison du temps relativement court qui s’est écoulé depuis les annonces. Tralac s’est néanmoins appuyé sur les expériences similaires d’autres pays africains dans le passé, pour estimer les résultats de ces nouvelles initiatives.
À en croire le rapport, l’impact a été insignifiant par le passé au Zimbabwe, en Zambie et au Gabon, des pays qui ont adopté des interdictions d’exportations respectivement pour le chrome, le cuivre et le manganèse. Pour la Zambie, le document rapporte même un impact négatif sur le secteur de l’extraction, couplé à l’inefficacité de la mesure sur le secteur de la transformation. Pour les auteurs, le succès limité de ces initiatives s’explique par l’absence de capacités industrielles existantes avant la mise en œuvre des mesures d’interdiction.
Parmi les autres défis existants, le document mentionne l’insuffisance de l’énergie, d’eau et de main-d’œuvre. Enfin, les pays africains ne disposent pas individuellement d’une position stratégique pour peser sur le marché mondial grâce à leurs mesures d’interdiction. Lorsque l’Indonésie a pris une décision similaire en 2014 pour le nickel, le pays était par exemple le principal exportateur mondial de cette ressource et a pu facilement attirer des investissements dans la construction de nouvelles fonderies, favorisant la création de milliers d’emplois.
Nécessaire collaboration régionale
Si l’Indonésie a réussi son pari avec le nickel, il faut souligner que la même expérience tentée avec la bauxite n’a pas donné les résultats escomptés. Bien que la décision d’interdire les exportations de bauxite non transformée ait été prise à un moment où l’Indonésie était deuxième producteur mondial de bauxite, le marché était bien approvisionné par d’autres pays, qui ont donc rapidement comblé le vide laissé.
Pour rendre efficaces les mesures d’interdiction, la collaboration régionale est l’une des options que doivent explorer les pays africains. Ce partenariat consisterait à regrouper les ressources minérales de plusieurs pays africains pour influencer l’offre mondiale et les prix, tout en donnant à ces pays un pouvoir de négociation plus important.
Une telle politique doit s’accompagner d’une collaboration dans le développement d’infrastructures de transport, essentielles pour attirer les investissements dans les industries de transformation, notamment pour les pays sans accès direct aux ports. Enfin, le recours aux énergies renouvelables, compte tenu de l’énorme potentiel africain en la matière, reste une option à envisager pour réduire le déficit énergétique et développer les activités de transformation.