C’est sur fond de luttes géopolitiques que le différend entre l’Algérie et le Maroc à propos du Sahara occidental, vient de ressurgir sous forme d’une dangereuse escalade belliqueuse.
Derrière les dérapages verbaux auxquels nous assistons depuis quelques mois et qui ont, malheureusement, commencé à se traduire par des morts d’hommes et des menaces de conflit armé, il y a en réalité de très gros intérêts que se disputent les deux belligérants et, â travers eux, certaines grandes puissances du monde. Il faut en effet savoir que dans les toutes prochaines décennies l’avenir économique de la planète sera tourné vers l’Afrique qui, à l’horizon 2050, sera peuplée de pas moins de 1,5 milliards d’habitants. L’Afrique recèlera par ailleurs l’écrasante majorité des matières premières et ressources énergétiques disponibles sur la planète (hydrocarbures, terres rares, ressources agricoles, énergies renouvelables, eau etc.) qui vont lui permettre de réaliser des taux de croissance spectaculaires et de mettre en évidence ce grand espaces économique, que sera l’Afrique du Nord (Grand Maghreb), actuellement bloqué par l’étroitesse d’esprit de ses dirigeants.
Trois grands blocs de nations s’intéressent effectivement de près à ce continent, qui deviendra avec son 1,5 milliards de consommateurs, l’un des principaux espaces commerciaux du monde et un réservoir intarissable de matières premières stratégiques. Ces nations sont, comme on l’a sans doute compris, l’Europe bien servie par sa façade méditerranéenne non loin de l’Afrique; les États Unis d’Amériques qui utilisent depuis longtemps déjà la façade atlantique marocaine et, la Chine, pour qui tous les accès pouvant servir son grand projet de « routes de la soie » sont à prendre. Dans ces calculs géopolitiques, l’Afrique du Nord située sur ces deux façades stratégiques que sont la mer Méditerranée et l’océan Atlantique, devient un enjeu géostratégique primordial, une forteresse à prendre sans tarder.
Deux pays d’Afrique du nord sont tout particulièrement visés, en tant que portes d’accès aux richesses du continent africain. Il s’agit du Maroc qui dispose d’une assez vaste façade atlantique, que les USA et certains pays d’Europe, sont habitués à emprunter depuis plusieurs siècles et, évidemment, de l’Algérie qui dispose d’une longue façade méditerranéenne et qui ne désespère pas de mettre à sa disposition la façade atlantique du Sahara Occidental, que lui dispute âprement le Maroc qui considère cet espace autrefois colonisé par l’Espagne, comme une terre qui lui revient de droit. Un conflit sur l’appartenance juridique de cette enclave est ainsi entretenu depuis près d’un demi siècle par l’Algérie, qui agit par l’entremise d’un mouvement de libération du Sahara Occidental (le front Polisario) créé, affirment les autorités marocaines, par le régime algérien et, le Maroc, qui considère cette région comme sa légitime propriété et qui démène comme il peut pour s’en accaparer avec le consentement de la communauté internationale.
L’Algérie est parfaitement consciente des avantages inestimables que le Maroc pourrait tirer de sa mainmise sur l’exclusivité de la façade atlantique de l’Afrique du Nord. Le danger pour les autorités algériennes est d’autant plus grand, que pour diverses raisons les pays occidentaux semblent désormais préférer traiter uniquement avec le royaume chérifien.
Il faut dire que le Maroc détient depuis ces deux dernières années, un avantage de taille que n’a pas l’Algérie. Il s’agit, on l’a compris, de sa réconciliation avec Israël qui lui ouvre toutes les portes du théâtre diplomatique international, outrageusement dominé par Israël et ses puissants alliés. Au conseil de sécurité, comme dans l’hémicycle de l’ONU et même, de l’Union Africaine qui vient d’admettre Israël comme observateur, la voix de l’Algérie n’est plus ce qu’elle fut il y a quelques années. Le dernier vote du conseil de sécurité de l’ONU en faveur du droit de propriété du Maroc sur le Sahara Occidental en est la preuve et, au regard des plaintes multiformes adressées à l’ONU et son organisation de défense des droits de l’Homme, la tendance serait à l’isolement progressif de l’Algerie, à moins que ses dirigeants consentent à offrir une issue démocratique à la crise politique qui secoue le pays et discrédite ses gouvernants.
Si un conflit armé entre le Maroc et l’Algérie venait à se produire, c’est évidemment notre pays qui en ferait les frais, précisément du fait de cet isolement international et du lobbying que ne manqueront pas d’actionner Israël et ses nombreux et puissants lobbies, au profit du Maroc devenu une allié officiel d’Israël, contrairement â l’Algérie qui a rompu ses relations diplomatiques depuis le milieu des années 60 et persiste aujourd’hui encore dans cette voie.
Pour les Etats-Unis d’Amériques qui considèrent l’océan Atlantique comme son propre « lac », il n’est évidemment pas question d’introduire dans cet espace un pays aussi hostile à Israël que l’Algérie. Lui couper l’accès à la façade atlantique du Sahara occidental que l’Algérie convoite est du reste un objectif que l’ex président Donald Trump a pu réaliser en reconnaissant, il y a environ deux années, le droit de propriété du Maroc sur cette région. Une décision qui semble convenir à son successeur Joe Biden qui n’a pour l’instant, manifesté aucune intention de remettre en cause cette décision.
La prudence devrait donc être de mise, notamment quand on sait, que sous le règne des technologies de l’information et de la communication, rien ne peut être entrepris, sans que cela ne se sache et ne soit retourné contre ses auteurs, par ceux qui les maîtrisent le mieux. Seule la voie diplomatique, portée par une vision stratégique claire, pourrait avoir des chances de porter ses fruits en pareille conjoncture. Il ne faudrait surtout pas, que l’Algérie s’en éloigne.