Dans cet entretien, le président du syndicat national des pharmaciens d’officines (Snapo), MBelambri, évoque plusieurs sujets qui marquent l’actualité des pharmaciens y compris la vaccination au niveau des officines. Il nous parle aussi du problème de pénurie de certains médicaments qui persiste dont le syndicat a signalé la rupture d’une quarantaine de médicaments.
Algérie-Eco : Comment évaluez-vous l’opération de vaccination anti-covid, au niveau des officines, chiffres à l’appui si c’est possible?
MBelambri : Le SNAPO a durant plusieurs semaines souhaité l’élargissement de la vaccination anti- covid aux officines, et ce dès le déclenchement de l’opération nationale de la vaccination et dès que les importations du vaccin se sont inscrites dans la régularité et la suffisance. Les consignes données par le Président de la République ont aidé à accélérer les choses, et le Ministère de la santé a répondu favorablement à notre doléance. Un arrêté ministériel a été promulgué à cet effet, et la vaccination anti-covid a été officiellement inscrite parmi les actes que les pharmaciens d’officine pouvaient réaliser. Un guide officiel de la vaccination a été élaboré par le Ministère de la santé après installation d’un groupe technique composé des cadres habilités de la direction générale de la pharmacie, du conseil de l’ordre, de la fédération algérienne de la pharmacie et de notre syndicat le SNAPO. Un guide imprimé à plus de 3.000 exemplaires et tenu à la disposition des professionnels de santé concernés. Ce guide a également été mis en ligne dans sa version électronique. Une formation qualifiante a été organisée, suivie quelques semaines après d’une deuxième session, ceci a permis « l’agrément » de plus de 1200 pharmaciens titulaires et assistants. L’opération avait commencé immédiatement après, et continue à ce jour. En tout cas, les pharmaciens sont fiers de participer à cette campagne nationale de vaccination. Nous avons noté beaucoup de pharmaciens qui ont même installé des chapiteaux, et certains ont réalisé plus de 200 vaccinations par semaine. Nous estimons le nombre de vaccinations en officine à pas moins de 330.000 doses administrées en 11 semaines.
La baisse des cas de contamination a entraîné la baisse des gens vaccinés, pourquoi à votre avis?
Lorsque les cas d’atteinte au covid sont en augmentation tous les chiffres augmentent, le nombre de consultation, les prescriptions médicales, la vaccination, la demande en oxygène et en concentrateurs, c’est tout simplement « le comportement humain », lorsque la menace augmente les gens se protègent par différents moyens et agissent en réponse à la menace observée et ressentie. Mais normalement dans des situations épidémiques, telles que celles que nous vivons actuellement, la garde ne devrait jamais baisser. Il est triste de constater que dès que le nombre de cas et de décès ont diminué, un recul brutal du recours à la vaccination a été constaté. Et c’est un comportement qui risque d’avoir de lourdes conséquences sur le plan sanitaire, car l’arrêt de la vaccination signifie l’arrêt de la protection, puisque seul le vaccin peut nous protéger contre le virus provoquant la production d’anticorps pouvant combattre le virus en cas d’exposition ou d’atteinte. Et si nous ne sommes plus protégés, nous risquons d’avoir une quatrième vague encore plus meurtrière dès la prochaine mutation, ou dès la prochaine attaque du virus. Or, si les gens avaient continué à se faire vacciner, l’immunité développée constituerait un véritable rempart contre la propagation du virus si jamais nous devions faire face à une nouvelle vague du covid. En tous cas au niveau de nos officines nous continuons à sensibiliser et à inviter les citoyens à se faire vacciner, d’autant que les pharmaciens disposent désormais de plusieurs variétés de vaccins, à l’exemple de Sinovac et de Johnson and Johnson (ce dernier nécessite une seul dose et une seule injection), et ils sont tous les deux reconnus par l’OMS et la majorité des pays du monde, notamment au niveau des terres saintes et en Europe. Nous sommes bien sûr également appelés à assurer la troisième dose puisque le ministère de la santé vient de l’officialiser.
Qu’en est-il aussi pour le problème de pénurie de certains médicaments?
