La flambée des prix des logements n’est pas due, comme on serait tenté de le croire, à une hausse des coûts de la construction, même si elle y participe quelque peu, mais aux dysfonctionnements du marché immobilier exacerbés par une insuffisance chronique de l’offre, notamment, dans les grandes villes côtières où la majeure partie de la population algérienne a élu domicile.
La concentration de la production d’habitat entre les mains de l’Etat, tend à pérenniser la tension qui a toujours caractérisé ce marché, en ce sens que les logements construits par les pouvoirs publics ne sont pas automatiquement versés au marché immobilier mais seulement affectés à titre de locataires ou de locataires-acheteurs, à des ménages auxquels il est fait interdiction de sous louer ou de revendre les logements dont ils ont bénéficiés, à des tiers.
Toute la production publique de logements, et c’est de loin la plus importante en Algérie, est ainsi soustraite au marché immobilier qui tarde de ce fait à émerger autrement que dans la clandestinité. Le marché immobilier algérien n’est effectivement alimenté en logements neufs que par une cinquantaine de promoteurs publics (les OPGI en grande partie), environ un millier de promoteurs privés sans grande envergure et, bien entendu, les auto-constructeurs, qui ne livrent au bout du compte qu’une centaine de milliers de logements par an.
Une goutte d’eau dans la mer. Il est vrai que périodiquement l’Etat procède à la vente d’une partie de ses logements (cessions des biens immobiliers généralement générés par les OPGI), mais ces vagues de cessions périodiques n’ont pu produire qu’un léger frémissement sur le marché immobilier qui, comme on le sait, continue à être alimenté par les offres informelles de ménages qui ont pris le risque de vendre ou sous louer des logements que l’Etat avait mis à leur disposition sous réserve d’une longue période d’incessibilité clairement inscrite dans leurs contrats.
Les annonces immobilières publiées dans les journaux et certains sites électroniques (cas d’OuedKnis.com) prolifèrent en effet d’offres de vente ou de location de logements (y compris les programmes AADL) pourtant frappés d’une incessibilité de dix années qui n’échappe à personne. Le phénomène s’étant massifié il ne faut, évidemment pas, compter sur la puissance publique pour remettre de l’ordre dans ce marché de dupes, tant le risque de dérapage en conflit social, est grand.
Cette tendance de l’Etat à promouvoir par ses seuls moyen l’écrasante majorité des programmes d’habitat alors qu’il pourrait en confier une partie significative à des promoteurs indépendants en mesure de construire des logements de divers goûts et de divers coûts au profit de citoyens qui en feraient acquisition au gré de leurs revenus, est en grande partie responsable des pratiques illicites qui tendent à se généraliser sur ce marché verrouillé de toutes parts par une multitude de lois liberticides.
Il est vrai que beaucoup trouvent leurs comptes dans le confort de cette clandestinité qui permet d’engranger des profits exorbitants. A titre d’exemple, un F3 réalisé au début années 80 par l’Etat à Bab Ezzouar à environ 1 million de dinars est aujourd’hui proposé à la vente à pas moins de 12 millions de dinars. Dans un autre quartier à peu prés similaire (Ain Naadja), un locataire d’un logement social au loyer modique de 4500 dinars serait, selon ses propres dires, parvenu à sous louer son appartement non meublé au prix de 25.000 dinars par mois.
Il aurait de surcroît encaissé cash une avance d’une année de loyer, dont pas un centime de taxe n’est certainement parvenu au trésor public. Chacun de nous, connaît par ailleurs au moins une personne qui, faisant valoir ses accointances avec un maire, un wali ou un directeur d’OPGI, a obtenu un logement ou un terrain (si ce n’est les deux à la fois) qui ont fait subitement de lui un multi milliardaire. Vendre un terrain et un logement acquis aux tarifs modiques de l’Etat, peut en effet rapporter au revendeur indélicat plusieurs milliards de centimes, aux prix du marché informel.
Notre conviction est que le marché immobilier algérien persistera longtemps encore dans ce type de dysfonctionnements, tant que les pouvoirs publics concernés ne favoriseront pas l’émergence de promoteurs immobiliers privés qui, au gré de la demande solvable, réaliseront quasi naturellement des logements de différents standards ciblant diverses catégories d’acquéreurs. Parce qu’ils maîtrisent mieux que l’Etat ces divers segments de la demande d’habitat, eux seuls pourraient en effet être en mesure de créer ce large marché immobilier auquel les algériens, dans leurs diversités de revenus et de statuts sociaux, aspirent.
Ce type de promotion immobilière qui connaît un certain essor depuis ces dix dernières années pourrait se développer encore davantage, tant les profits substantiels qu’elle génère est de nature à susciter l’intérêt de nombreux investisseurs. On sait que la législation algérienne leur est largement favorable mais, comme bon nombre de nos textes de loi, c’est au niveau de l’application que les problèmes se posent. L’absence ou l’extrême cherté des terrains, la tiédeur des banques quand il s’agit d’accompagner financièrement les promoteurs et la lourdeur des prélèvements obligatoires constituent autant d’obstacles à lever pour que ce type de promoteurs puissent émerger en nombre et en qualité.