La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) est riche en ressources naturelles et humaines, unie par des cultures et langues communes, ainsi que par une longue tradition commerciale. Avec une population totale proche de celle de l’Union européenne, elle est cependant la région la moins intégrée du monde sur le plan économique. Alors qu’ils s’efforcent de créer plus d’emplois, d’attirer davantage d’investissements, de stimuler la croissance et de se relever de la pandémie, les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont, aujourd’hui plus que jamais, tout à gagner à accélérer leurs efforts d’intégration régionale.
Dans ce carrefour historique du commerce, les pays ont depuis longtemps conclu une multitude d’accords commerciaux multilatéraux, régionaux et bilatéraux, mais dont les résultats tangibles sont limités. Or les avantages d’une intégration régionale, à savoir les effets d’entraînement de la croissance, l’élargissement des marchés et les économies d’échelle, sont bien connus des économistes de la région MENA, mais aussi de ses commerçants et de ses agriculteurs. Ce ne sont pas tant les arguments en faveur de l’intégration ou les capacités qui font défaut qu’un sentiment d’urgence face à la nécessité de prioriser l’intégration régionale et de faire avancer ce processus.
Les possibilités en la matière concernent notamment les secteurs de l’énergie et de l’eau, et plusieurs zones géographiques de la région MENA, avec à la clé le bénéfice d’un dialogue poussé et d’un travail technique fondateur et la promesse d’un impact économique positif fort et quasi immédiat.
À l’exception des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le secteur énergétique de la région MENA est interconnecté, mais pas intégré. De fait, actuellement, seuls 2 % de l’électricité produite dans la région sont échangés entre les pays chaque année. Conscient des avantages d’une intégration accrue, le Conseil ministériel arabe de l’électricité, sous l’égide de la Ligue des États arabes, a fait de la création d’un marché panarabe de l’électricité (PAEM) une priorité. La Banque mondiale s’est impliquée dans cette initiative en offrant son assistance technique et des services de conseil. Le PAEM a pour objectif ambitieux de porter la part des échanges transfrontaliers d’électricité à 40 % d’ici à 2035. À cet horizon, la région MENA disposera ainsi de l’un des plus grands systèmes multinationaux intégrés au monde, avec une capacité de production totale de plus de 600 gigawatts.
Toujours dans le secteur de l’énergie, il serait également utile de développer la collaboration régionale existante entre l’Afrique du Nord et les pays européens du pourtour méditerranéen. Lors d’une récente réunion avec les gouverneurs des pays arabes dans le cadre des Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale, j’ai insisté sur la nécessité de soutenir et d’accélérer ces initiatives régionales essentielles dans le domaine de l’énergie, et de prioriser les actions qui contribueront à atténuer les déséquilibres de l’offre et de la demande dans de nombreux pays de la région MENA.
L’eau est un autre secteur porteur pour accélérer les efforts d’intégration régionale, sachant que la plupart des ressources hydriques de la région sont partagées. Dans la région MENA, tous les principaux bassins fluviaux, affluents et aquifères souterrains sont en effet considérés comme des eaux partagées. Alors que la pression sur ces ressources augmente en raison du changement climatique, de la croissance démographique et du développement, il sera de plus en plus important de mettre au point des cadres adaptés pour faire progresser la coopération régionale. Il existe dans le monde de très nombreux exemples qui illustrent le rôle moteur que l’eau peut jouer pour favoriser l’intégration. Renforcer la coopération pour gérer les ressources partagées peut se révéler un outil puissant, non seulement pour améliorer la sécurité hydrique dans les pays de la région, mais aussi pour promouvoir la prospérité économique et une plus grande coopération.
Enfin, et comme le souligne la récente mise à jour de l’approche du Groupe de la Banque mondiale en matière d’intégration régionale en Afrique, il est essentiel de renforcer et faciliter les liens historiques et socioéconomiques solides qui existent entre les pays du Maghreb et ceux d’Afrique subsaharienne. En prévision de l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), le moment est venu d’élargir et d’approfondir les plateformes existantes de coopération régionale — notamment dans les secteurs de l’agriculture et du numérique où les progrès sont particulièrement indispensables — et d’explorer d’autres pistes d’intégration régionale entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne.
Mettre en place et entretenir des institutions, des infrastructures et des échanges commerciaux régionaux pose des difficultés considérables. Mais les pays de la région MENA sont à l’aube d’importantes initiatives d’intégration qui permettront d’aboutir à des gains d’efficacité, à une diversification, au rétablissement de la confiance et à une croissance verte, autant d’éléments qui joueront un rôle catalyseur dans le développement économique et la réduction de la pauvreté dans la région. Le Groupe de la Banque mondiale est prêt à contribuer à l’avancement de ce programme tourné vers l’avenir.
Cette tribune est signé David Malpass, Président du groupe Banque Mondiale
Source : WBANK