La production industrielle en Chine a résisté mieux qu’attendu en janvier et février, dopée par de robustes investissements dans les infrastructures et l’immobilier: le géant asiatique s’en remet aux moteurs traditionnels de son économie, au risque d’alimenter endettement et bulles spéculatives.
Après avoir vu sa croissance glisser au plus bas depuis vingt-six ans, la Chine commence 2017 sur des salves de statistiques encourageantes: l’activité manufacturière s’accélère, les exportations redémarrent et l’industrie retrouve le sourire.
Ainsi, la production industrielle a gonflé de 6,3% sur un an en janvier-février, a indiqué mardi le Bureau national de statistiques (BNS), qui publiait des chiffres pour les deux mois cumulés afin de lisser les distorsions dues au Nouvel an lunaire.
C’est une accélération sensible par rapport à décembre (+6%) et davantage qu’attendu par les analystes interrogés par l’agence Bloomberg.
« Les indicateurs restent globalement encourageants », s’est félicité Sheng Laiyun, porte-parole du BNS, appelant à « la poursuite des progrès (c’est-à-dire des réformes) dans la stabilité ».
En clair: Pékin entend continuer le douloureux rééquilibrage de son modèle économique vers la consommation intérieure et le secteur des services (lequel représente plus de 50% du PIB), mais sans faire boire la tasse aux industries lourdes, afin de préserver l’emploi et la stabilité sociale.
« La dynamique de croissance se conforte essentiellement grâce à un nouveau boom des ventes immobilières » qui, après avoir explosé dans les mégalopoles, « prospèrent dans les villes plus petites », observe Yang Zhao, analyste de Nomura.
Alors que la bulle immobilière –financée largement à crédit– suscite l’inquiétude, certaines grosses métropoles ont durci leur réglementation pour enrayer la spéculation, mais la fièvre s’intensifie dans le reste du pays.
Les investissements dans des projets immobiliers ont bondi de 8,9% sur un an en janvier-février… contre une hausse de seulement 3% sur la même période de l’an dernier, et de 6,9% sur l’ensemble de 2016.
Au total, les investissements en capital fixe –baromètre des dépenses dans les infrastructures et dans l’immobilier– ont eux aussi grimpé de 8,9% sur les deux premiers mois de l’année.
Cette nette accélération est « la plus grosse surprise du jour », après une progression de 7,9% au quatrième trimestre 2016, souligne Julian Evans-Pritchard, analyste de Capital Economics.
« Si les indicateurs suggèrent que l’économie reste robuste, cette solidité repose largement sur une croissance fulgurante des investissements qui sera difficile à maintenir », étant donné le resserrement attendu de la politique monétaire, a-t-il averti.
Par ailleurs, s’alarme Capital Economics, les industries traditionnelles, sidérurgie en tête, mènent la danse, en dépit de vastes surcapacités, tandis que la production s’essouffle dans des secteurs à plus grande valeur ajoutée: du verre aux robots industriels en passant par les téléphones.
De fait, les industries lourdes, les exportations et les gros chantiers d’infrastructures –piliers habituels du PIB chinois– bénéficient de coups de pouce appuyés des autorités, malgré un endettement total du pays avoisinant 270% du PIB.
Pékin s’est engagé à investir cette année quelque 350 milliards d’euros dans des projets ferroviaires, d’autoroutes et voies fluviales.
A l’inverse, les ventes de détail –jauge de la consommation des ménages– ont progressé de 9,5% sur un an en janvier-février, ralentissant nettement par rapport à la hausse de presque 11% enregistrée en décembre, et très en-deçà des anticipations.
Les experts s’attachaient cependant à relativiser, pointant le vif essoufflement des ventes de voitures en début d’année après la réduction d’un rabais fiscal à l’achat sur les petites cylindrées.
Dans l’immédiat, les robustes chiffres des investissements, associés à l’envolée récente du crédit, avec un doublement des prêts bancaires en janvier, augurent bien de la croissance économique pour l’ensemble du premier trimestre, estime Betty Wang, analyste de la banque ANZ.
A quel prix? Certes, la banque centrale pourrait se résoudre à endiguer le crédit à court terme, mais le sursaut de la conjoncture pourrait aussi « amoindrir la détermination des autorités à conduire les réformes structurelles promises », s’inquiète Mme Wang.
Et en particulier la restructuration compliquée des entreprises d’Etat –des mastodontes souvent surendettés et mal administrés, qui dominent des pans entiers de l’économie–, véritable serpent de mer de la politique chinoise.
AFP