Le tourisme est l’un des secteurs les plus durement éprouvés par la crise de la COVID-19. Plus d’un an après le début de la pandémie, les chiffres (a) sont sans appel : en 2020, les destinations touristiques ont reçu 1 milliard d’arrivées internationales de moins que l’année précédente. L’effondrement des voyages internationaux a entraîné une érosion des recettes d’exportation d’environ 1 300 milliards de dollars, soit plus de 11 fois le manque à gagner enregistré lors de la dernière crise économique en 2009. La crise a mis en péril de 100 à 120 millions d’emplois dans le tourisme, dont la plupart dans de petites et moyennes entreprises.
À l’heure où elles tracent les voies de la reprise, cette situation est très préoccupante pour les économies en développement. Sous l’impulsion du secteur public et du secteur privé, le tourisme constitue non seulement une source cruciale de devises étrangères mais, parce qu’il renforce les chaînes d’approvisionnement, améliore la productivité des entreprises locales, crée un emploi sur dix et fournit un revenu aux femmes et aux jeunes, il peut également servir de levier au développement. En tant qu’ancienne ministre du Tourisme, j’ai pu constater de visu l’importance économique du tourisme pour les communautés locales et le rôle de pratiques touristiques durables pour créer de la richesse tout en préservant les cultures et le patrimoine naturel.
L’avenir de ce secteur dans le contexte actuel était au cœur d’une discussion sur la résilience du tourisme et la construction d’un avenir meilleur (a), organisée en mars dernier dans le cadre d’un événement de l’OMC destiné à dresser le bilan de l’aide pour le commerce. Des représentants du Costa Rica, de Jordanie, du Kenya et du Sri Lanka ont évoqué l’expérience de leurs pays respectifs pour réagir à la crise et en tirer des enseignements, tout en ébauchant des pistes pour relancer l’activité touristique.
Trois mesures importantes sont ressorties de ces échanges pour repartir sur de meilleures bases : améliorer la confiance des voyageurs ; comprendre et suivre les nouvelles tendances du marché et les moteurs de la demande ; et, dans une perspective de plus long terme, s’engager à bâtir des secteurs touristiques plus résilients et inclusifs, à la faveur de la remontée en puissance de l’enjeu de la durabilité.
Pour se projeter dans un monde post-COVID, le Groupe de la Banque mondiale a fait le pari d’une approche de développement vert, résilient et inclusif (a) et nous avons apprécié de constater nos convergences de vue. Allan Flores, ancien ministre du Tourisme du Costa Rica, a insisté sur le rôle central d’une initiative de certification pour les professionnels du tourisme durable (a), qui a permis de faire de son pays un champion de l’écotourisme.
Le ministre du Tourisme et de la Faune du Kenya, Najib Balala, a évoqué les efforts de son gouvernement pour diversifier les recettes tirées de la conservation des espèces. Il faut saluer les importants progrès réalisés pour tisser des partenariats public-privé et développer l’émission d’obligations (a) en faveur de la préservation, dans le but de garantir la protection du patrimoine naturel pendant les crises du tourisme. La résilience naît de la priorité accordée à l’environnement, aux populations et aux moyens technologiques permettant de se préparer au changement climatique et aux crises. Le Kenya mise en particulier sur la gestion systématique des risques et les investissements dans l’ensemble de la filière touristique.
Au vu de l’impact de la COVID-19 sur les groupes vulnérables, les participants ont aussi reconnu la nécessité de bâtir un secteur plus inclusif. En tant qu’institution prônant des réponses fondées sur la connaissance et les données probantes, le Groupe de la Banque mondiale s’emploie à affiner son appréhension de l’impact de la crise sur le voyage et le tourisme. Grâce à des enquêtes de conjoncture, nous savons que les entreprises féminines et les femmes travaillant dans le secteur du tourisme ont été touchées de manière disproportionnée par la pandémie et ont, de ce fait, besoin d’une aide spécifique.
Bien entendu, la crise de la COVID-19 étant d’abord d’ordre sanitaire, l’amélioration de la sécurité sanitaire et le renforcement de la confiance des voyageurs sont deux défis à résoudre dans les plus brefs délais. Kimarli Fernando, présidente de Sri Lanka Tourism, a cité les efforts du gouvernement pour mettre en place des protocoles sanitaires et communiquer quotidiennement avec le public afin de renforcer la confiance dans les directives et améliorer leur compréhension. Le Groupe de la Banque mondiale soutient également l’élaboration de protocoles d’exploitation normalisés pour les hôtels et les voyagistes, ainsi que le dialogue public-privé autour des stratégies de relance (a). Alors qu’ils s’emploient à préserver les touristes et les populations locales, les gouvernements comprennent bien l’utilité de protocoles sanitaires et d’hygiène stricts.
Comme les voyages de demain ne ressembleront pas à ce que nous avons connu jusqu’ici, les données et les informations sur les marchés joueront un rôle décisif. Les équipes du Groupe de la Banque mondiale travaillent sur des enquêtes pour prendre le pouls des entreprises, sur les changements stratégiques dans le secteur de l’aviation et sur des études de marché. Toutes ces analyses indiquent qu’à court terme, les touristes privilégieront la voiture et les voyages dans leur pays ou dans un rayon proche, avec un essor évident des activités de nature et d’aventure, signe de l’importance croissante que les consommateurs accordent à la durabilité. Les programmes de relance du tourisme devront miser sur une reconstruction plus durable des sites avec, à la clé, des créations d’emplois et un renforcement de l’attractivité de ces lieux.
La technologie numérique fait aussi partie des domaines à étudier : la princesse Dana Firas de Jordanie a souligné le rôle de la réalité virtuelle pour entretenir l’intérêt des touristes malgré le confinement, mais aussi l’importance de la technologie comme source de données en appui à la planification et à la prise de décisions. La technologie continuera de jouer un rôle grandissant pour les séjours touristiques de longue durée, dans la mesure où de plus en plus de travailleurs sont en quête d’options de télétravail. La crise de la COVID-19 a augmenté le nombre de nomades numériques prêts à travailler depuis des sites touristiques. Avec le déploiement de la vaccination et la réouverture des bureaux, ces destinations devront suivre de près l’évolution de ce marché.
La reprise du tourisme et des voyages passe par l’innovation et la collaboration. Même si la pandémie est loin d’être terminée, nous devons planifier un avenir meilleur — en sollicitant les pouvoirs publics, le secteur privé, la société civile et d’autres partenaires — et anticiper l’évolution des modèles commerciaux et des structures de gouvernance afin de satisfaire les nouvelles formes de demande, dans toute leur diversité. Il sera important, à court terme, de communiquer clairement autour des mesures visant à rétablir la confiance des investisseurs et des consommateurs. À long terme, il sera également essentiel de renforcer la durabilité et la résilience, et d’instaurer un partage plus équitable des bénéfices. Ensemble, ces approches peuvent redynamiser le secteur mondial du tourisme, en profitant de son pouvoir de création de marchés pour soutenir les économies, créer des emplois et favoriser un développement qui profite avant tout aux individus et à leurs communautés.
Cet article est rédigé par Mari Elka Pangestu, directrice générale de la Banque mondiale pour les politiques de développement et les partenariats
Source : WBANK