Le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, a annoncé lundi la formation en mer Rouge d’une coalition de dix pays afin de faire face aux attaques répétées contre les navires commerciaux par les rebelles Houthis du Yémen ciblant des navires considérés comme « liés à Israël ». La Mer Rouge est une route commerciale cruciale pour le commerce mondial.
Outre les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, Bahreïn, le Canada, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège, l’Espagne, et les Seychelles doivent prendre part à cette coalition. « L’escalade récente des attaques irresponsables des Houthis en provenance du Yémen menace la libre circulation commerciale, met en danger la vie de marins innocents et viole le droit international », a-t-il déclaré. « C’est pourquoi aujourd’hui, j’annonce l’établissement de l’opération Prosperity Guardian », a ajouté le chef du Pentagone.
Cette annonce fait suite à plusieurs attaques contre des navires en mer Rouge, que les rebelles yéménites considèrent comme « liés à Israël ». « Les forces armées yéménites ont mené une opération militaire contre deux navires liés à l’entité sioniste à l’aide d’hydravions », ont assuré les houthis dans un communiqué, identifiant les navires pris pour cible comme étant le M/T Swan Atlantic et le MSC Clara.
« Le bateau n’a aucun lien avec Israël, que ce soit du côté de son propriétaire [norvégien] comme de la gestion technique [singapourienne] ou de son chargement », a souligné le propriétaire du navire norvégien M/T Swan Atlantic, précisant qu’il se rendait de la France métropolitaine à la Réunion.
Ces dernières semaines, les rebelles yéménites, ont multiplié les attaques près du détroit stratégique de Bab al-Mandeb, qui sépare la péninsule arabique de l’Afrique, et par lequel transite 40% du commerce international. Les Houthis ont prévenu qu’ils viseraient des navires naviguant au large des côtes du pays s’ils ont des liens avec Israël, en riposte à l’agression de l’entité sioniste contre la bande de Gaza.
Plusieurs géants du transport maritime mondial, dont la major pétrolière et gazière britannique BP, avaient annoncé depuis vendredi que leurs navires éviteraient le point d’entrée ou de sortie de la mer Rouge, le détroit stratégique de Bab al-Mandeb. Le danois Maersk, l’allemand Hapag-Lloyd, le français CMA CGM et l’italo-suisse MSC avaient fait savoir ces derniers jours que leurs navires n’emprunteraient plus la mer Rouge « jusqu’à nouvel ordre », au moins jusqu’à lundi ou jusqu’à ce que le passage « soit sûr ».
La mer Rouge est une « autoroute de la mer » reliant la Méditerranée à l’océan Indien. Environ 20 000 navires transitent chaque année par le canal de Suez, porte d’entrée et de sortie des navires passant par la mer Rouge. S’ils ne transitent plus par le canal de Suez et la mer Rouge, les navires doivent contourner l’Afrique et passer par le cap de Bonne-Espérance, ce qui va considérablement allonger les trajets. Le voyage de Rotterdam à Singapour sera ainsi allongé de 40 %, passant d’à peu près 8400 milles marins (15 550 km) à 11 720 milles (21 700 km), selon le cabinet S&P Global, qui précise que plusieurs navires, notamment de Maersk et de MSC, ont déjà emprunté ce chemin dans les derniers jours.
Pour les analystes, ces attaques sont susceptibles de « perturber la principale route d’exportation du pétrole du Golfe », via le canal de Suez, ce qui « impliquerait de réacheminer le transport maritime entre l’Asie et l’Europe vers la route beaucoup plus longue au large du Cap, les prix du pétrole étant susceptibles d’augmenter proportionnellement aux coûts supplémentaires entrainés et aux perturbations de l’approvisionnement ».
Les expéditions de pétrole via le détroit de Bab al-Mandab (puis le canal de Suez ou l’oléoduc Suez-Méditerranée), représentaient environ 12% du total du pétrole acheminé par voie maritime au premier semestre 2023, et les expéditions de gaz naturel liquéfié (GNL) via ces routes à cette période constituaient environ 8% du commerce de GNL mondial, selon une note de S&P Global Commodity Insights.
Après l’annonce de la formation de cette nouvelle force de protection, le pétrole a reculé légèrement ce mardi, les investisseurs apparaissant moins inquiets que la veille sur l’évolution de la situation en mer Rouge. Vers 12H30 GMT (13H30 HEC), le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en février perdait 0,24% à 77,76 dollars. Son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en janvier, dont c’est le dernier jour de cotation, reculait de 0,29% à 72,26 dollars. Pour les mêmes raisons que le pétrole, le contrat à terme du TTF néerlandais, considéré comme la référence gazière européenne, se repliait de 3,07%, à 32,450 euros le mégawattheure (MWh).