L’Iran a élu un nouveau président, le réformiste Massoud Pezeshkian, plaidant pour un pays plus ouvert envers l’Occident, face à l’ultraconservateur Saïd Jalili, pour succéder à Ebrahim Raïssi décédé dans un accident hélicoptère en mai.
Le chirurgien de profession, âgé de 69 ans, a recueilli plus de 16 millions des voix (53,6%) sur 30 millions des votes, selon les autorités électorales. Il a bénéficié du soutien de la principale coalition réformiste en Iran ainsi que de nombreux Iraniens qui craignaient le contrôle absolu des ultraconservateurs sur le pays.
Qu’a promis Pezeshkian?
Le candidat réformiste a appelé à des « relations constructives » avec Washington et les pays européens afin de « sortir l’Iran de son isolement ».
Il s’est engagé à tenter de relancer l’accord sur le nucléaire conclu en 2015 entre l’Iran et des puissances mondiales, dont les Etats-Unis, qui imposait des restrictions à l’activité nucléaire iranienne en échange d’un allègement des sanctions. Les négociations sur le nucléaire sont actuellement dans l’impasse après le retrait unilatéral des Etats-Unis en 2018.
Sur le plan interne, il a promis d’enlever les restrictions imposées à internet et s’est engagé à « s’opposer pleinement » aux patrouilles de la police des moeurs chargée d’appliquer l’obligation du port du voile par les femmes. M. Pezeshkian a plaidé en outre pour davantage de représentation des femmes, ainsi que des minorités religieuses et ethniques notamment les kurdes et les baloutches, dans le gouvernement.
Il a promis de réduire le taux d’inflation, actuellement autour de 40%. Lors d’un débat télévisé avec son rival Jalili, Pezeshkian a estimé que l’Iran avait besoin de 200 milliards de dollars d’investissements étrangers, qui, selon lui, ne pourraient être obtenus qu’en rétablissant les liens avec le monde.
Quels sont les véritables pouvoirs du président en Iran?
Le président en Iran a des prérogatives limités. Il est chargé d’appliquer, à la tête du gouvernement, les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, qui est le chef de l’Etat depuis 35 ans.
En tant que président, Pezeshkian occupera le deuxième poste le plus important de la République islamique, et il exercera une influence sur la politique intérieure et étrangère. Il détermine des politiques financières du pays en proposant le projet de loi budgétaire et la nomination du chef de la banque centrale et du ministre de l’Economie.
Il aura cependant un pouvoir limité sur la police iranienne, et pratiquement aucun pouvoir sur l’armée et le Corps des Gardiens de la révolution islamique, l’armée idéologique de l’Iran. Les forces militaires iraniennes répondent directement au guide suprême.
Quelles sont les attentes des gens?
Les Iraniens ont des sentiments mitigés face à la victoire de Pezeshkian, certains exprimant leur joie tandis que d’autres semblent sceptiques.
« Nous sommes très heureux que M. Pezeshkian ait gagné. Nous avons besoin d’un président lettré pour résoudre les problèmes économiques », a déclaré Abolfazl, un architecte de 40 ans. Rashed, un coiffeur, 40 ans, a estimé que la victoire de Pezeshkian « n’a pas d’importance » puisque « de toute façon, la situation ne fera qu’empirer ».
L’analyste politique et journaliste, Maziar Khosravi, a expliqué que le président élu « n’a pas promis de résoudre immédiatement les problèmes » en Iran. Selon lui, les gens ont voté pour lui car « ils ont réalisé que son approche consistait à interagir avec le monde », ce qui était « complètement différent de celui du gouvernement actuel. »
D’après le commentateur politique Mossadegh Mossadeghpoor, des partisans de Pezeshkian espèrent qu' »il pourra apporter de bons changements et résoudre certains problèmes du pays », en particulier l’économie.
Que peut apporter Pezeshkian?
Les experts affirment que Pezeshkian sera confronté à de sérieux défis dans un pays où la quasi-totalité des institutions étatiques sont contrôlés par les conservateurs. L’une de ces institutions est le Parlement, dominé par les conservateurs et les ultraconservateurs, selon Mossadeghpoor.
« Traiter de la question du hijab ou de toute autre question idéologique n’est pas du ressort du président », a ajouté Mossadeghpoor, soulignant qu’il s’agit d’une « question relevant de la loi musulmane ».
Ali Vaez, de l’International Crisis Group, affirme que Pezeshkian sera confronté à « une bataille difficile » afin de garantir « les droits sociaux et culturels dans son pays et l’engagement diplomatique à l’étranger ».
Concernant l’accord nucléaire, Mossadeghpoor note que Pezeshkian pourrait être en mesure de « le résoudre si telle est la volonté du système ». « Personne ne devrait s’attendre à ce que l’approche de l’Iran en matière de politique étrangère change fondamentalement », a déclaré Khosravi.
Le scrutin en Iran était suivi avec attention à l’étranger alors que l’Iran, est au coeur de plusieurs crises géopolitiques, de la guerre à Gaza au dossier nucléaire, dans lesquelles il s’oppose aux Occidentaux.
AFP