Aucune réforme susceptible de donner aux élus locaux le pouvoir et les moyens de gérer convenablement leurs communes, les Assemblées Populaires Communales éprouvent de grandes difficultés à tenir leurs engagements électoraux.
Toutes leurs décisions sont en effet soumises à l’approbation préalable des Walis et leurs ressources financières dépendent d’un fonds commun des collectivités locales (FCCL) qui leur alloue des budgets, au gré d’une répartition établie par le ministère des Finances et celui de l’Intérieur. A ce jour les communes ne sont pas autorisées à collecter des impôts et taxes sur leurs territoires. A cette allocation budgétaire s’ajoutent quelques subventions accordées épisodiquement par les wilayas de tutelles, généralement pour aider le mouvement associatif local.
C’est une spécificité algérienne, que tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays ont considéré comme anormale et promis de changer, mais aucun n’est malheureusement parvenu à donner aux communes les moyens de s’émanciper, en leur accordant de réels pouvoirs de gestion et en leur permettant de collecter certains impôts et de promouvoir des investissements locaux.
Sans ressources financières produites localement et sans moyens de réalisation, elles se retrouvent ainsi à la merci du bon vouloir de l’Etat et de leurs tuteurs locaux (Walis). Les quelques recettes tirées de la location de locaux et des adjudications de marchés forains, de parkings et de plages, pour les communes qui ont la chance d’en disposer, ne pèsent évidemment pas lourd dans leurs budgets qui dépendent essentiellement des maigres budgets que leur alloue périodiquement le ministère de l’Intérieur, par le biais de ce fond commun créé au milieu des années 1970.
Les allocations sont, dans pratiquement tous les cas, opérées de manière subjective, lésant parfois les unes et privilégiant les autres. Les plus lésées sont évidemment les communes qui ont un fort potentiel fiscal parce que des usines et de grandes entreprises sont implantées sur leurs territoires (cas d’El Hadjar, Oued Smar, Rouiba, Hassi Messaoud et autres), mais dont les impôts sont accaparés par l’Etat. Les plus chanceuses sont, comme on le devine, les communes déshéritées qui reçoivent des allocations du fond commun, sans aucune contribution fiscale venant de leur part.
Sans ces allocations du FCCL, ces communes déshéritées, n’auraient jamais pu fonctionner. Mais dans tous les cas de figure, il n’y a aucune commune algérienne qui parvient à faire face aux dépenses autres que celles des salaires de leurs fonctionnaires et de quelques programmes communaux de développement (PCD), qu’on vient du reste de leur supprimer, au moyen d’une toute récente décision du ministère des finances. Cette subite rupture d’allocation est un coup dur pour le développement local. Elle a engendré l’arrêt brutal des chantiers en cours, causant de gros ennuis aux communes dont les rares activités pourvoyeuses d’emplois se sont brusquement arrêtées. Dans de nombreuses communes les chantiers (toutes, adduction d’eau potable, assainissement etc.) ont été abandonnés en pleins travaux, causant de graves désagréments aux populations.
C’est une situation que les communes auraient évidemment pu éviter si on leur avait permis de collecter des ressources fiscales pour leur propre compte. Elles ne seraient pas, comme c’est aujourd’hui le cas, suspendues au bon vouloir des tutelles ministérielles et du fond commun des collectivités locales.
Sans cette capacité d’entreprendre le développement économique et social avec leurs propres ressources, les communes ressemblent effectivement à de simples démembrements de l’Etat, dont le champ d’intervention se réduit aux seules formalités administratives. Le développement local leur échappe totalement.
Elles prennent conscience de cette impuissance, chaque fois qu’elles sont confrontées à des événements imprévus (calamités naturelles, réparation urgente d’un ouvrage collectif, organisation d’un important événement etc.) qui requièrent des moyens financiers et matériels, que ce régime commun de répartition ne leur permet pas d’avoir.
Toutes les réformes visant à huiler les rouages de la gestion des communes sont restées lettre morte et les élus locaux condamnés à se cantonner dans le rôle de simples figurants. Ces derniers sont de surcroît, empêtrés dans des difficultés quasi quotidiennes que les walis et les chefs de daïra, leur créent en leur ordonnant d’effectuer des travaux ou des services, qu’ils mettent beaucoup de temps à payer.
