Certains se frottent les mains, d’autres froncent les sourcils: l’accord commercial conclu entre les Etats-Unis et la Chine marque un nouveau geste d’apaisement de l’administration Trump envers Pékin sans toutefois totalement convaincre les sceptiques.
Une chose est sûre: dévoilées vendredi, les premières mesures du « plan d’action de 100 jours » lancé mi-avril par Washington et Pékin témoignent d’un esprit de coopération qui tranche avec la rhétorique anti-chinoise du candidat Trump pendant sa campagne.
Arrivé à la Maison Blanche, le président américain avait déjà mis beaucoup d’eau dans son vin vis-à-vis de Pékin en renonçant à la mi-avril à désigner le pays comme un manipulateur de monnaie, une de ses promesses de campagne les plus emblématiques.
A première vue, ce premier accord commercial sino-américain semble valider cette stratégie d’apaisement et en dévoile les premiers fruits. « Nous avons fait plus de progrès en 40 jours que les précédents négociateurs commerciaux durant ce siècle », s’est rengorgé vendredi le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross.
Dans le détail, ce plan d’action –qui tient sur deux feuilles A4– prévoit notamment la levée de l’embargo imposé par Pékin sur le boeuf américain depuis 13 ans et l’ouverture progressive du marché chinois aux opérateurs américains de système de paiement. « On ne dira jamais assez combien cela va bénéficier aux éleveurs de bétail américains », a exulté dans un communiqué Craig Uden, président de l’association nationale des éleveurs de boeuf américains, assurant avoir hâte de courtiser les « 1,4 milliard de nouveaux consommateurs en Chine ».
Aussi significatives soient-elles, ces avancées ne sont toutefois pas totalement neuves. Le principe de la levée de l’embargo sur le boeuf avait ainsi été acté en septembre dernier, sous l’administration Obama.
Seule réelle nouveauté, l’accélération prévue des exportations directes de gaz naturel liquéfié (GNL) américain vers la Chine a ravi les professionnels aux Etats-Unis.
« C’est un signal fort venant des deux pays qu’il y a un véritable intérêt dans le fait d’utiliser du GNL américain en Chine », affirme à l’AFP Charlie Riedl, directeur de l’association de producteurs Center for Liquefied Natural Gas.
En contrepartie, les Chinois ont obtenu la levée des barrières américaines à l’exportation de volailles pré-cuites, une concession qui ne semble guère inquiéter le secteur aux Etats-Unis. « C’est un marché de niche, très limité, et nous ne pensons pas que cela puisse poser le moindre problème pour notre marché intérieur », affirme à l’AFP Jim Sumner, directeur de l’US Poultry and Egg export Council, un groupement de producteurs de volailles.
Au final, ces premières avancées sino-américaines « ne sont pas négatives mais ne constituent pas un pas de géant », affirme à l’AFP Douglas Paal, spécialiste de la Chine au Carnegie Endowment for International Peace. « Ce sont les étapes faciles et il reste maintenant le gros oeuvre », ajoute-t-il.
De fait, ces premières mesures ne disent rien des atteintes à la propriété intellectuelle et surtout du secteur manufacturier américain, qui souffre le plus de la concurrence chinoise et que Donald Trump avait promis de soutenir s’il arrivait à la Maison Blanche.
Les importations de produits manufacturés chinois sont pourtant tenues pour responsables du colossal déficit commercial américain sur les échanges vis-à-vis de Pékin (347 milliards de dollars en 2016) que l’administration Trump a promis de faire fondre. « Il n’y a pas grand-chose sur le secteur manufacturier même si cela ne me surprend pas trop: ce sont des questions qui vont être difficiles à régler », assure à l’AFP Scott Paul, du groupement industriel Alliance for American Manufacturing.
Ce responsable est certes prêt à accorder un peu du temps à la Maison Blanche même si le changement de ton vis-à-vis de Pékin ne lui semble pas de bon augure. « L’administration Trump devrait peut-être adopter une position plus agressive et renforcer la probabilité de sanctions commerciales ou de restrictions afin d’obtenir des concessions significatives du gouvernement chinois », ajoute-t-il.
De fait, plusieurs experts en conviennent: malgré des promesses répétées notamment lors son adhésion à l’OMC en 2001, la Chine n’a pas toujours honoré ses engagements d’ouvrir son marché à la concurrence étrangère. « Il y a beaucoup de scepticisme sur le point de savoir si la Chine va vraiment respecter ses engagements », résume M. Paal.
Afp