L’appel d’offre « appel à investisseurs » tant attendu de 1000MW (1GW) de Photovoltaïque est sorti sur le site du MTEER fin 2021 (ministère de la transition énergétique et des énergies renouvelables), c’est une étape cruciale, un nouveau cap dans le paysage des EnR en Algérie qui prévoit un objectif de 20GW à l’horizon 2035 a un rythme de 1GW par an dont 15GW de PV. Plusieurs préalables sont nécessaires à la réalisation d’un tel projet et nombreuses retombées sont attendues aussi bien économiques que industriels, cela permettra aussi l’accomplissement des engagements du pays en matière d’émissions carbone du pays.
Comme nous l’avons fait a mainte reprise Algérie-Eco est allé à la rencontre de notre diaspora pour avoir une lecture de cet évènement important, quels préalables, quelles chance de succès ? L’Industrie locale : frein ou opportunité ? …
AE : Dr Bakli l’appel d’offre est sorti comme annoncé fin déc. 2021, pari tenu pour le MTEER, une première réaction à chaud
Tout d’abord félicitation à toute l’équipe du MTEER qui a travaillé durement et depuis longtemps dans un environnement complexe et multidisciplinaire, il fallait accorder tout le monde… bravo pour ce pari tenu.
Je peux vous dire que depuis le moyen orient ou notre diaspora est bien représentée dans tous les giga projets y compris l’hydrogène vert il y a une grande satisfaction voire un soulagement mais aussi une grande prudence et beaucoup d’interrogations sur les aspects bancabilité et de l’écosystème pas encore optimum dans notre pays.
Ce n’est pas la taille du projet qui est un challenge mais le fait d’aborder un domaine qui requiert la maîtrise du projet financé avec toutes ses complexités et mécanismes spécifiques.
Depuis plusieurs années à travers les multiples think tank, séminaires, rencontres avec la CREG et les ministères de tutelles … nous avons maintes fois souligné l’importance de la maîtrise de l’ingénierie financière et de la mise en œuvre d’un écosystème favorable… alors que la plupart de nos institutions se perdait dans le tout technologique et les sujets de R&D certes importants mais de loin pas du tout prioritaires pour lancer des projets solaires, nous avons perdu du temps.
Signe qui ne trompe pas sur le terrain, il y a déjà au moins 5 grandes sociétés internationales d’investisseurs de rang Tier1 qui se préparent à construire leurs futures soumissions.
AE : Dans le passé vous avez souvent insisté sur nos colonnes et autres médias locaux et internationaux sur un certain nombre de préalable, vous aviez même fait des recommandations précises pour réussir cet appel d’offre et attirer des investisseurs de rang Tier1, êtes-vous sûr que ces préalables sont levés?
En effet nous en avons longuement parlé dans vos tribunes, (voir article des dix recommandations) le contrat PPA (Power Purchase Agreement) doit répondre un minimum aux standards internationaux de bancabilité.
Disons-le clairement: si le contrat d’achat n’est pas bancable, les investisseurs de rang Tier 1 ne participeront pas à l’A.O.
En outre nous avons déjà publié une liste exhaustive des conditions de bancabilité, à titre d’exemple nous pouvons citer : Le rapatriement des dividendes, garantie souveraine, l’indexation du PPA sur une devises type USD, le lieu d’arbitrage, un pacte de sûreté qui protège vendeur et acheteur, le fameux take or pay (rachat de toute la production d’énergie verte)…
La bancabilité sera probablement le point qui fera le plus débat dans les semaines / mois à venir, le rôle de SHAEMS « guichet unique » sera justement de travailler de concert avec ses investisseurs pour les aider à avancer dans les préparations des offres et les rassurer.
AE : Quels impacts chiffrés sont attendus à travers ce premier 1000MW.
Nous avons fait le calcul aux standard internationaux chaque jour et pendant 25 années un GW solaire non installé est un manque à gagner pour l’Algérie de plus d’un demi Millions de $ (soit 0,56M$ : Augmentation des recettes d’exports Gaz, valorisation CO2, suppression de la subvention sur le prix de l’électricité et en bonus environ des dizaines de milliers d’emplois direct et indirect).
Le prix du KWh que vont proposer les investisseurs dépend de beaucoup de paramètres entre autres, qualité de l’ensoleillement (nous avons un ensoleillement exceptionnel), montant capex « coût système installé », ratios et taux de l’endettement, durée du PPA, taille des lots…
La durée du PPA est prévue à 25 ans, c’est une bonne chose cependant la taille limitée à 300 MW aura un impact sur le prix du KWh, cela va limiter certains investisseurs à pouvoir fournir un prix très bas du KWh, il y a aussi, c’est la qualité du PPA et de notre écosystème qui fera que les investisseurs auront accès ou pas à des taux d’endettement très compétitifs. Il faudra tenir compte de ces paramètres avant de s’aventurer à comparer le prix du KWh en Algérie versus les prix record dans le monde.
Les chiffres record obtenus par exemple au moyen orient sont souvent dans des tailles minimum à 700MW-1000MW dans des écosystèmes optimums qui rassurent l’investisseur et donc des taux d’endettement extrêmement bas.
