La covid-19 a rendu difficile la situation de la dette africaine qui était déjà au centre des inquiétudes ces dernières années. En augmentant les dépenses et en réduisant les recettes notamment dans les pays dépendant du tourisme, elle a exacerbé les besoins d’emprunts pour réduire les déficits.
La dette de l’Afrique devrait croître de 10 à 15 points de pourcentage en 2021. C’est ce qu’a indiqué la Banque africaine de développement (BAD) dans son rapport 2021 sur les perspectives économiques africaines.
Selon l’institution, cette hausse de la dette du continent sera alimentée par la pandémie de covid-19 qui a fortement perturbé les économies du continent. Plus précisément, la BAD indique que les principaux contributeurs à cette augmentation de la dette africaine « devraient être les économies dépendant du tourisme et d’autres économies à forte intensité en ressources autres que le pétrole ».
Ces économies ont été largement impactées par les mesures restrictives qui ont mis un coup d’arrêt à l’arrivée des voyageurs internationaux, et même au tourisme interne. En Tunisie par exemple, on estime qu’en 2020, les recettes touristiques ont chuté de 64%. Pendant ce temps, la dette publique a grimpé, atteignant plus de 87% du PIB selon le FMI.
Ces perturbations liées au coronavirus se sont ajoutées à plusieurs autres paramètres qui ont contribué à aggraver le niveau de la dette africaine, ces dernières années. Ainsi, « une décomposition de la dynamique de la dette africaine montre que l’accumulation de la dette provient principalement de la dépréciation des taux de change, de l’augmentation des charges d’intérêts, de déficits primaires élevés, de la mauvaise gouvernance et de la faiblesse des institutions, des programmes d’investissement public ambitieux et de l’accroissement des dépenses liées à la défense », indique la BAD.
Face à cette situation, alors que les besoins du continent pour la mise en place de sa relance économique post-covid-19 sont loin d’avoir été comblés (encore 154 milliards $ à mobiliser), la Banque appelle les pays africains à améliorer l’efficience de leurs investissements financés par la dette. « Il est préférable de s’assurer que la dette serve à financer les projets les plus productifs, c’est-à-dire ceux qui génèrent une croissance suffisante pour payer la dette à l’avenir », indique-t-elle. Et d’ajouter : « les décideurs politiques devraient donc profiter de la faiblesse actuelle des taux d’intérêt mondiaux pour emprunter des capitaux relativement bon marché afin de financer des investissements publics à haut rendement qui accéléreront la croissance ».
Trois pays : le Bénin, le Ghana et la Côte d’Ivoire ont d’ailleurs déjà privilégié cette option en levant depuis 2020, plusieurs eurobonds à des taux d’intérêts favorables et battant pour certains des records de maturité.
Rappelons que les pays africains bénéficient depuis l’année dernière d’une initiative de suspension de la dette de la part des pays du G20, censée leur permettre de dégager les ressources nécessaires pour financer la lutte contre le coronavirus. Cependant, cette mesure est jugée largement insuffisante, et certains pays comme le Kenya ont d’ailleurs longtemps hésité à la rejoindre, craignant que cela impacte leur note souveraine auprès des agences internationales de notation.
Une dégradation de la part des agences Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s est généralement redoutée par les pays, car elle est de nature à saper la confiance des investisseurs dans la capacité des Etats à rembourser leur dette.
Notons que d’après la BAD, parmi les 38 pays pour lesquels des analyses de soutenabilité de la dette étaient disponibles en décembre 2020, 14 présentaient un risque élevé de surendettement et six étaient déjà en situation de surendettement.
Ecofin