L’expert du domaine de l’automobile, Mohamed Yaddadene nous livre dans cet entretien, son analyse sur l’avenir de l’industrie automobile en Algérie avec l’avènement de différents projets de partenariat étrangers dans ce domaine. Pour notre expert, les projets d’implantation d’usines vont répondre à la demande locale et à l’export. Cependant, côté prix, notre interlocuteur pense qu’il n’y aura pas d’incidence sur les prix au contraire les produits fabriqués seront plus coûteux à moins que la contribution de l’intégration locale s’accélère à travers des PME et PMI compétitives.
Algérie-Eco : Après avoir décidé de limiter drastiquement les importations automobiles, l’Algérie a exhorté les acteurs du secteur à se lancer dans l’activité industrielle. Pensez-vous que ce projet pourrait s’inscrire dans une volonté de diversifier l’économie nationale?
Mohamed Yaddadene : La limitation des importations est une option prise avec l’avènement des quotas et des licences d’importation répond d’abord à une volonté de réduire la facture des importations et limiter la sortie de devises. Le secteur de l’automobile comme d’autres secteurs n’a pas échappé à cette mesure économique, ce qui a énormément perturbé le marché et cette situation risque de durer avec les quotas annoncés pour cette année 2017.
La mesure de pousser à une obligation d’investissement dans le domaine de la production va contribuer à combler les volumes nécessaires au marché cela va permettre également de relancer l’industrie mécanique mais à condition que ces unités de montage évoluent vers de vrais usines de fabrication qui devraient réaliser des volumes conséquents afin d’assurer l’équilibre et la rentabilité des projets et surtout d’arriver à des prix compétitifs.
Ceci va permettre de relancer l’industrie de la sous-traitance afin d’améliorer le taux d’intégration dont l’objectif à atteindre sera au moins 40% comme prévu dans la réglementation. Ces mesures vont permettre une diversification des activités et de l’économie nationale, toutefois les projets de montage dans leur forme actuelle risquent de connaitre des difficultés s’ils ne passent pas à des volumes conséquents et à une intégration pouvant contribuer à leur équilibre, il ne faut pas oublier que la rentabilité est capitale dans tous les cas.
Aussi le professionnalisme doit prédominer, l’automobile est un métier qui se construit avec des équipes formées et préparées à assurer tout les processus de production depuis le rouleau de tôle qui doit passer sous les presses, jusqu’au moindre accessoire à monter et au test avant la sortie des usines, dans ces cas le choix des partenaires sera d’une grande importance, si tout cela aboutisse, l’économie nationale en récoltera les effets positifs. Mais ne peut être producteur d’automobile qui le souhaite.
Parmi les marques voulant investir à long terme en Algérie, la marque allemande de prestige BMW (Bayerische Motoren Werke), qu’en pensez-vous?
C’est une excellente nouvelle pour l’industrie algérienne qu’une marque aussi prestigieuse comme BMW s’implante en Algérie. Mais il faudra regarder un peu les statistiques du parc VW et les ventes réalisées ces dernières années afin de voir le niveau des volumes de l’usine annoncée, ce qui laisse présager que ce, projet sera aussi orienté vers l’exportation en ciblant d’autres marchés pour avoir un projet suffisamment dimensionné pour répondre à la demande locale et à l’export. Si c’est uniquement pour le marché local, les volumes seront minimes.
L’arrivée de tous les constructeurs pour des projets d’investissements constitue une excellente opportunité pour la relance de l’industrie mécanique algérienne d’abord pour répondre à la demande locale et surtout pour exporter vers d’autres marchés.
Est-ce que la réalisation de ces projets qui rentreront en concurrence avec Renault Algérie pourrait avoir un impact sur les prix de vente des véhicules?
D’abord la concurrence est de bonne guerre à chacun sa stratégie, ensuite les niveaux de gammes différent et les segments des uns et des autres vont offrir un large choix sur le marché. Je pense que le projet Renault aura au moins trois années d’avance sur les autres. Au point où ces projets sont annoncés, je pense qu’il n’y aura pas d’incidence sur les prix au contraire les véhicules fabriqués seront plus coûteux à moins que la contribution de l’intégration locale s’accélère à travers des PME et PMI compétitives. Les prix vont continuer à grimper en attendant de voir les fruits de tous ces investissements et le marché s’en ressentira d’ici fin 2018 premier semestre 2019, avec une réelle orientation de production de ces usines mais pas ce qu’on appelle les « unités tournevis ».