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Abdoulaye Coulibaly (BAD) : « L’Afrique a fait face à sa pire récession économique en plus de 50 ans»

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Le 02 juillet 2021, la Banque africaine de développement (BAD) a lancé sa stratégie pour la gouvernance économique en Afrique pour la période 2021-2025. Ce programme vise à servir de boussole à l’institution afin de renforcer l’efficacité du secteur public dans les pays du continent, tout en stimulant la transformation structurelle en Afrique, et en favorisant l’inclusion des populations dans les processus de prise de décision.

Alors que l’Afrique essaye encore de se sortir de la crise engendrée par le virus du Covid-19, ce nouveau plan quinquennal veut mettre un accent particulier sur la reconstruction des économies du continent après la crise. Directeur du Bureau de coordination de la gouvernance et de la gestion financière publique à la BAD, Abdoulaye Coulibaly a accepté de répondre à quelques questions sur le sujet.

L’Afrique subit de plein fouet les conséquences de la pandémie du Covid-19, car malgré le fait qu’elle soit moins touchée que les autres continents, sa croissance économique en a pâti l’année dernière avec une récession à -2,1% selon les estimations de la BAD. Quels ont été les impacts de cette crise sur la gouvernance économique et la gestion publique des Etats du continent ?

Abdoulaye Coulibaly : L’Afrique a fait face à sa pire récession économique en plus de 50 ans en raison de l’impact de la pandémie de COVID-19. En conséquence, la croissance du PIB de l’Afrique en 2020, s’est affichée en baisse de 6,1 points de pourcentage par rapport à celle attendue avant COVID-19 pour 2020.

En dehors de la croissance, la crise sanitaire a également eu un impact important sur la dette des pays africains. Avant la pandémie de COVID-19, les niveaux d’endettement dépassaient déjà les seuils de viabilité de la dette dans plusieurs pays. La situation a été exacerbée par l’assouplissement sans précédent de la politique budgétaire et monétaire adoptée par les pays pour amortir les impacts socio-économiques de la pandémie dans un espace budgétaire restreint, des dépenses d’intérêt déjà en hausse, des dépenses de sécurité croissantes, des programmes d’investissement dans les infrastructures publiques à grande échelle, et le creusement des déficits publics. En conséquence, il est prévu que les ratios dette/PIB augmenteraient jusqu’à 10 à 15 points de pourcentage au-dessus de la trajectoire pré-COVID en 2020/21.

En décembre 2020, 14 des 38 pays africains pour lesquels des analyses de viabilité de la dette sont disponibles étaient considérés comme présentant un risque élevé de surendettement et 6 autres étaient déjà en situation de surendettement. Si ces vulnérabilités croissantes de la dette ne sont pas traitées rapidement et correctement, cela pourrait dégénérer en une crise de la dette souveraine pour le continent.

En raison de l’espace budgétaire restreint, de nombreux gouvernements n’ont pas la capacité financière nécessaire pour augmenter les dépenses grâce à des plans de relance monétaires et budgétaires afin d’amortir les conséquences sanitaires, économiques et sociales de la pandémie. Contrairement à leurs homologues des économies avancées qui ont répondu à la crise avec des dépenses supplémentaires de plus de 15 % du PIB en moyenne, la taille moyenne des programmes d’intervention budgétaire sur le continent n’a été que de 3 % du PIB (Perspectives économiques en Afrique, 2021).

Des plans de relance budgétaire ont été fournis à l’aide de mesures qui ont des implications directes sur les soldes budgétaires, les besoins d’emprunt et les niveaux d’endettement. Environ un quart des pays ont été en mesure d’utiliser des mesures de recettes, telles que des allégements fiscaux et des reports de paiement d’impôts, comme leviers politiques d’intervention. La Banque estime que les gouvernements africains ont eu besoin d’un financement brut supplémentaire d’environ 485 milliards de dollars entre 2021 et 2023 pour répondre à la crise. Il est nécessaire d’aider les PMR à créer durablement l’espace budgétaire nécessaire pour répondre à la crise.

Selon vous, les Etats africains sont-ils aujourd’hui mieux préparés qu’hier à faire face à une crise de cette ampleur dans le futur ?

Abdoulaye Coulibaly : Les gouvernements africains ont fait preuve d’une résilience et d’une capacité considérables à réagir rapidement et de manière appropriée pour atténuer les effets dévastateurs de la crise. Des actions de politiques sanitaire, sociale et économique appropriées ont été prises pour contenir la propagation du COVID-19, fournir les soins de santé nécessaires, mais aussi protéger les plus vulnérables et les entreprises. Cela a coûté très cher et la plupart des gouvernements africains ne disposent pas des marges de manœuvre budgétaires adéquates pour financer de telles mesures. C’est pourquoi il a été constaté des déficits budgétaires et des niveaux d’endettement importants et potentiellement néfastes.

Il est très urgent que les gouvernements africains commencent à s’attaquer à ces déséquilibres macro-économiques importants qui nécessitent des réformes structurelles plus profondes pour éviter la crise et assurer une résilience plus forte à l’avenir.

Quels sont les principaux objectifs de la stratégie pour la gouvernance économique en Afrique 2021-2025 qui vient d’être lancé par la BAD ?

Abdoulaye Coulibaly : Notre stratégie pour la gouvernance économique en Afrique (SEGA) est structurée autour de quatre objectifs spécifiques :

Le premier est d’assurer la bonne gestion des ressources publiques aux niveaux national et infranational pour atteindre ou maintenir la stabilité macroéconomique et la réalisation des High Five. Ces derniers regroupent les cinq grandes priorités de la Banque africaine de développement dont la réalisation doit permettre de relever le défi du développement en Afrique.

Le second objectif est de stimuler la transformation structurelle en favorisant l’émergence d’un secteur privé compétitif et des règles du jeu équitables pour toutes les entreprises. Ensuite, en troisième position, nous avons l’accroissement de la transparence, de la responsabilité et de l’inclusion dans l’élaboration des politiques et la prestation de services. Enfin, le quatrième objectif, et non des moindres, est celui du combattre la corruption non seulement dans le secteur public mais aussi dans le secteur privé.

Comment cette stratégie compte-t-elle renforcer le partenariat public-privé tant promu ces dernières années par les décideurs publics pour accélérer le développement ?

Abdoulaye Coulibaly : La Banque reconnait l’importance respective de l’État et du secteur privé notamment à travers le dialogue de politique qu’elle encourage entre ces deux acteurs. Pour que les réformes de gouvernance économique soient pertinentes, réalistes et portent des fruits, le partenariat public-privé s’avère nécessaire.

De plus, la Banque africaine de développement, à travers SEGA, continuera à promouvoir les partenariats public-privé (PPP) en se concentrant sur le travail en amont consistant à garantir que les capacités et les institutions adéquates sont en place pour assurer leur utilisation optimale pour le développement. La Banque a déjà aidé un certain nombre de pays à mettre en place les cadres institutionnels nécessaires pour engager et mettre en œuvre des PPP, notamment en Éthiopie, en Tanzanie et aux Seychelles, entre autres.

Ecofin

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