Grâce à l’intelligence artificielle, les smartphones pourront bientôt accomplir des tâches sans l’aide d’internet, voire prendre des décisions par eux-mêmes, un prélude à l’arrivée d’autres produits plus spectaculaires comme les voitures autonomes.
Dans un premier temps, seuls les modèles haut de gamme seront concernés, à l’instar des téléphones présentés par le fabricant chinois Huawei au Congrès mondial du mobile, qui se tient de lundi à jeudi à Barcelone (Espagne).
Mais cela représentera tout de même déjà, courant 2017, un portable sur cinq équipé de fonctions dites de « machine learning » (auto-apprentissage) contre quasiment aucun actuellement, prévoit une étude du cabinet Deloitte. « C’est un des domaines essentiels sur lesquels nous investissons. Après le smartphone, on aura le +superphone+ grâce à l’intelligence artificielle », explique Vincent Vantilcke, directeur marketing France pour Huawei.
A Barcelone, le Coréen LG et le finlandais Nokia ont annoncé l’arrivée sur leurs téléphones de l’assistant vocal de Google, qui utilise l’intelligence artificielle pour répondre aux questions de son utilisateur. « Toutes les grandes entreprises du secteur investissent dans la R&D » sur ce thème, assure Annette Zimmermann, directrice de recherche pour le cabinet Gartner.
Pour faire fonctionner leurs applications, nos smartphones actuels vont chercher des informations hébergées sur des serveurs extérieurs, en se connectant à internet.
Mais de nouvelles puces électroniques, bien plus puissantes, vont bientôt leur permettre de « réfléchir » par eux-mêmes, en se basant sur les données accumulées pendant les périodes de connexion ou sur l’observation de la manière dont une personne utilise son téléphone.
L’objectif est d’imiter la manière dont le cerveau humain apprend. A terme, l’idée, « en théorie, serait presque que le smartphone prenne la décision avant vous: quand vous allez quelque part, qu’il sache où vous voulez aller » en fonction de vos schémas habituels de comportement, explique Dexter Thillien, analyste au sein du cabinet BMI Research.
La jeune pousse californienne Neura, présente à Barcelone, cherche ainsi à décoder de manière très fine les habitudes du propriétaire d’un téléphone. Elle combine les données recueillies par les différents capteurs de l’appareil, comme le GPS, avec des algorithmes.
L’objectif est d’obtenir un téléphone capable de savoir si son propriétaire « court pour attraper le bus ou parce qu’il est en train de faire un jogging », promet le PDG de Neura, Gilad Meiri. Et qui pourra donc attendre le moment approprié pour lui envoyer une notification, par exemple un rappel pour prendre un médicament. Neura vise le marché de la santé numérique.
Un côté Big Brother qui « fera peut-être un peu peur au consommateur », souligne Dexter Thillien. Pour autant, « on n’en est pas aujourd’hui à avoir une intelligence artificielle qui sait tout faire, comme l’homme », temporise Mouloud Dey, directeur innovation chez SAS.
A court terme, les téléphones progresseront surtout dans « la reconnaissance vocale, la traduction, la reconnaissance des images », et permettront de s’orienter dans des lieux sans connexion, comme des parkings, détaille Ariane Bucaille, associée chez Deloitte.
Cela suffira-t-il à relancer un marché du smartphone en stagnation? « D’où viendra le profit, c’est une grande question. Pour le moment, (les fabricants) sont centrés sur la recherche d’applications amusantes », afin de se distinguer des concurrents, selon Annette Zimmermann.
Mais les smartphones dotés d’intelligence artificielle « seront plus chers et deviendront encore plus indispensables dans la vie des gens », estime Ariane Bucaille.
Pour les géants de l’électronique, ils permettent surtout d’habituer le consommateur à l’intelligence artificielle, avant d’atteindre à moyen-long terme « d’autres types de produits » comme les voitures autonomes ou la maison connectée, analyse Dexter Thillien.
Face à ces téléphones très gourmands en données pour nourrir leur « intelligence », quid de la vie privée? Paradoxalement, ils pourraient être « plus protecteurs, car les données ne seront plus sur un serveur extérieur », estime Ariane Bucaille. Une réglementation européenne est à l’étude pour interdire que les algorithmes prennent seuls des décisions.
Reste à savoir si les fabricants iront au bout de la logique d’intelligence artificielle. Un téléphone complètement autonome ne serait pas forcément dans leur intérêt, qui est « de récupérer les données de l’utilisateur. La connaissance intime de chacun reste le nerf de la guerre », rappelle M. Dey.
Afp