Mais si la modicité des disponibilités financières a de tout temps tiré la gestion et le développement économique des communes vers le bas, le coup fatal leur a en réalité été donné par la dissolution des entreprises publiques locales (EPL) qui leur servaient de moyens de réalisation, qu’elles pouvaient actionner à tout moment et en toutes circonstances, sans souci de l’orthodoxie financière. Grâce à ces entreprises de proximité, les communes avaient en effet pu construire des écoles, des centres de santé, des centres culturels et de loisirs, ouvrir des routes, intervenir d’urgence en cas d’intempéries, avec de simples ordres de services, ce qui est aujourd’hui interdit. De nos jours, aucune entreprise n’acceptera en effet d’effectuer des travaux pour le compte d’une commune sans contrat et sans avoir reçu les avances forfaitaires prévues.
La dissolution de ces entreprises au milieu des années 90 sur injonction du FMI a effectivement amputé les communes d’un outil de travail essentiel qui leur permettaient de régler d’épineux problèmes locaux (adduction d’eau, entretien des écoles, remise en état des routes abîmées par des intempéries etc.). La fermeture des EPL, rapidement suivie d’un bradage de leurs actifs, a entraîné la mise au chômage de milliers de travailleurs.
Environ 1400 entreprises publiques locales (EPL) avaient en effet subitement fait l’objet d’une dissolution, détruisant du coup, pas moins de 200 000 postes de travail, notamment dans les communes les plus déshéritées, où elles étaient les seules et uniques pourvoyeuses d’emplois. Avec elles, disparaissaient également de précieux moyens de réalisation pour de nombreuses communes pauvres et enclavées, pour lesquelles ces entreprises de proximité constituaient de véritables bouées de sauvetage, notamment lorsque surviennent des calamités naturelles. Ces entreprises dissoutes ont laissé dans un total désarroi les communes qui ne trouvaient subitement plus d’outils de réalisation, pour concrétiser leurs programmes de développement et soulager quelque peu le chômage qui les affectait.
Seules 300 entreprises publiques locales ont pu être sauvées de cette vague de dissolutions, grâce à une mesure gouvernementale, consistant à accorder à ces entités un statut d’entreprise publique économique (EPE) ouvrant droit à des traitements économiques et financiers à même de leur éviter la faillite.
Placées sous tutelles des sociétés de gestion de participation, ces entreprises échappent malheureusement à l’autorité des maires et de ce fait ne sont d’aucune utilité pour les communes où elles sont pourtant installées. Le plus grave est que ces dissolutions se sont accompagnées d’une interdiction aux communes de créer de nouvelles entreprises en remplacement de ces communales qui avaient disparue sur injonction de l’Etat.
Cette interdiction persiste à ce jour, malgré les promesses souvent réitérées d’autoriser les APC à, non seulement, créer des entreprises, mais également, à investir dans des activités marchandes qui dégagent des profits. Il existe en effet dans bon nombre de communes, des actifs (terrains et immeubles notamment) laissés par les EPL dissoutes, pouvant servir à capitaliser les entreprises à créer.
Avec ces moyens immédiatement disponibles, ces nouvelles entreprises pourraient vite entrer en activité. Un grand nombre d’emplois pourraient être ainsi créés à travers le pays, notamment en faveur de la jeunesse rongée par le chômage. Les communes enclavées pourraient également s’offrir une ou plusieurs petites entreprises de réalisation ou de services (transport public), dont les populations locales pourraient tirer d’inestimables avantages.
Pour pallier l’insuffisance de ressources financières dans les communes, les autorités concernées pourraient également envisager, et la législation algérienne le permet, d’associer le privé au capital de ces entreprises publiques locales. Si elle venait à se concrétiser, ce partenariat Public-Privé, que le gouvernement actuel cherche à promouvoir, ne pourra être que bénéfique aux deux parties. Mais rien de bien sérieux ne pourra se faire sans volonté politique clairement affichée par les plus hautes autorités du pays. Et c’est précisément ce qui fait défaut aujourd’hui.