S’agissant de la disponibilité des médicaments, nous avons signalé effectivement la rupture d’une quarantaine de médicaments « strictement essentiels » au ministère de l’industrie pharmaceutique, dont l’insuline rapide, le varenox, le Paracetamol (soumis à des quotas). Pour l’insuline, en 05 jours 200 mille boîtes ont été libérées et mises sur le marché au niveau des grossistes, nous attendons que les officines en soient effectivement approvisionnées. Nous ne comprenons toujours pas le problème du varenox, car le producteur informe qu’il a quadruplé ses capacités de production, de plus nous ne sommes guère en situation de crise « covidaire » car tous les chiffres sont à la baisse et c’est pratiquement l’accalmie, pour preuve les conditions liées au confinement ont presque été totalement levées. La question reste donc vraiment posée au sujet du varenox : où sont les quantités produites ? où vont-elles puisque ni les grossistes déclarent ne pas en disposer et les pharmaciens sont en totale rupture des stocks. En tout cas notre travail de coordination avec le ministère de l’industrie pharmaceutique se fait de manière continue et ininterrompue, non seulement nous participons activement à toutes les réunions de l’observatoire, mais nous communiquons régulièrement à ce ministère toute rupture « surprise » constaté sur le terrain, ou qui nous est signalé par les pharmaciens et ce en provenance de toutes les wilayas d’Algérie. Quant au paracetamol, il est produit par pas moins de 05 laboratoires, et ce depuis plusieurs semaines en millions de boîtes, ce n’est pratiquement pas moins de 6.5 de boîtes qui sont mises sur le marché mensuellement. Mais au cours de la troisième vague le recours à ce médicaments a été tellement important, qu’une fois la perturbation installée, nous craignons que le déséquilibre dure encore plusieurs semaines. C’est la règle, dès qu’un produit subit la rupture ou des perturbations sur la gestion des stocks, le déséquilibre est appelé à durer de longues semaines.
Nous souhaitons juste expliquer que les réformes ayant touché le marché du médicament, en vue de renforcer la production national, et de serrer un peu les verrous pour le respect des programme d’investissement, vu le non-respect des délais prévus par certains laboratoires, sans oublier l’orientation vers les médicaments strictement essentiels, il était attendu que toutes ces mesures provoquent des réactions et des remous, mais aussi des perturbations, mais nous pensons que c’est une période transitoire, et nous espérons que la situation se stabilise rapidement, à condition que chaque intervenant tienne ses engagements.
Quel est le programme prochain pour les activités du Snapo?
Le SNAPO, faut-il le rappeler a tenu son 8e congrès il y a juste à peine un mois, nous avons renouvelé nos instances nationales, et nous avons par la suite tenu des audiences et des séances de travail avec 04 ministères : la justice, la sécurité sociale, l’industrie pharmaceutique, et la santé. Le congrès a tracé un programme d’action ambitieux pour les 03 ans à venir, et le nouveau conseil national élu par le congrès, vient d’installer pas moins de 15 commissions qui sont chargées chacune d’un dossier ou d’une mission. Le SNAPO s’inscrit dans la constance, le développement, et la modernité. Nous avons beaucoup à faire, car rien en matière de communication, et de formation continue nous venons de tracer le programme annuel pour 2022, et ce n’est pas moins de 12 journées thématiques qui seront organisées à travers toutes les wilayas d’Algérie, dont une conférence nationale en mars à Alger, et une autre Internationale à Tindouf.
De nombreux dossiers et chantiers sont ouverts au niveau de nos instances et commissions centrales : les textes d’application de la loi sanitaire 18-11, la formation continue, la formation syndicale et la professionnalisation du fonctionnement du SNAPO, la continuité sur la réforme de la loi sur les psychotropes, la participation dans la lutte contre la toxicomanie, le renforcement du rôle social du pharmacien et de notre partenariat avec la sécurité sociale..L’élargissement de la pratique officinale, la formation du personnel des officines, la participation à l’élaboration d’une réglementation spécifique aux compléments alimentaires.. etc… En bref, nous sommes sur plusieurs fronts et projets. Le syndicat est reconnu désormais comme partenaire social incontournable, et les pharmaciens ont fait preuve d’altruisme et de disponibilité, et les actions solidaires menées par les pharmaciens à travers le SNAPO depuis le début de cette crise sanitaire s’élève à plus de 22 milliards de centimes en faveur de nos concitoyens et de nos hôpitaux, et ça ne s’arrête pas, les opérations de solidarité se poursuivent partout. Et tant que la menace du covid est là nous resterons mobilisés. Le SNAPO et les pharmaciens sont au service de la santé et du citoyen.