L’Algérie en deçà des normes d’industrialisation
Une intéressante étude sur la diversification de l’économie nationale a été présentée lors de la 4e édition « des Journée de l’entreprise algérienne » organisée par le Forum des Chefs d’Entreprise à l’hôtel El Aurassi. L’étude pointe les faiblesses de l’économie algérienne est identifie les secteurs porteurs d’un potentiel de diversifications de l’économie nationale.
Le professeur Rafik Bouklia-Hassane, qui a présenté l’étude constate que les politiques économiques mises en œuvre en Algérie de 1977 à 2014 ont induit des changements structurels qui ont entraîné un déclin relatif du secteur de l’agriculture sans pour autant conduire à l’émergence d’un large secteur industriel moderne. « La part de l’emploi dans l’agriculture a constamment décliné mais la main-d’œuvre libérée ne s’est pas dirigée vers le secteur porteur de développement, l’industrie en l’occurrence, dont l’emploi a décliné durant cette période » relève M. Bouklia-Hassane. Cette orientation des changements structurels a eu plusieurs conséquences. Elle n’a pas permis à l’économie de réaliser son potentiel de productivité en l’empêchant de bénéficier du surcroit de productivité qu’une meilleure réallocation sectorielle des ressources aurait permis. Elle a entraîné une stagnation du secteur industriel.
La couverture du marché intérieur par la production nationale en baisse
En effet, l’expert évalue le gap d’industrialisation à 10 points de pourcentage du produit intérieur brut (PIB). Autrement dit, les pays comparables au notre en termes de taille et de niveau de développement ont en moyenne une industrie dont la valeur ajoutée (VA) représente 14% de leur PIB. L’économie est en deçà des normes d’industrialisation même comparativement aux pays pétroliers. Le gap d’industrialisation par rapport à la norme d’industrialisation des pays pétroliers peut être évalué de 3 à 4 points de pourcentage du PIB. En conséquence, le taux de couverture du marché intérieur par la production nationale a connu une baisse continue de 2000 à nos jours. Cette dégradation a touché tous les secteurs industriels hormis l’activité des mines. Les dégradations les plus importantes concernent les ISMME et les industries manufacturières. Du coup les importations croissent plus vite que le PIB depuis au moins quinze années. Les importions augmentent de 10% à prix constant et la production de richesse ne croît que de 5%. « Ainsi, en 2000, un DA de PIB nécessitait 0.23 DA de produits importés. En 2013, un DA de PIB à prix constants nécessite 0.46 DA d’importation » a précisé l’expert. En termes de produits, les importations révèlent une grande concentration. Cinq produits industriels (raffinage pétrole, voitures automobiles, barres et profilés en fer et acier, médicaments) concentrent plus du quart (26.7%) du total des importations, soit 14.7 milliards de dollars. 18 produits épuisent la moitié du montant total des importations.
Une économie des plus concentrée sur les exportations dans le monde !
Le professeur Bouklia-Hassane note, aussi, que les exportations de l’industrie manufacturière sont marginales en volume et en nombre, l’économie nationale demeurant l’une des plus concentrée sur les exportations dans le monde. Dans la nomenclature du système harmonisé à 6 chiffres, le nombre de produits exportés par an a été en moyenne de 861 au cours de la période 1992-2012 avec un maximum de 1143 produits en 2002 et un minimum de 554 produits en 1994. Sur la même période, le nombre de produits exportés en particulier par le Maroc a été de 2710 en moyenne. La prise en compte du couple produit-marché accentue le gap de diversification qui existe entre l’Algérie et les autres pays de la région sans tendance à un rattrapage. En matière de durabilité des exportations, un produit algérien a 32% de chances seulement d’être exporté au-delà d’une année (contre 60% au Maroc). 62% des épisodes d’exportations durent 1 année seulement. En moyenne, un produit algérien a une durée de vie à l’exportation de 1,7 année.
Pétrochimie: Un fort potentiel de diversification des exportations
Contrairement, à la démarche proposée par la banque mondiale en 2010, Rafik Bouklia-Hassane, en se référant à un panel de pays, relève que la pétrochimie renferme un fort potentiel de diversification des exportations. Dans le seul domaine de la pétrochimie, l’Arabie Saoudite parvient à exporter une moyenne annuelle de 3.5 milliards de dollars de polyéthylène basse densité et 4.4 milliards de dollars de polyéthylène de haute densité. L’Iran exporte également 1.6 milliards de PEBD et 330 millions de PEHD. Or, l’Algérie dispose des mêmes ressources que ces pays dans ces domaines industrielles. L’expert cite, également, le domaine de fertilisants. Le Maroc exporte en moyenne annuelle 2.1 milliards, l’Egypte 1.1 milliards et la Jordanie 900 millions de dollars. L’économie nationale dispose des mêmes avantages comparatifs que ces pays en termes de dotations en ressources. Elle est de plus dotée de gaz naturel. Elle possède ainsi un potentiel d’exportation dans ce domaine.
Rafik Bouklia-Hassane évoque, par ailleurs, le secteur des services. Il a constaté que ce secteur est moyennement développé. Il se situe en deçà de la moyenne des pays du MENA. Il est principalement constitué de services primaires bien que des entreprises de services de connaissances émergent. Dans les pays développés, c’est dans le secteur des services où se réalise l’essentiel de la valeur ajoutée. Selon lui l’apport des services peut être décisif dans le processus de modernisation et de diversification de l’économie. Rafik Bouklia-Hassane estime que pour augmenter la part de l’industrie dans le PIB d’un point à l’horizon 2020, il faut une croissance de ce secteur de 8% sur la période.
Kezoul L.