L’interdiction d’importer par les canaux légaux infligée à une liste de plus en plus longue de produits industriels et agroalimentaires, a ouvert la voie aux « passeurs de valises » et autres importateurs individuels de véhicules destinés au marché parallèle. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce dernier a de nouveau le vent en poupe avec, à la clé, l’approvisionnent du marché à des prix malheureusement très élevés.
Les porteurs de valises pleines à craquer sont en effet de retour comme on a pu le constater sur des vols en provenance de la France, de la Turquie et même, de l’Arabie Saoudite où avaient séjourné de nombreux pèlerins de retour de la « Omra ».
Un très large éventail de produits allant de l’habillement aux cosmétiques en passant par les produits agroalimentaires de luxe, les médicaments, les téléphones mobiles et autres pièces de rechange de diverses natures, rempliraient les valises de plus en plus nombreuses et volumineuses de ces passeurs qui usent de divers stratagèmes pour payer le « fret » de leurs marchandises au moindre coût.
Le trafic aux frontières terrestres et maritimes seraient, indiquent de nombreux articles de presse, encore plus intenses malgré l’étroite surveillance engagée, notamment par l’armée aux frontières ouest, sud et sud-est, à la faveur de la lutte anti-terroriste.
Les agents des douanes, à qui ce regain d’importation au moyen de la valise ne doit certainement pas échapper, adoptent une attitude passive, voire même conciliante, à l’égard des passeurs, comme nous avons pu le constater tout récemment à l’Aéroport Houari Boumediene, à la sortie des pèlerins lourdement chargés de marchandises n’ayant visiblement aucune relation avec ce voyage à caractère religieux.
Les vols en provenance de Turquie de l’extrême orient et de certains pays du Golfe, auraient également renoué avec ces pratiques qui avaient perdu de leur intensité durant les années d’opulence, à l’occasion desquelles l’Etat et les entreprises pouvaient importer sans compter dans les limites de la législation en vigueur qui garantissait un minimum de transparence.
Les importateurs inscrits au registre commerce utilisaient à titre d’exemple les canaux bancaires pour profiter autant que possible du taux de change légal nettement plus favorable que celui du marché parallèle. Ils étaient également soumis à divers contrôles, notamment sur la qualité, qui permettait de garantir un minimum de fiabilité. Ce qui n’est évidemment pas le cas avec les passeurs de valises qui peuvent introduire à volonté des produits qui ne répondent pas aux normes de santé et de sécurité.
En cas de faits graves la traçabilité des produits ne peut, de surcroît, pas être assurée d’où l’acuité du problème lorsque le volume des marchandises importées par ce canal sera, comme on peut le redouter, très important et varié. Une situation qui nous rappelle à bien des égards celle de la fin des années 80, période durant laquelle une crise financière de même nature avait mis fin à l’Etat providence, au profit des « trabendistes » et autres vautours du commerce extérieur, qui avaient en grande partie généré, par les dysfonctionnements économiques et sociaux qu’ils avaient produit, le soulèvement populaire d’octobre 1988.
La situation n’est évident pas tout à fait la même aujourd’hui, puisque contrairement aux années 80, l’Etat ne détient pas le monopole du commerce extérieur, les opérateurs privés étant depuis une vingtaine d’années très nombreux à investir le créneau juteux des importations. Le problème pourrait toutefois se compliquer si la crise financière venait à contraindre l’Etat à ne plus financer les importations au moyen de ses recettes budgétaires. Les importateurs seraient alors contraints de s’adresser au marché parallèle de la devise avec la crainte de provoquer une flambée des cours.
Le processus semble en tous cas engagé, puisque le taux de change a enregistré une forte hausse depuis la publication de listes de produits contingentés ou, carrément interdits à l’importation, qui a sans doute contraint de nombreuses sociétés de négoce, à s’adresser au marché parallèle de la devise. De 180 dinars pour un euro au début de l’année en cours, il avoisine aujourd’hui 200 dinars qu’il atteindra sans doute d’ici peu.
La crainte est d’autant plus grande, que comme dans les sinistres années de monopole sur le commerce extérieur, les citoyens très mal servis en matière d’acquisition de voitures neuves, seraient tentés de les acheter, comme la loi les y autorise, directement à l’étranger avec leurs propres devises. Des devises qu’ils iront chercher sur les place informelles avec le risque bien réel d’enclencher un interminable cycle de hausse des cours des devises fortes.
Uniquement pour le premier semestre de l’année 2017, les services des Douanes ont en effet évalué à environ 530 millions de dollars le volume de véhicules importés par des citoyens algériens. L’État n’ayant, à ce jour, pas encore attribué aux concessionnaires automobiles les quotas d’importations autorisés, il n’est pas du tout exclu que ces achats directs dépassent allégrement les 1,5 milliards de dollars à la fin de l’année, en dépit des livraisons locales assurées par Renault Algérie et deux autres unités de montages privées, qui ont promis d’approvisionner le marché algérien au rythme de 20.000 unités chacune, dans un très proche avenir.