Cela n’est pas passé inaperçu en France. Lorsque l’inscription sur le pupitre d’Emmanuel Macron au palais présidentiel algérien la semaine dernière indiquait « Presidency of the Republic » au lieu de « Présidence de la République » en français, diplomates et observateurs occasionnels à Paris en ont pris note.
« Je n’étais pas surpris mais j’étais choqué que [l’Algérie] fasse une telle chose lors de la visite d’un président français », a déclaré l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, a rapporté le média américain Politico.
« C’est très délibéré. C’est un message pour la France mais aussi une façon de dire au peuple algérien qu’il n’y a rien de spécial dans le français, c’est une langue comme une autre », a-t-il ajouté.
Le choix de la langue de l’hôte lors du voyage de Macron est le dernier signal que le gouvernement veut éliminer progressivement le français comme l’une des langues de travail de l’administration algérienne.
En juillet, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé que l’anglais serait enseigné dans les écoles primaires à partir de cette année dans ce qui a été présenté comme une suppression progressive du français. « Le français est un butin de guerre, mais l’anglais est une langue internationale », a déclaré Tebboune.
L’usage du français, en particulier dans l’administration publique, les entreprises et les universités, fait partie d’un héritage compliqué de l’ère coloniale, qui s’est terminée en 1962 après une brutale guerre d’indépendance de huit ans.
La France est maintenant dans une bataille de soft power pour maintenir son influence en Algérie alors que son ancienne colonie se déplace pour remplacer le français par l’anglais dans les écoles, selon le même média.
Avec près de 15 millions de francophones selon l’Organisation internationale de la francophonie, l’Algérie est le troisième pays francophone au monde, après la France et la République démocratique du Congo. Pour la France, la perte de l’Algérie serait une énorme brèche dans sa sphère d’influence, qui est une préoccupation constante pour les hommes politiques français.
« Si la France ne se ressaisit pas, si elle n’arrête pas le remplacement du français par l’anglais, elle perdra son influence, elle perdra des personnes capables de diffuser sa culture et de défendre ses intérêts. S’il n’y a pas de changement, la sphère d’influence française disparaîtra », a déclaré le Dr Ryadh Ghessil, professeur de français à l’université de Bourmèdes, selon le média américain Politico.
Mais alors que l’abandon de l’utilisation du français est considéré par certains comme un moyen d’exorciser le passé colonial de la nation méditerranéenne, de nombreux francophones algériens regardent de travers une décision qui, selon eux, est politiquement motivée.
La visite de Macron en Algérie la semaine dernière visait à rétablir les relations après que le président français ait qualifié le régime algérien de « fatigué » en l’accusant d’instrumentaliser le passé colonial.
L’année dernière, le président français a accusé le gouvernement algérien d’être « un système politico-militaire » qui s’est construit sur une rente mémorielle. En réponse, l’Algérie a rappelé son ambassadeur pour trois mois.