Le Rapport sur le développement dans le monde 2017 : la gouvernance et la loi s’intéresse aux enjeux de la répartition inégale du pouvoir dans une société donnée et à ses effets néfastes sur l’efficacité des politiques. Les asymétries de pouvoir peuvent par exemple expliquer l’échec fréquent de la lutte contre la corruption malgré la mise en place de lois et d’organismes dédiés exemplaires, le fait que la décentralisation n’améliore pas systématiquement les services municipaux ou encore l’inaptitude de politiques budgétaires pourtant bien conçues à réduire la volatilité et favoriser une épargne pour l’avenir.
Lorsque les politiques et les moyens techniques mis en œuvre échouent à produire les résultats souhaités, la faute en est généralement attribuée aux institutions, note le rapport, qui souligne cependant que les pays et les bailleurs de fonds doivent avoir une vision plus large de l’amélioration de la gouvernance pour garantir le succès des politiques. Cette gouvernance améliorée est définie comme le processus d’interaction par lequel les acteurs étatiques et non étatiques conçoivent et appliquent les politiques publiques dans le cadre d’un ensemble donné de règles formelles et informelles façonnées par le pouvoir.
« Alors que la demande de services efficaces, d’infrastructures de qualité et d’institutions équitables ne cesse de croître, et que les gouvernements ne disposent que de ressources limitées, celles-ci doivent être utilisées d’une manière aussi rationnelle et transparente que possible, souligne Jim Yong Kim, le président du Groupe de la Banque mondiale. Cela implique de tirer parti de l’expertise du secteur privé, de travailler étroitement avec la société civile et d’intensifier les efforts de lutte contre la corruption. Sans une meilleure gouvernance, nous ne parviendrons pas à réaliser les objectifs que nous nous sommes fixés : mettre fin à l’extrême pauvreté et promouvoir une prospérité partagée. »
Le rapport se penche sur les exemples de plusieurs pays, dont notamment le processus d’édification de l’appareil étatique en Somalie, les efforts de lutte contre la corruption au Nigéria, les enjeux de la croissance en Chine et la question des bidonvilles et de l’exclusion dans les villes indiennes. Il identifie trois ingrédients au cœur de l’efficacité des politiques : l’engagement, la coordination et la coopération. Pour que ces trois fonctions produisent les résultats escomptés, les institutions doivent :
- Renforcer l’engagement vis-à-vis de la poursuite des politiques, même lorsque les circonstances évoluent. Ces mécanismes d’engagement sont nécessaires pour éviter, par exemple, que les autorités d’un pays ne dépensent les recettes exceptionnelles de l’État au lieu de les épargner pour l’avenir ou que, à la suite de la négociation d’un accord de consolidation de la paix, des dirigeants ne se rétractent en l’absence d’un mécanisme juridiquement contraignant.
- Améliorer la coordinationafin de faire évoluer les attentes des acteurs et susciter des actions souhaitables sur le plan social. Les problèmes de coordination se posent dans de nombreux contextes, de la finance au développement de grappes industrielles en passant par l’aménagement urbain. La stabilité financière, par exemple, dépend du degré de crédibilité que l’on attache aux politiques en vigueur. Prenons simplement le cas de la ruée sur les banques lorsque la crédibilité de ces dernières est ébranlée. Tout en sachant pourquoi il ne faut pas retirer son épargne lorsqu’une banque est en difficulté, les déposants se ruent sur les guichets lorsqu’ils acquièrent la certitude que tous les autres le feront, entraînant au bout du compte une perte de liquidités et la faillite de la banque concernée.
- Encourager la coopération :des politiques efficaces aident à promouvoir la coopération en limitant les comportements opportunistes (comme l’évasion fiscale), souvent par le biais de mécanismes crédibles de récompense ou de sanction. Certains contextes peuvent inciter les gens à se comporter de la sorte, par exemple en évitant de payer leurs impôts et taxes alors même qu’ils profitent de services publics financés par les autres contribuables. De même, lorsque certains groupes sont privés des avantages que procurent les politiques ou ont le sentiment d’être lésés (comme dans le cas où les services publics sont de piètre qualité), ils sont encore moins enclins à se conformer aux règles.
« Les responsables gouvernementaux ne fonctionnent pas en vase clos. Leurs décisions sont le reflet des rapports de force entre citoyens à la manœuvre pour défendre des intérêts concurrents, rappelle Paul Romer, économiste en chef de la Banque mondiale. C’est pourquoi ce rapport inaugure une réflexion essentielle pour les gouvernements, leurs pays et les acteurs de la communauté du développement afin de s’assurer que la société soit sur une trajectoire porteuse d’avancées. Face à la complexité des processus politiques propres à chaque pays, qui permettent à ceux qui ont du pouvoir d’infléchir le résultat de l’action publique, nous devons trouver des solutions pour que chacun bénéficie des progrès obtenus. »
Selon le rapport, une répartition inégale du pouvoir peut conduire à l’exclusion de groupes ou d’individus, qui seront privés des avantages et des gains de l’engagement politique. Or, un changement véritable est possible, grâce à l’engagement et l’interaction des citoyens, à travers des coalitions visant à modifier les incitations des décideurs ; des élites, les décideurs acceptant de restreindre leur propre pouvoir ; et de la communauté internationale, qui peut peser de manière indirecte sur le pouvoir relatif des réformateurs nationaux.
Sur la base de recherches et de consultations approfondies menées depuis deux ans dans de nombreux pays, le rapport propose des principes pour orienter la réforme et faire évoluer les dynamiques de la gouvernance au service d’un développement équitable.
Le rapport fait valoir que de bonnes politiques sont souvent difficiles à mettre en place et à appliquer parce que certains groupes sociaux tirant avantage du statu quo sont assez puissants pour s’opposer aux réformes nécessaires pour rompre l’équilibre politique.
« L’édition 2017 du Rapport sur le développement dans le monde est riche d’éléments qui informeront et conforteront les travaux de la Banque mondiale sur la gouvernance, note Debbie Wetzel, directrice principale du pôle mondial d’expertise en Gouvernance de la Banque mondiale. Comme le souligne le rapport, le succès des réformes ne dépend pas seulement de l’application des ‘meilleures pratiques’. Il passe également par l’adoption et l’adaptation de cadres institutionnels qui, en exploitant mieux les dynamiques locales, permettent de résoudre les problèmes spécifiques qui continuent de faire barrage à la poursuite d’un développement bénéficiant à chaque citoyen. »
Source : Banque Mondiale