Lire aussi: . Entretien exclusif avec Dr Mouloud BAKLI: Il est urgent de libérer l’investissement dans les énergies renouvelables (1ère partie).
. Dr Mouloud BAKLI: « Chaque jour d’immobilisme qui passe nous coûte cher » (2ème partie)
AE : Contenu local état des lieux et perspectives, recommandations.
S’il ya un volet ou l’Algérie a vraiment fait un travail important c’est dans le secteur privé contenu local.
Dans les multiples think tank, séminaires, rencontres nous avons toujours prôné un contenu local ciblé et intelligent aux normes internationales et suppressions des taxes sur les intrants.
En clair, il faut choisir les segments à forte valeur ajoutée (minimum 10% dans le coût total) et pas très complexes à mettre en œuvre sans barrière IP (Propriété Intellectuelle).
C’est le cas des modules PV (35% du coût), des structures métalliques et trackers (10-11% du coût), du câble (10-12% du coût),.. C’est aussi les tendances de contenu local dans les pays en voie de développement qui réussissent une intégration industrielle intelligente. (Inde, Turquie, Tunisie, Afrique du Sud…)
Le contenu local aura certainement un impact sur le coût du KWh mais dans nous devons aborder ce sujet dans une globalité et une vision de création de richesse. L’Algérie ne peut pas lancer 15GW sans lancer une industrie pérenne prête à être exportée vers l’Afrique, sans compter les créations d’emplois sous-jacents.
Cependant il reste toujours cette « aberration » de la taxe sur les intrants sur les matières premières pour les fabricants de modules, nous avons tiré la sonnette d’alarme depuis 2016 sans être entendus.
Statut actuel:
Coté Module PV: Si nous faisons un zoom sur les usines de plus de 100MW de capacité avec les dernières technologies, nous recensons actuellement une capacité de 300MW/an (2 usines) installées aux standards internationaux en cours de certification UL/TUV, ces usines sont en cours d’upgrade – mise à jour pour aller vers les technologies M6/M10 qui produiront des panneaux de 440Wp-550Wp-600Wp. Une des deux usines peut en moins de 3 moins doubler sa capacité et nous serons alors à plus de 400MW/an
A cela nous devons prévoir 3 autres usines de capacité cumulée à 400MW (2 fois 150 MW et 100MW) annuel qui démarreront directement en technologie M10. Donc si les choses avancent bien fin 2022 nous devrions avoir plus de 800MW de capacité disponible. Toutes les usines algériennes sont capables de produire des modules avec (HalfCutCell) moitié de cellule et bifacial.
Les institutions publiques devront encourager les futurs potentiels investisseurs à travailler avec les producteurs locaux pour rendre leurs panneaux bancables. Cela a déjà été fait dans le Maghreb avec succès.
Coté intrant il y a eu un travail de fond analytique important avec notre diaspora et il est prévu que 2023, 10GW de verres solaires seront en production en Algérie, 1GW pour le marché local et 9GW pour l’export sur le même site est prévue également la production de EVA environ 1GW/An d’ici fin 2022. Raisonnablement nous devrions atteindre environ 30-35% d’intrants made in Algeria : Verre, Cadre Alu, EVA, Boîte de Junction,
Cote structures métalliques: Nous avons actuellement environ 700MW- 1000MW de capacité avec déjà des expériences d’export en structures fixes et le tracker devrait arriver debut Q2 en Algérie.
La question de l’Onduleur est simple: Un exercice rapide de consultation des prix chez les tops 3 mondiaux démontre très clairement que le prix de l’onduleur est aujourd’hui moins de 3% et souvent à 2,2% du cout total (loin des 20% récemment publié) et en même temps l’onduleur est devenu très complexe, et nous l’avions soulignes a mainte reprise dans nos recommandations – assembler des onduleurs en Algérie ne présente aucun intérêt et encore moins avec des fonds publics.
Cependant si un fabricant d’onduleur veut venir en Algérie avec ses propres fonds c’est une démarche que l’on doit encourager. Il n’y a aucune usine aux Emirats arabes unis, leader du prix du KWh ou le 3eme GW, vient d’être lancé.
AE : Conclusion / recommandations
Notre premier 1000MW a été lancé, c’est un premier jalon et une date historique, mais clairement il reste encore plus de travail à venir que ce qui a déjà été fait.
La bancabilité va être au centre des débats dans les jours qui viennent.
Oui pour un contenu local intelligent, ciblé, mené par les acteurs privés sans faire appel au fonds publiques. (aucun pays au monde ne finance des usines dans les EnR avec des fonds publics)
Le solaire est une aubaine pour l’Algérie, le pays doit saisir pour rejoindre les grandes nations.
Le pays va concrétiser multiples impacts: Economiques : Plus de 0.5 Millions de dollars de manque à gagner par jour par GW sur 25 ans !!!, création de plus de 20-30 milles emplois par GW, un énorme tissus industriel, une aubaine de recette d’exports des éléments de la chaîne de valeurs et de savoir-faire… et enfin cette chance d’être un leader africains des énergies renouvelable sans oublier notre obligation de réduire nos émissions carbones dans une planète qui sonne l’alarme.