Un rapport d’économistes publié lundi plaide pour une forte augmentation du prix de la tonne de CO2, qui devrait atteindre au moins 40 à 80 dollars en 2020, puis 50 à 100 dollars en 2030, afin de respecter l’objectif de limitation du réchauffement climatique.
« Une tarification bien conçue du carbone est un élément indispensable d’une stratégie efficiente de réduction des émissions » de gaz à effet de serre, souligne le document rédigé par une commission présidée par les économistes Joseph Stiglitz et Nicholas Stern.
Installée dans le cadre de la Coalition pour la tarification du carbone (CPLC), avec le soutien de la France et de la Banque mondiale, son objectif était d’examiner les niveaux de prix susceptibles d’induire des changements de comportements (dans l’investissement, la production ou les modes de consommation) nécessaires à la lutte contre le changement climatique, « d’une manière favorable à la croissance économique et au développement ».
L’accord de Paris, adopté en décembre 2015 par près de 200 pays, prévoit de limiter la hausse de la température par rapport à l’ère préindustrielle « bien en deçà de 2°C » et à « poursuivre les efforts pour limiter la hausse de la température à 1,5°C ».
« Nous savons que s’attaquer au problème du changement climatique peut-être fait d’une manière totalement compatible avec le maintien d’une croissante économique robuste et un fort emploi », a affirmé le Prix Nobel Joseph Stiglitz, lors d’une conférence à Berlin.
De son côté, Nicholas Stern a pointé que le revenu tiré d’une tarification du carbone « peut gonfler jusqu’à un niveau important avec le temps », créant « beaucoup d’options » d’utilisation pour les pays.
Il existe plusieurs manières de tarifer le carbone, rappelle le rapport: un prix explicite via une taxe carbone ou un marché de quotas (c’est-à-dire des droits d’émissions de CO2, que les entreprises peuvent acheter ou vendre); des prix notionnels intégrés dans des outils de financement; des incitations pour les investissements et comportements bas carbone.
Pour la commission, « les trajectoires efficientes de tarification du carbone commencent par un fort signal-prix dans l’immédiat suivi d’un engagement crédible de maintenir les prix de long terme à un niveau suffisamment élevé pour produire le changement nécessaire ». Le niveau approprié est toutefois variable selon les pays.
Elle rappelle que 87% des émissions globales ne sont pas tarifées aujourd’hui, et que les trois quarts de celles qui le sont, sont couverts par un prix du carbone inférieur à 10 dollars par tonne de CO2.
« Il faut du temps pour mettre en place des mécanismes de tarification du carbone, les pays doivent donc s’y atteler dès maintenant », plaide le rapport.
Mais quoique incontournable, cette tarification peut « ne pas suffire à induire des réductions d’émissions à la vitesse et à l’échelle requises pour l’atteindre l’objectif de l’accord de Paris », souligne-t-il.
« Une combinaison d’instruments de politique climatique sera probablement plus efficiente et attrayante que l’utilisation d’un seul instrument », estime-t-il, citant notamment l’investissement dans les transports publics ou le soutien à la production d’énergie renouvelable.
La mise en place d’une telle tarification devra aussi « tenir compte des bénéfices non liés au climat », du contexte local et de la politique économique générale. Celle-ci peut, par exemple, « augmenter efficacement les ressources fiscales » en faveur d’une croissance équitable.
Outil « utile » et « essentiel » pour lutter contre le réchauffement climatique, « le prix du carbone fait partie d’une palette d’instruments incluant des mesures pour lutter contre la pauvreté énergétique », afin de « ne laisser personne sur le bord du chemin », a souligné le nouveau ministre français de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, qui s’exprimait dans une vidéo retransmise à Berlin.
Les auteurs veulent désormais convaincre les pays de l’intérêt d’une tarification élevée du carbone, et ce malgré le positionnement du président américain Donald Trump, qui envisage de retirer les Etats-Unis de l’accord de Paris. « La communauté mondiale doit reconnaître qu’il s’agit d’un problème mondial », a affirmé l’Américain Joseph Stiglitz.
Afp