Le conseil de surveillance de Facebook a décidé mercredi de maintenir l’interdiction faite à l’ancien président américain Donald Trump de poster des messages sur sa page Facebook et sur son compte Instagram.
Il ne s’agit toutefois pas d’une décision définitive, celui-ci jugeant qu’il n’est « pas approprié pour Facebook d’imposer » une sanction d’une durée indéfinie, a-t-il expliqué dans un communiqué. Il lui demande ainsi de « réexaminer la décision arbitraire imposée le 7 janvier » dans les six prochains mois.
L’ancien chef de cabinet de Trump, Mark Meadows, a immédiatement condamné cette décision sur la chaîne Fox News, estimant que cela aurait un effet dissuasif sur la liberté d’expression. « C’est un triste jour pour l’Amérique, c’est un triste jour pour Facebook », a-t-il déclaré.
Le conseil de surveillance, dont les décisions sont contraignantes, a jugé que l’ancien locataire de la Maison Blanche « avait créé un environnement où un risque sérieux de violence était possible » avec ses commentaires le 6 janvier, jour de l’assaut du Capitole. « Au moment de la publication des messages de M. Trump, il y avait un risque clair et immédiat de préjudice et ses paroles de soutien aux personnes impliquées dans les émeutes ont légitimé leurs actions violentes », a-t-il détaillé.
En tant que président, M. Trump exerçait une forte influence, ont-ils également argué. « La portée de ses publications était importante, avec 35 millions d’abonnés sur Facebook et 24 millions sur Instagram », a-t-il poursuivi.
Le Conseil a également formulé des recommandations politiques à mettre en œuvre par Facebook « pour élaborer des politiques claires, nécessaires et proportionnées qui favorisent la sécurité publique et respectent la liberté d’expression ».
Facebook avait banni de sa plateforme l’ancien président américain au lendemain de l’invasion du Congrès en janvier par une foule de ses partisans, lors de la certification de la victoire de Joe Biden à l’élection de novembre 2020.
Le groupe californien avait auparavant toléré de nombreux messages du milliardaire républicain jugés problématiques par de larges pans de la société, et même en interne. Mais le 7 janvier, le réseau avait finalement suspendu « jusqu’à nouvel ordre » le candidat perdant pour avoir enfreint ses règles sur l’incitation à la violence, notamment dans une vidéo où il exprimait son soutien aux émeutiers.
Fin janvier, Facebook s’était alors tourné vers son conseil de surveillance pour trancher cette affaire.
La société finance à hauteur de 130 millions de dollars cette sorte de « cour suprême » indépendante, composée de 20 membres internationaux dont des journalistes, des avocats, des défenseurs des droits humains et d’anciens dirigeants politiques. Elle a rendu en début d’année ses premiers verdicts (contraignants) et émis une série de recommandations (non contraignantes).
Pour Donald Trump, face aux 9.000 réponses à un appel à commentaires du public, elle s’était donné plus de temps.
D’autres plateformes ont pris des mesures similaires après l’invasion du Capitole.
YouTube attend que « le risque de violence diminue » avant d’autoriser l’ancien président à publier de nouveau des vidéos sur sa chaîne.
Twitter – son ancien réseau de prédilection avec près de 89 millions d’abonnés – a suspendu son compte de manière irrévocable, même si Jack Dorsey, le fondateur du réseau, avait déploré un « échec à promouvoir une conversation saine ».
Le conseiller de Donald Trump, Jason Miller, avait promis que Donald Trump lancerait sa propre plateforme avec « des dizaines de millions d’abonnés ». Mais pour l’instant il s’agit seulement d’un blog ajouté sur son site mardi, avec les mêmes messages que sur le réseau Gab, ouvertement conservateur et conspirationniste.
Les fans du milliardaire accusent Facebook de censure. Les partisans d’un maintien du statu quo considèrent, eux, que la suspension du compte de l’ancien président aurait dû intervenir bien plus tôt. « Il utilisait Facebook et les autres plateformes pour répandre des messages clairement faux sur les processus électoraux, sapant de manière très efficace la démocratie américaine », a estimé Samuel Woolley, de l’école de journalisme de l’université du Texas.
L’ostracisassions numérique de M. Trump a été globalement saluée par les élus démocrates et la société civile américaine. Mais en Europe, elle a suscité des critiques d’associations et de dirigeants, dont la chancelière allemande Angela Merkel, inquiets du pouvoir des sociétés technologiques sur la liberté d’expression.
Afp